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BIBLIOGRAPHIE FRANCOPHONE SUR LES DROITS DE L'HOMME ET LE DROIT HUMANITAIRE

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Islam et Droits de l'Homme

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BUZZI (Alessandro)

L'intervention armée de l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie

(Paris : Pedone, 2001, 277 p. - Préface de Pierre Michel Eisemann. - coll. Perspectives internationales n° 22, CEDIN Paris I).
 

 

La question du Kosovo a déjà donné lieu à une littérature abondante dans les domaines politiques et juridiques. L'ouvrage d'Alessandro Buzzi sur l'intervention armée de l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie est issu d'un mémoire de troisième cycle et constitue un apport intéressant de la part d'un jeune juriste, aux talents prometteurs, sur les aspects juridiques d'un conflit très particulier qui n'a duré que moins de trois mois, mais dont les conséquences sont loin d'être épuisées.

 

 L'auteur aborde classiquement les problèmes du jus ad bellum et du jus in bello. Il examine la question du recours à la force au regard du Traité de l'Atlantique Nord (et notamment de l'article 5) et de la Charte des Nations Unies (article 51 et chapitre VII). Cela l'amène à des développements intéressants sur les transformations du statut de l'OTAN et sur la justification "humanitaire" du recours à la force par l'OTAN. Sur tous ces points, bien qu'il relève des évolutions du droit, celles-ci ne sont pas suffisantes pour justifier juridiquement l'intervention. On lira également avec fruit les pages consacrées à l'applicabilité du droit international humanitaire à l'OTAN et à ses Etats membres, ainsi qu'à l'application de ces règles.

 

 Alessandro Buzzi exprime sa déception quant aux conclusions du comité ad hoc du Bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie qui n'a pas recommandé d'entamer des poursuites. Mais le principe de l'opportunité des poursuites, reconnu en droit interne, comme en droit international, ne répond-il pas au besoin de réserver la part incompressible du politique et de reconnaître les limites du droit et des procédures juridiques ?

 

Paul Tavernier

 

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CHARFI (Mohamed)

Islam et libertés. Le malentendu historique

(Paris : Albin Michel, 1998, 272 p.).

 

L’ouvrage de Mohamed Charfi s’inscrit tout à fait dans l’actualité en dépit du fait qu’il a été publié en 1998. Il est en effet d’une grande utilité pour ceux qui désirent avoir une approche universitaire et juridique de la question des rapports entre l’Islam, les droits de l’homme et la démocratie. Rappelons que l’auteur, Professeur émérite à la Faculté de Droit de Tunis fut ministre de l’Education et des Sciences de son pays (1988-1994) et à ce titre artisan d’une réforme du système éducatif  dans le sens de la modernité.

 

L’auteur situe d’emblée sa position en rappelant l’incapacité des sociétés musulmanes à intégrer la modernité et en particulier les acquis que sont les droits de l’homme et la démocratie déjà enracinés en Europe. Pris en tenaille entre une lecture intégrale des textes religieux et une « modernité hésitante », les pays musulmans ont été incapables d’inventer une nouvelle relation au religieux libéré des dogmes. Certes le mouvement des réformateurs du début du XXème siècle incarné par la figure emblématique de Mohamed Abdou fut à l’origine d’une réflexion approfondie sur la nécessité d’adapter l’Islam au contexte contemporain, mais, force est de constater son échec avec l’émergence dans les années vingt de la confrérie des Frères musulmans, première cohorte d’organisations islamistes de plus en plus radicales. Estimant que « l’Islam n’est pas moins apte que le christianisme ou le judaïsme à évoluer », l’auteur nous cite pour exemple la réforme du statut de la femme en Tunisie dans les années soixante.

 

Quatre chapitres constituent la trame de l’ouvrage. Dans un premier chapitre est analysé l’émergence des mouvements intégristes ou islamistes (l’auteur utilise sans distinction les deux termes) dans la plupart des sociétés musulmanes. Ceci n’a été possible qu’avec la complicité des régimes autoritaires désireux de faire contrepoids à l’influence des intellectuels laïques et des démocrates notamment dans les universités. Un chapitre est consacré à la notion d’Etat en Islam et un autre à la réforme du système éducatif en Tunisie afin de l’épurer de tout dogmatisme religieux, réforme dont l’auteur est un des artisans. Mais, c’est incontestablement avec le deuxième chapitre sur « Islam et Droit » que l’on entre de plein pied dans la question qui nous préoccupe – les droits de l’homme – éclairée par l’apport d’un juriste positiviste comme Mohamed Charfi. Ce dernier met en exergue les deux principaux obstacles à la promotion des droits de l’homme en terre musulmane, la discrimination légalisée contre les femmes et l’absence de liberté de conscience tels qu’ils découlent de la chariaâ. En dehors de la Turquie qui a adopté dès 1926 sous la férule de Kemal Ataturk un code civil d’essence laïque (le 1er janvier 2001 est  entré en vigueur en Turquie un nouveau code civil qui instaure l’égalité totale dans le mariage entre l’homme et la femme, c’est un événement sans précédent dans un pays à majorité musulmane) et de la Tunisie, tous les pays musulmans ont consacré à travers la référence à la chariaâ, la discrimination entre les sexes. A propos de la liberté de conscience, on nous rappelle que l’apostasie est considérée comme un crime passible de la peine de mort dans les codes pénaux de nombreux pays musulmans. Mais, l’apostasie est aussi une accusation souvent utilisée pour faire taire les opposants en donnant un habillage religieux aux politiques autoritaires. C’est aussi une accusation instrumentalisée par les intégristes contre les intellectuels comme l’a illustré l’exécution de Mahmoud Mohammed Taha par le régime islamo-militaire de Khartoum et le procès contre Farag Fauda (cet écrivain égyptien condamné pour apostasie par un tribunal à l’instigation d’ulémas d’Al-Azhar sera finalement assassiné par un militant du Djihad islamique en juin 1992). On remarquera une partie intéressante sur la relation chariaâ et droits de l’homme (pp.99-104) ou l’auteur évoque la question de la compatibilité entre la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam adoptée par l’O.C.I. et les textes internationaux pertinents, rappelant qu’elle est en retrait par rapport à ces derniers.

