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Centre de recherches et d'études sur les droits de l'Homme et le droit humanitaire

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Islam et Droits de l'Homme

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Gilles LEBRETON

Libertés publiques et droits de l’Homme
Paris, Armand Colin, 2003, 538 p., coll. U.

 

Avec cette sixième édition, le manuel du Doyen Lebreton peut être considéré comme un “ classique ”.  Classique, l’ouvrage l’est par son plan (Théorie générale / Régime juridique des principales libertés publiques), son contenu (fine analyse juridique, mais aussi vastes connaissances de la philosophie politique) et son style clair, précis et rigoureux.  Classique, l’auteur l’est par l’étendue de sa culture de grand humaniste (on appréciera, entre autres, sa critique de la Cour européenne des droits de l’Homme qui dans son arrêt Refah Partisi adopte “ une vision caricaturale de l’islam en estimant que cette religion est nécessairement vouée à l’intégrisme ”, p.120 note 1) et par son républicanisme parfois ombrageux (la pensée de Carl Schmitt ne peut être réduite à celle du théoricien officiel du nazisme qu’au demeurant il ne fut pas).  Toutefois, s’il est engagé, le Doyen Lebreton n’est pas pour autant partisan.  Adepte du positivisme sociologique, l’auteur évite autant la métaphysique jusnaturaliste que le juridisme désincarné, pour donner une vision vivante, personnelle et roborative des libertés fondamentales.

 

Philippe Ch.-A.  Guillot

 

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Slobodan PEROVIC

Déclaration des droits naturels de l’Homme

Belgrade, Editions de l’Ecole de droit naturel de Kopaonik, 2003, 422 p.

 

Ce livre du président de l’Alliance des associations de juristes de Serbie et du Monténégro reproduit en plusieurs langues (anglais, français, allemand, espagnol, russe et chinois) une synthèse de quinze ans d’activités de l’Ecole de droit naturel de Kopaonik (le Kopaonik est un massif montagneux à la frontière historique de la culture occidentale et de la culture orientale, situé à 250 kilomètres au sud de Belgrade ;  chaque année l’Ecole regroupe à la mi-décembre “ deux à trois mille juristes de diverses régions du monde ”) sous forme d’une déclaration en 32 articles, adoptée le 16 décembre 2002 à la séance de clôture de l’Ecole.  La version française comprend 66 pages.

 

Le préambule place cette déclaration sous l’égide de “ la conception rationnelle de la pluralité de la philosophie générale du droit naturel, selon laquelle la source du droit réside dans la légitimité de la spiritualité commune et non pas dans l’arbitraire ou l’instinct sensuel, ce qui la rend apte à consacrer, par l’idée absolue du droit, la justice naturelle et sociale universelle, et à instaurer de la sorte le droit universel, supranational et juste ” (p.76) et possède un indéniable souffle kantien.

 

Le dispositif de la Déclaration s’ouvre sur des “ dispositions générales ” (pp.81-95) qui relèvent plus de l’exposé des motifs, voire d’un cours de philosophie du droit (Platon, Aristote, St Thomas d’Aquin, Grotius, Hobbes, Pufendorf, Descartes, Christian Thomasius, Herbert Spencer, Henri Ahrens et, bien sûr, Emmanuel Kant y sont évoqués), que d’un catalogue de règles applicables.  D’une manière générale, le style de la Déclaration s’apparente plus à une leçon universitaire qu’à une véritable déclaration de principes.

 

L’inventaire des droits tenus pour naturels par l’Ecole est des plus classiques :  droit à la vie, droit à la liberté, droit à la propriété, droit à l’œuvre intellectuelle, droit à la justice, et droit à l’Etat de droit.  De prime abord, on peut même s’étonner de ne pas y trouver de droit de la deuxième ou de la troisième génération des droits de l’Homme, mais ceux-ci sont inclus dans les définitions de ces six droits qui forment l’hexagone fondamental du droit naturel (la devise de l’Ecole est :  vita, libertas, proprietas, humanitas, justicia, jus – ce qui signifierait donc que l’humanité s’épuise dans l’œuvre intellectuelle).

