Comme chaque année le CREDHO a fait appel à des conférenciers extérieurs.
Le 25 mars 1998, à la Faculté de Droit de l’Université de Rouen, Mme Friedmann, a prononcé une conférence sur : Une paix fragile dans l’ex-Yougoslavie. La mise en oeuvre des accords de Dayton.
Le 27 mars 1998, Jean-Philippe Lavoyer, chef-adjoint au service juridique du CICR, a prononcé à la Faculté Jean Monnet à Sceaux une conférence sur l’actualité du droit humanitaire. Après présentation d’un film documentaire sur l’action du CICR, il a traité de quatre points principaux : le rôle du CICR ; les nouveaux conflits ; la question de l’impunité et la Cour criminelle internationale et le problème des armes (armes à laser, mines antipersonnel, transferts d’armes). Jean-Philippe Lavoyer a été invité conjointement par Paul Tavernier (CREDHO) et par Sandra Szurek, Université de Paris X-Nanterre, où il a également prononcé une conférence sur certaines questions de droit humanitaire.
Le 6 mai 1998, le juge Mohammed Bedjaoui, membre de la Cour internationale de Justice et ancien président de cette Haute juridiction, a présenté, à la Faculté de Droit de Rouen, une conférence sur : Le Président de la Cour internationale de Justice à la Faculté de Droit, des Sciences économiques et de Gestion de Rouen. M. Abdelwahab Biad, chargé d’enseignement à la Faculté de Droit de Rouen, en a fait le résumé suivant :
Toute l’activité de la Cour s’ordonne autour du Président. Ceux qui ont réfléchi un peu dans la doctrine sur ce personnage ont toujours cherché à le comparer à ses pairs en se demandant s’il est un primus inter pares ou bien un primus super pares.
Dans l’activité judiciaire de la Cour, le Président est un juge comme les autres. Il a les mêmes droits et les mêmes devoirs que ses pairs. Mais dans les tâches administratives, dans la fonction dite gracieuse, et dans la fonction de représentation, il n’y a pas place pour une comparaison avec les autres juges. Le Président assume là des responsabilités spécifiques qui lui sont confiée ès qualités. Ces activités ne font pas de lui un juge super pares, mais un juge différent des autres, c’est-à-dire le chef d’un organe international. Le Président, qui n’était qu’un juge, devient par son élection un juge qui se distingue des autres. Le Président doit toujours se souvenir de qui l’a fait roi, Il est en quelque sorte toujours sous l’autorité et le contrôle de la Cour qui l’a élu.
Du fait du développement de l’activité de la Cour, la présidence de celle-ci est devenue beaucoup plus importante que ce qui avait été prévu à l’origine dans le Statut de la Cour permanente de justice internationale qui avait précédé la présente Cour. Toute l’activité de la Cour s’ordonne autour du Président jusqu’en matière de préséance. C’est un personnage élu au scrutin secret à la majorité des membres composant la Cour au moment de l’élection. Dans le passé il était élu à la majorité absolue des membres présents. Ses pairs lui confient un mandat de trois ans en principe renouvelable. Dans la pratique le Président ne se hasarde jamais à un nouveau mandat, pour laisser leur chance aux autres. Le mandat court a partir du 6 février pour coïncider avec l’élection triennale de cinq juges. Après l’expiration de son mandat, le Président peut être appelé à continuer ses fonctions présidentielles pour achever l’examen d’une affaire de la Cour commencée sous sa présidence. Cela est en partie destiné à rassurer les parties à un litige en cours au moment de l’élection. S’il n’est pas réélu, il rentre dans le rang. Un Président sortant n’a aucun pouvoir ou privilège exceptionnel.
Les trois facettes qui paraissent essentielles de la mission du Président sont sa fonction judiciaire, sa fonction de représentation et sa fonction gracieuse.
Dans sa fonction judiciaire, le Président déploie une activité multiforme. Il dirige les audiences publiques et les réunions en chambre du Conseil où se déroule le délibéré de la Cour. Il déclare les audiences de plaidoiries closes. Il convoque les parties chaque fois que de besoin afin notamment de convenir avec elles du calendrier des audiences. Il signe avec le greffier les ordonnances, avis consultatifs et arrêts de la Cour. Mais, l’élection d’un juge comme Président ne le dispense pas de remplir d’abord la mission première pour laquelle il a été désigné comme juge par les Nations Unies. En certaines circonstances, il joue le rôle d’arbitre en cas de difficultés.