 

Face au bilan globalement négatif en matière de démocratie dans les pays musulmans, doit-on en rechercher la raison dans la fermeture de la porte de l’ijtihad (effort de réflexion) par les juristes musulmans dès le XIIIème siècle ? Ou bien dans l’instrumentalisation politique de la religion à la fois par des gouvernants en manque de légitimité et par des groupes intolérants et incultes à la recherche d’une audience auprès d’une opinion publique désemparée ?  Quelle perspective dans ce sombre tableau ?  C’est un effort de réinterprétation des textes islamiques dans un sens plus favorable aux droits de l’homme qui s’impose aujourd’hui dans l’urgence, un effort qui vise à rechercher l’esprit et non la lettre de chaque prescription coranique. Il s’agit aussi comme le propose Mahmoud Mohammed Taha de distinguer dans le message coranique les « versets éternels » et les « versets circonstantiels », ces derniers pouvant faire l’objet d’une relecture pour les adapter au contexte actuel.

 

On peut déplorer que l’auteur, qui a exercé des responsabilités gouvernementales sous la houlette du Président Ben Ali  et a dirigé la Ligue tunisienne des droits de l’homme, ne nous ait pas expliqué pourquoi en dépit d’un statut de la femme digne de pays démocratiques et d’une réforme courageuse du système éducatif pour l’adapter à la modernité, la Tunisie traîne toujours un passif en matière de droits de l’homme. Mais ceci est une autre question qui nous éloigne de la problématique énoncée dans l’intitulé de l’ouvrage : Islam et libertés.

 

Abdelwahab BIAD

 

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MOLLARD-BANNELIER (Karine)

La protection de l'environnement en temps de conflit armé

(Paris : Pedone, 2001, 542 p. - Préface d'Yves Daudet).

 

Si les juristes et la communauté internationale n'ont pris réellement conscience des problèmes de l'environnement qu'à partir des années 1970 avec la Conférence de Stockholm qui a posé les principes de base en la matière, le bel ouvrage de Karine Mollard-Bannelier nous rappelle fort opportunément que les atteintes à l'environnement du fait de la guerre remontent à la plus haute antiquité. La guerre du Vietnam ou celle du Koweït ont par ailleurs ému l'opinion et attiré à nouveau l'attention sur ces problèmes.

 

L'auteur explore avec minutie toutes les pistes qui s'ouvrent au juriste pour assurer une meilleure protection de l'environnement en temps de conflit armé, aussi bien dans le domaine du droit conventionnel que dans celui du droit coutumier, dans le domaine du droit de la guerre, comme dans celui du droit de la paix.

 

Elle envisage d'abord les règles spécifiques du droit de la guerre : la Convention ENMOD (convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles) qui s'avère être un instrument plutôt décevant et les articles 35 § 3 et 55 du Protocole I de 1997 aux Conventions de Genève dont les effets restent relatifs, mais qui semblent acquérir une valeur coutumière. En outre, de nombreuses règles du droit de la guerre peuvent contribuer indirectement ou "par ricochet" à la protection de l'environnement : principe de nécessité militaire et principe de proportionnalité, règles relatives à la protection des biens et réglementation de certaines armes (armes incendiaires, chimiques, bactériologiques, mines).

 

Dans la deuxième partie, Karine Mollard-Bannelier examine longuement la question de l'applicabilité des traités environnementaux en temps de conflit armé, leur suspension n'étant pas automatique, mais n'étant pas non plus exclue. Elle discute aussi de la pertinence des règles coutumières du droit international protégeant les pays tiers.