 

Ainsi, le droit à la vie contient non seulement le droit à la santé, mais fait également mention de “ l’écologie ” (“ 16.1 Tout homme a droit à une vie saine et productive en cohérence avec la nature. (...) 16.2 Les objectifs écologiques et économiques doivent être reliés par le “ capital social ”, l’ordre juridique et moral et la détermination des hommes à promouvoir, par leur travail commun, le développement général de leur environnement, tout en satisfaisant aux exigences d’un environnement sain pour les générations présentes et à venir. (…) ”, p.101) et le droit à la propriété contient le droit au travail (“  27.1 Le droit au travail et aux résultats du travail appartient à chaque homme (…), p.127 ;  “  27.4 … toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail, et à la protection contre le chômage.(…) ”, p.128).

 

Sans doute aussi le douteux privilège d’avoir connu le socialisme réel qui mettait en avant les droits-créances pour mieux étouffer les droits-libertés n’est-il pas étranger à ce texte plus libéral que bien des textes occidentaux (“ 20.3… l’administration publique doit reposer sur les principes de la culture démocratique et être dotée d’un mécanisme de contrôle social.  Elle doit être libérée des entraves de la bureaucratie, de la corruption et du dogmatisme des partis politiques. ”, pp.110-111 ;  “ 22.1 Le type collectiviste de propriété mis en place dans les pays socialistes au moyen de la transformation forcée de la propriété privée en propriété d’Etat (nationalisation), n’a pas prouvé sa justification économique.  Dans la plupart de ces pays, on assiste actuellement au processus de dénationalisation qui rend les biens nationalisés à leurs anciens propriétaires par restitution en nature ou indemnisation en espèces.  Ce processus est conforme aux principes de la justice sociale. ”, p.117 ;  “ 32.3… Dès lors que la politique dégénère en arbitraire et en aliénation, dès qu’elle est imposée par la force et le diktat au droit et à l’ordre juridique, celui-ci perd sa légitimité.  On pénètre alors dans les espaces de l’opportunité politique où domine soit la conscience révolutionnaire soit la servilité politique.  C’est le commencement de l’agonie du droit et l’avènement de l’Etat d’antidroit. ”, p.139).

 

En revanche, il est étonnant de trouver dans une telle déclaration un article consacré au contrat et à la responsabilité civile (“ 24.2  La liberté contractuelle ne se ramène pas à la question de la négation ou de l’effet absolu de la liberté, mais à celle de la détermination de la mesure permettant de conférer, dans la dualité des exigences, la place voulue à l’une et l’autre nécessité sociale :  celle d’assurer la liberté de l’activité individuelle, et celle de garantir l’indispensable protection des biens publics de la communauté ”, p.120), aux sociétés et aux contrats commerciaux ou… aux assurances !

 

Le lecteur positiviste ne peut que noter que cette Déclaration des droits naturels n’apporte guère de réponse aux grandes questions philosophiques que le positivisme est réputé ne pas savoir résoudre puisqu’elle est plus que précautionneuse dans la portée du droit à la vie… renvoyant au droit positif national le soin de trancher (“ 14.18 La vie de l’homme jouit de la protection depuis la naissance jusqu’à la mort étant entendu que cette protection s’étend aussi à la période prénatale.  L’enfant conçu mais non encore né est juridiquement protégé à partir du moment où le fœtus est viable.  Cette protection qui se réalise, pour l’essentiel, au moyen de prescriptions légales régissant l’interruption de la grossesse, va de la libération à l’interdiction. ”, p.99 ;  les articles 14.21 et 14.22 ne prennent pas plus partie sur la question de l’euthanasie).

 

En définitive, plus qu’un texte à vocation opératoire, cette Déclaration résume la conception idéaliste et idéalisée que tendent à se faire du droit ceux qui ont trop longtemps vécu sous le règne du matérialisme historique et de l’antidroit.  L’indéniable valeur sociologique de cette Déclaration atteste, au grand dam des altermondialistes, de la pénétration et de l’enracinement des idées libérales en Europe centrale et orientale.

 

Philippe Ch.-A. Guillot

 

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Christoph EBERHARD

Droits de l’Homme et dialogue interculturel

Paris, Editions des Ecrivains, 2002, 399 p.