Deux situations sont possibles faisant du Président tantôt un primus inter pares tantôt un primus super pares. Mais voyons d’abord le Président juge à l’égal des autres. Les textes font du Président un égal des autres. Le Président a exactement les mêmes droits et les mêmes devoirs que ses pairs. A l’instar des autres juges il est soumis à la rédaction d’une note qui représente parfois l’équivalent d’une véritable thèse de Doctorat de 200 ou 300 pages pour chaque affaire. Dans le délibéré il a les mêmes droits que les autres mais ici tout dépendra de la personnalité du Président. Il y a des délibérés qui peuvent durer plusieurs jours, voire plusieurs mois. Il dirige les débats et tire les conclusions qui lui paraissent s’en dégager. Il doit faciliter la prise de décision dans le respect des opinions de chaque juge. Ce qui n’est pas toujours facile, loin s’en faut. Sa responsabilité est grande et son doigté et sa persuasion sont nécessaires. Une telle influence n’est pas quantifiable ni susceptible d’être enfermée dans une règle. Les textes font du Président l’égal des autres mais les faits le montrent parfois en juge qui ajoute à ces textes tout le supplément d’âme qui aide la Cour à trancher les difficultés de tous les instants.
Il existe un cas ou le Président perd sa qualité dans l’examen d’une affaire. Il se cantonne alors exclusivement à sa fonction de juge. L’article 32 du Règlement vise ici les cas où le Président est ressortissant de l’une des parties. Le souci d’assurer l’égalité entre les parties impose qu’il cède sa place de président pour l’affaire considérée et uniquement pour elle au vice-président de la Cour ou à défaut au doyen de celle-ci. Ainsi, lorsque la Cour examina les mesures conservatoires demandées en 1992 par la Libye dans l’affaire Lockerbie, le Président britannique Sir Robert Jennings céda sa place au vice-président japonais. En février 1998 au moment de la phase de compétence et de la recevabilité pour la même affaire, le Président américain Schwebel à fait de même vis à vis du vice-président sri lankais.
Que peut-on dire du Président comme juge primus super pares? Il est investi par ses pairs de la mission de diriger les travaux de la Cour. Il convoque la Cour ou ses chambres, il dirige leurs débats, il en prononce la clôture. Il agit par délégation de la Cour dans de nombreux domaines. Il veille avec le greffier sur la mise en état de l’affaire à juger, depuis la tenue du rôle général des affaires jusqu’à la fixation des délais par la Cour pour production des pièces écrites en passant par la convocation des parties auprès desquelles le Président se renseigne sur leurs vues sur les questions de procédure. Il dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix de la Cour, qualifié de vote décisif (casting vote).
On rappellera aussi le pouvoir éphémère dont a disposé le Président de la Cour permanente de justice internationale en matière d’indication de mesures conservatoires (Règlement de 1922 et 1925). Cette décision fut controversée à l’époque et ce pouvoir lui fut retiré en 1935 à la suite d’une décision rendue par la défunte Cour et adoptée grâce à la voie prépondérante du Président. Il restait toutefois, l’article 61 du Règlement de 1936 qui permettait au Président en attendant que la Cour se réunisse de prendre toute initiative qu’il jugerait nécessaire pour mettre la Cour en situation d’indiquer, si elle le désire et le moment venu, des mesures conservatoires. La Cour actuelle a hérité de cette idée comme cela est stipulé dans l’article 74 de son Règlement.