 

Enfin, dans la troisième partie, elle pose les problèmes qui conditionnent largement l'effectivité de la protection, c'est-à-dire les problèmes de responsabilité internationale pour les dommages causés à l'environnement en temps de conflit armé. Elle met en valeur non seulement les problèmes de responsabilité des Etats, mais aussi les progrès réalisés en matière de responsabilité pénale des individus (compétence universelle et juridictions pénales internationales). Aux perspectives qu'elle nous ouvre, on pourrait ajouter que l'affaire des bombardements de l'OTAN contre la Yougoslavie a soulevé aussi la question de la mise en cause de la responsabilité des organisations internationales en la matière, question qui mériterait d'être approfondie.

 

L'ouvrage de Karine Mollard-Bannelier, issu d'une thèse de doctorat, aborde de nombreuses questions de droit international général, notamment lorsqu'elle examine le problème de l'applicabilité des traités en temps de guerre, mais elle n'oublie jamais son sujet et y ramène constamment son lecteur. Elle promène celui-ci à travers les sources conventionnelles, mais aussi les principes généraux et les sources coutumières applicables en la matière. Celles-ci revêtent en effet une importance renouvelée, qu'on avait eu tendance à minimiser, mais dont les auteurs prennent de plus en plus conscience, et que le CICR a eu le mérite de mettre en valeur dans l'étude qu'il a entreprise depuis plusieurs années.

 

Le livre de Karine Mollard-Bannelier, écrit dans un style élégant et limpide, manifeste un esprit subtile et une grande culture. Il honore la jeune doctrine française en matière de droit international, qui s'intéresse de plus en plus au droit des conflits armés et au droit international humanitaire. Un regret, toutefois, - minime il est vrai - l'ouvrage n'est pas accompagné d'un index qui aurait rendu encore plus facile la consultation de l'ouvrage.

 

Paul Tavernier

 

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HENZELIN (Marc)

Le principe de l'universalité en droit pénal international. Droit et obligation pour les Etats de poursuivre et juger selon le principe de l'universalité

(Bâle : Helbing et Lichtenhahn, Faculté de droit de Genève ; Bruxelles : Bruylant, 2000, XXVII + 527 p.).

 

C'est un ouvrage extrêmement riche et dense, issu d'une thèse soutenue devant l'Université de Genève, que publie maintenant Marc Henzelin et qui, lui aussi, fait honneur à la doctrine francophone. Comme le remarque son préfacier, le professeur Georges Abi-Saab, il "présente un double intérêt : c'est l'œuvre d'un pénaliste de formation, dans un domaine submergé par les travaux d'internationalistes". Par ailleurs, bien qu'il traite de ce qu'on appelle communément la "compétence universelle", l'auteur préfère utiliser les termes de "principe de l'universalité en droit pénal", principe qui "permet à un Etat de poursuivre et de juger l'auteur d'une infraction qui n'a aucun lien de rattachement avec l'Etat en question".

 

Dans une première partie, il étudie de manière approfondie les facteurs philosophiques, politiques ou sociologiques qui conditionnent l'application du principe de l'universalité, faisant preuve d'une grande érudition, fruit de cette "aventure quasi monacale" dans laquelle il avoue lui-même s'être lancé ! Il pose ainsi clairement les cadres conceptuels qu'il utilisera par la suite, en distinguant notamment le principe d'universalité unilatérale, déléguée et absolue.

 

Dans la deuxième partie, il examine le principe de l'universalité unilatérale, c'est-à-dire le droit des Etats d'appliquer unilatéralement le principe de l'universalité et il conclut, après un examen serré, au rejet de l'exercice d'une telle compétence qui se heurte au principe de non-ingérence et à l'opposition de la communauté internationale.

 

Quant à la troisième partie, elle concerne le principe de l'universalité déléguée, c'est-à-dire résultant d'un accord conventionnel entre les Etats. Il s'agit là du domaine privilégié du principe de l'universalité et qui repose sur une pratique ancienne des Etats.

 

Toutefois, le principe de l'universalité absolue qui s'applique indépendamment de la volonté des Etats "pour promouvoir un supposé bien commun de l'humanité" et qui correspond à une vision jusnaturaliste de la société, n'est pas totalement exclu. S'il n'est pas confirmé par la pratique des Etats, ceux-ci peuvent néanmoins en favoriser l'avènement par une application étendue du principe de l'universalité déléguée;

 

Le lecteur est impressionné par la rigueur du raisonnement et par l'ampleur de l'information. Marc Henzelin a su mettre de l'ordre dans une matière complexe sur laquelle on a déjà beaucoup écrit, mais pas toujours à un tel niveau de qualité. Dans l'avertissement en tête de l'ouvrage, il précise modestement que l'étude restera "définitivement une recherche du XXe siècle", et il prévoit que "des développements rapides auront lieu au début du XXIe siècle". Cela se vérifie déjà à propos des discussions sur certaines législations nationales sur lesquelles on aurait aimé avoir plus de précisions, par exemple sur la loi belge, la plus "progressiste" en ce domaine dont la révision est envisagée. Mais la consultation de cet ouvrage demeurera cependant indispensable à l'avenir pour tous ceux qui s'intéresseront aux évolutions en matière de compétence universelle.

 

Paul Tavernier

 

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