 

Le nouvel ouvrage de Christoph Eberhard intitulé « Droit de l’Homme et dialogue interculturel » porte le regard d’un anthropologue du droit sur un débat qui agite la communauté internationale depuis de nombreuses années et qui n’est pas terminé, loin s’en faut. Cette orientation anthropologique est attestée par la bibliographie qui fait une large place à l’école française et francophone de l’anthropologie juridique (Michel Alliot, Etienne Le Roy, Norbert Rouland, Jacques Vanderlinden). Malheureusement, ce livre, dont le titre accrocheur est aisément compréhensible au commun des mortels, présente et développe un discours ésotérique qui rebutera le juriste ordinaire, le praticien du droit et le défenseur des droits de l’Homme, le simple citoyen ou le militant de base. Ce discours, réservé à des initiés leur paraîtra déconnecté de la réalité du fait de son degré élevé de généralité et de son abstraction. On peut craindre que les présupposés qui sous-tendent ces analyses et l’ambiguïté de celles-ci ne clarifient pas les données du combat pour une véritable universalité des droits de l’Homme qui tienne compte et intègre la diversité des cultures (voir à titre d’exemple, Paul Tavernier, « L’ONU et l’affirmation de l’universalité des droits de l’Homme », Revue trimestrielle des droits de l’Homme, n° 31, 1997, pp. 379-393).

 

Si l’anthropologie juridique se réfère souvent à l’Afrique, comme l’évoque l’arbre à palabre figurant sur la couverture, Christoph Eberhard succombe pour sa part au mirage de l’Orient et au mythe d’une sagesse orientale de pacotille…

 

Paul Tavernier

 

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Nejib BOUZIRI

La protection des droits civils et politiques par l’ONU. L’œuvre du Comité des droits de l’Homme
Paris, L’Harmattan, 2003, 604 p.

 

L’ouvrage que publie Nejib Bouziri  n’est pas un ouvrage ordinaire. Bien qu’issu d’une thèse de doctorat soutenue en 1994 à l’Université de Paris II, sous la direction du Doyen Mario Bettati et qui portait sur « Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (élaboration application) », il se présente fort différemment.  Si l’on retrouve l’essentiel de la substance de la thèse, celle-ci a été considérablement mise à jour et enrichie, bien que certains développements aient été allégés (notamment les développements historiques). C’est donc un tableau beaucoup plus complet qui est présenté en ce qui concerne le contrôle exercé par le Comité des droits de l’Homme en vertu de l’article 40 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, sur la base des rapports périodiques fournis par les Etats, mais aussi pour ce qui est du contrôle contentieux exercé par le Comité en vertu du protocole facultatif et concernant les communications individuelles.

 

Ce qui caractérise le livre de Nejib Bouziri, c’est qu’il s’agit d’une œuvre très personnelle reflétant l’expérience et les préoccupations de l’auteur. Celui-ci a eu une longue expérience diplomatique comme ambassadeur de Tunisie dans de nombreux pays, à l’époque difficile de la guerre froide, et comme représentant de son pays aux Nations Unies, à l’Assemblée générale ou dans certaines grandes conférences, ainsi que devant la Cour internationale de Justice. Mais surtout sa participation aux travaux du Comité des droits de l’Homme de 1978 à 1986 lui a permis de connaître le fonctionnement de cet organisme de l’intérieur. Cela donne à de nombreux développements une résonance très particulière. L’ambassadeur Bouziri n’hésite pas à dévoiler certains aspects peu connus des travaux du Comité, voire certains dysfonctionnements. Il prend position sur les questions controversées. Il n’élude pas les problèmes et il se prononce pour une plus grande transparence des travaux du Comité : même si des progrès ont été faits en ce qui concerne les communications individuelles, la transparence n’existe pas pour les observations finales du Comité à l’issue de l’examen du rapport d’un Etat partie (pp. 577-578).

 

Comme le remarque fort justement dans sa préface Fausto Pocar, qui fut président du Comité des droits dd l’Homme, « la partie de l’ouvrage où la finesse de juriste ainsi que la sensibilité politique de M. Bouziri ressortent de la manière la plus évidente, c’est là où il soumet à une analyse rigoureuse les dispositions matérielles du Pacte qui énoncent les droits protégés » (p. 7). Cette partie a pris une ampleur considérable par rapport à la thèse. On fait volontiers sienne l’affirmation de l’ambassadeur Bouziri selon laquelle le droit à la vie constitue le « droit suprême sans lequel les autres droits n’ont pas de sens » (p. 268). On constatera également qu’un sujet lui tient particulièrement à cœur, c’est celui de l’émancipation des femmes, comme le relève son préfacier, et comme cela apparaît par la citation de René Dumont placée en exergue (« Sans l’émancipation des femmes, il n’y aura pas de vraie démocratie ») puis dans les développements consacrés à l’article 3 du Pacte et à l’égalité des hommes et des femmes (pp. 183-208).