Le Président exerce aussi une responsabilité administrative, à deux niveaux au plan interne et externe. L’un et l’autre font du Président un juge primus super pares. Il dispose d’un pouvoir de contrôle interne sur l’administration de la Cour et un pouvoir de représentation de la Cour au plan externe. Il est le seul juge à avoir l’obligation impérative de résider au siège de la Cour à La Haye. Il possède en propre le pouvoir d’approbation des nominations proposés par le greffier. Il contrôle les services de la Cour mais ne les dirige pas lui-même, ce contrôle relevant normalement du greffier qui est le chef de l’administration. Entre le Président et les autres juges s’instaure un climat sui generis où se mêlent des touches de subordination hiérarchiques et des notes d’égalité entre les deux. Il est le premier à connaître les vues de tel ou tel juge, recueille la demande d’absence d’un juge et reçoit son déport dans une affaire ou sa démission
En ce qui concerne sa fonction de représentation à l’extérieur, le Président représente la Cour auprès des autorités du pays hôte. Le protocole des Pays-Bas accorde au Président de la Cour la préséance sur tout les membres du gouvernement et des corps constitués y compris le corps diplomatique en poste à La Haye. Il est en relation avec le Ministre des affaires étrangères néerlandais par l’intermédiaire du greffier pour tout ce qui concerne l’application de l’échange de lettres intervenu le 26 juin 1946 entre le Président de la Cour et le gouvernement des Pays-Bas au sujet des immunités et privilèges des membres de la Cour. La fonction de représentation s’exerce aussi à l’égard des Nations Unies. Le Président de la Cour adresse à l’Assemblée générale à l’occasion de la session annuelle, un rapport sur les activités de la Cour. Mais à la différence des autres rapports des autres organes ou institutions des Nations Unies, l’Assemblée générale veille à ne pas ouvrir un débat sur celui de la Cour pour ne pas s’immiscer dans ses travaux. Elle " prend acte " du rapport. La Cour a obtenu un privilège récent autorisant son Président à s’adresser directement à l’Assemblée générale à New-York à la fin du débat général qui suit l’ouverture de la session. Il s’adresse aussi à la VIème Commission (commission juridique), ainsi qu’au d’autres aréopages gravitant autour des Nations Unies.
La fonction dite gracieuse du Président est à la fois intéressante et assez peu connue. Il existe des traités internationaux qui investissent le Président de la Cour de charges extrajudiciaires comme la nomination d’un président, d’un arbitre ou d’experts pour un tribunal arbitral ou de membres de commissions de conciliation. Cette possibilité est également prévue dans les accords de droit privé, ceux instituant des arbitrages commerciaux internationaux. Récemment le Président de la Cour avait été prié de nommer trois membres de la Cour constitutionnelle de la République de Bosnie-Herzégovine (1995) et de désigner les deux arbitres en vue d’un arbitrage obligatoire (binding arbitration) portant sur le saillant de Brcko opposant la Bosnie et la Republika Srbska (Accord de Dayton, Annexe II). Dans l’accord sur le règlement pacifique du différend à propos de la délimitation de leur frontière maritime en Mer Rouge (1997), le Yémen et l’Erythrée ont prévu de confier au Président de la Cour le soin de désigner un juge de la Cour comme président de ce tribunal, au cas ou ils ne parviendraient pas à s’entendre sur sa désignation. Mais ce ne fut pas le cas et le Président de la Cour n’eut pas à intervenir.
Ainsi le Président n’en apparaît là que comme un juge parmi les autres juges dont l’oeuvre se fonde dans la masse de celle des quatorze autres. Ce sont surtout dans les fonctions de représentation et dans la fonction gracieuse que les autres ne peuvent exercer, qu’il prend toute son importance. Ses qualités personnelles aidant, il apparaît surtout comme une grande personnalité bénéficiant d’une certaine aura, avant tout morale, aussi bien auprès des États que des opérateurs économiques (lorsqu’il s’agit d’arbitrages commerciaux) qui n’hésitent pas à recourir à sa fonction gracieuse pour réguler leurs relations.
Enfin, le professeur Djamchid Momtaz, de l’Université de Téhéran, a prononcé une conférence le 14 décembre 1998, à la Faculté Jean Monnet à Sceaux, sur : La Cour pénale internationale. Il a centré ses développements sur deux questions essentielles : la liste des crimes retenus et la compétence de la Cour. Cette conférence a été organisée dans le cadre du DEA Droit public international et européen commun aux Universités de Paris-Sud et Versailles-St Quentin. Les étudiants ont pu ainsi profiter de l’expérience d’un participant à la Conférence de Rome qui a abouti en juillet 1998 à l’adoption du statut de la Cour pénale internationale.