 

On ne peut qu’admirer la persévérance, la ténacité et le courage de l’auteur. Celui-ci après avoir abandonné un projet de thèse qu’il venait d’entreprendre, afin de servir son pays qui accédait à l’indépendance, a décidé une fois à la retraite, de reprendre le chemin de l’Université et de se soumettre à ses exigences et à ses contraintes. Finalement, après encore plusieurs années de labeur, il nous livre le fruit de ses réflexions dans un livre stimulant et très riche sur l’œuvre encore insuffisamment connue, en dehors du cercle des spécialistes, d’un Comité des Nations Unies qui constitue pourtant le prototype d’une « famille » d’organes assurant le contrôle de plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme. Le Comité a servi de modèle non seulement dans le cadre des Nations Unies, mais aussi dans le cadre régional, certains organismes s’étant inspirés de cet exemple, comme la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. C’est finalement à une lecture de l’œuvre du Comité, à la fois humaine et politique, au sens plein du terme, que Nejib Bouziri nous invite et on se laisse volontiers entraîner à sa suite.

 

Paul Tavernier

 

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Christof HEYNS et Frans VILJOEN

The impact of the United Nations Human Rights Treaties on the domestic level

La Haye, Kluwer Law International, 2002, VIII-268 p.

 

Cette étude sur l’impact des traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’Homme au niveau national constitue le résultat d’un travail de recherche considérable. Les professeurs Heyns et Viljoen ont mené une enquête systématique et approfondie sur l’influence réelle des six instruments principaux adoptés par l’Organisation mondiale en matière des droits de l’Homme : les deux pactes internationaux de 1966 (le pacte relatif aux droits civils et politiques, y compris le protocole facultatif), et le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965), la convention sur l’élimination de toutes  les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979), la convention contre la torture (1984) et la convention relative aux droits de l’enfant (1989). Un échantillon de vingt pays, soit quatre pour chacune des cinq régions reconnues par l’ONU, a été retenu pour effectuer la recherche : Afrique, Asie, Europe orientale, Amérique latine et Caraïbes, Europe occidentale et autres pays. Certes, on peut critiquer le choix de cette répartition géographique qui reste un héritage de l’époque de la guerre froide. En effet, cela aboutit à une sur-représentation de l’Europe (6 pays) et à une sous-représentation de l’Afrique (4 pays) au profit de l’Europe de l’Est et du Nord et au détriment de l’Europe du Sud. Mais cela n’est guère important. Les vingt pays couverts grâce à une équipe de correspondants, font l’objet de rapports séparés, et tous construits sur le même schéma, ce qui permet des comparaisons : ils occupent la majeure partie de l’ouvrage (pp. 47-648). Chaque rapport national donne des informations très précises et très précieuses sur le contexte général et le système juridique du pays ; sur l’état des ratifications des instruments onusiens et sur le processus de ratification et d’acceptation ; sur l’impact de chacun des instruments sur le droit interne, sur le processus d’examen des rapports nationaux soumis aux comités onusiens, sur les communications individuelles, avec en conclusion, une évaluation générale.

 

La synthèse de ces rapports extrêmement fouillés est présentée par les deux responsables de la publication dans un résumé substantiel des résultats de la recherche figurant en tête de l’ouvrage (pp. 1-46). Les professeurs Heyns et Viljoen exposent en détail la méthode suivie et mesurent l’impact des six instruments onusiens dans l’ensemble des pays étudiés. Ils ne cachent pas les difficultés que ces instruments rencontrent pour imprégner toute la vie de la nation et ils formulent quelques propositions pour améliorer l’influence des ces traités dans ces pays et dans les autres.

 

On ne peut qu’être impressionné par l’ampleur de l’investigation et par la somme des informations fournies. Il ne s’agit certes pas d’une œuvre doctrinale, mais d’un ouvrage pratique qui devrait rendre les plus grands services pour les chercheurs universitaires qui voudront approfondir certains sujets, mais aussi pour les praticiens du droit qui y trouveront des réponses aux questions qu’ils se posent, et pour les militants des droits de l’Homme qui découvriront des éléments pour développer leur action.

 

Paul Tavernier

 

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Centre for Human Rights (University of Pretoria)

International Yearbook of regional Human Rights Master’s Programmes-2001

Pretoria, Centre for Human Rights/University of Pretoria, s.d., 437 p.

 

 

Cet Annuaire international des programmes de mastères régionaux sur les droits de l’Homme, publié par le Centre des droits de l’Homme de Pretoria dirigé par le professeur Christof Heyns, contient une description des programmes (pp. 2-13) et surtout une sélection de huit articles choisis parmi les travaux élaborés au sein de chacun des quatre programmes participants, à raison de deux articles par programme. Les quatre programmes se sont tenus à Venise pour l’Europe, à Pretoria pour l’Afrique, à Sarajevo pour l’Europe orientale et à Malte pour les pays méditerranéens. Les thèmes abordés dans les articles concernent des sujets très variés, notamment le discours de haine en Afrique (Lirette Louw, « Hate speech in Africa : « Formulating an appropriate legal response for a racial and ethnically divided continent with specific reference to South Africa and Rwanda » (pp. 157-193) et l’égalité raciale en Europe (Olivera Kuketic, « The role of specialised bodies in the context of the new EU racial equality directive », pp. 14-98). Les droits des femmes sont étudiés à travers l’expérience post-communiste en Albanie (Ermelina Balla, « Women’s rights in Albania during the post-communist transition », pp. 240-285), alors que l’égalité des droits et des chances pour les hommes et les femmes est présentée à travers le droit de l’Union européenne (Michael Michalakis, « Equal rights and opportunities for men and women under European Union law » , pp. 336-397. Cet exposé trouve son prolongement et son élargissement dans une contribution consacrée à la discrimination positive (Berbel Vrancken, « Reviewing affirmative action : a comparative study of the conditions applied by the European Court of Justice and other legal systems », pp. 99-156. Par ailleurs, deux droits spécifiques, le droit à la santé à travers le prisme de l’accord Trips de l’OMC, et le droit à la vie, sous l’angle de la peine de mort, font l’objet d’exposés circonstanciés (Sisule Frederick Musungu, « The right to health in the global economy : reading human rights obligations into the patent regime of the WTO-TRIPS agreement », pp. 194-239 et Rym Ben Slama, « The death penalty as an exception to the right to life : to what extent is capital punishment a violation of human rights ? », pp. 398-433). Enfin, un article concernant le rôle des élites, politiques et militaires, dans la dissolution de la RSF de Yougoslavie semble s’écarter des questions abordées dans les autres contributions, même si les thèmes de l’ethnicité et des violations des droits de l’Homme sont évoqués (Ivan Barbalic, « The role of elites in the disintegration of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia », pp. 287-335.

 

L’Annuaire réunit des études émanant de jeunes juristes ; elles sont sérieuses et bien documentées comme en témoigne les notes de bas de pages et les bibliographies figurant en annexe. Elles témoignent aussi du souci de présenter certains débats et controverses les plus actuels en matière de protection des droits de l’Homme. Il est dommage que les éditeurs n’aient pas essayé de donner une plus grande cohérence à l’ensemble, alors même que certaines lignes de force apparaissent clairement, ainsi qu’on a pu le constater.

 

Paul Tavernier

 

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Véronique HAROUEL

Genève-Paris (1863-1918). Le droit humanitaire en construction

Genève : Société Henry Dunant-Comité international de la Croix-Rouge/Croix-Rouge française, 2003, XII-817 p.

 

C’est un bel ouvrage que nous offre Véronique Harouel sur l’histoire de la naissance du droit international humanitaire contemporain sous l’angle des relations entre la France et le CICR durant une période décisive qui s’étale sur plus de cinquante ans. C’est aussi le fruit d’un travail de recherche exceptionnel dans les archives, tant à Paris et Nantes qu’à Genève et Berne, qui a donné lieu à une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Poitiers en 1996 sous le titre « L’essor du Comité international de la Croix-Rouge et la France (1863-1918) ». Le sujet présente un grand intérêt car il part de la création du CICR jusqu’à la fin du premier conflit mondial. Si la France a favorisé l’établissement du Comité international et la révision de la première Convention de Genève qui sera réalisée en 1906 avec la participation active de Louis Renault, elle n’a pas toujours respecté les principes du droit humanitaire lors des deux conflits majeurs intervenus durant cette période, surtout lors de la guerre de 1870,  mais aussi au cours de la guerre de 1914-1918. En effet, même si « la France et ses alliés ont entendu faire la ‘guerre du droit’ », cela ne l’a pas empêchée de faire « primer ses intérêts stratégiques sur les principes d’humanité prônés par Genève » (p. 785).

 

L’histoire des relations entre Paris et Genève telle que nous la restitue Véronique Harouel est une histoire compliquée mais passionnante. Il faut prendre le temps de suivre les méandres des difficultés, des affrontements, mais aussi des convergences et des soutiens mutuels pour le progrès de l’idée humanitaire. On ne peut qu’admirer l’érudition de l’auteur en même temps que la clarté de l’exposé. Le récit est toujours étayé par un appareil scientifique irréprochable, mais reste très vivant et se lit aisément. L’auteur maîtrise parfaitement son sujet : elle avait déjà eu l’occasion d’en faire la preuve, dans un registre très différent, en publiant une brève « Histoire de la Croix-rouge » dans la collection Que sais-je ? en 1999, complétée, dans la même collection, par un recueil des « Grands textes du droit humanitaire » paru en 2001. La contribution de l’historien, surtout lorsqu’elle présente cette qualité, est essentielle au juriste aux prises avec les difficultés actuelles de mise en œuvre du droit humanitaire, qu’il s’agisse du praticien ou de l’universitaire. Elle l’est aussi pour les acteurs, gouvernementaux ou non gouvernementaux de cette mise en œuvre. On ne peut que souhaiter que les Etats et le CICR ouvrent largement leurs archives aux chercheurs pour qu’ils explorent sans complaisance l’histoire des conflits armés et de l’application du droit humanitaire.

 

Paul Tavernier

 

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Ana PEYRO-LLOPIS

La compétence universelle en matière de crimes contre l'humanité
Bruylant, Bruxelles, 2002, VI-178 p, collection du CREDHO n° 3.

 

L’arrestation, le 16 octobre 1998, de l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, à Londres, devait constituer le point de départ de réflexions sur la compétence universelle des juridictions internes à l’égard de certains crimes de droit international, comme en atteste le présent ouvrage issu d’un mémoire de DEA. S’inspirant de cette actualité, l’auteur a choisi de centrer son étude sur l’examen de la compétence universelle à l’égard des crimes contre l'humanité « innomés » (p. 4) et du crime de génocide. Si les crimes contre l'humanité ne font pas l’objet d’une convention internationale spécifique et que leur répression repose ainsi sur des bases coutumières, le crime de génocide est en revanche régi par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 qui ne mentionne cependant que le principe de la compétence territoriale des juridictions de l’Etat sur le territoire duquel le crime a été commis et ne fait aucunement mention de la compétence universelle. C’est cette toile de fond qui a naturellement conduit Ana Peyro-Llopis à s’interroger sur l’existence en droit international coutumier d’une compétence universelle des tribunaux nationaux à l’égard des crimes contre l'humanité envisagés de manière générale. Pour déterminer l’existence, voire la simple émergence, d’une coutume en la matière, l’ouvrage est divisé en deux parties, correspondant à l’identification respective des deux éléments nécessaires à la cristallisation d’une norme coutumière, l’opinio juris et la pratique des Etats.

 

La première partie de l’ouvrage a ainsi trait à la recherche de précédents sur la compétence universelle en matière de crimes contre l'humanité au niveau international. L’auteur procède à une analyse du corpus normatif conventionnel existant (Convention sur le génocide de 1948, Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid de 1973, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 et autres conventions de portée générale) et à un examen des travaux des instances internationales (jurisprudence internationale, travaux accomplis au sein des Nations Unies et ceux de la Commission du droit international) qui se réfèrent de manière plus ou moins directe à la compétence universelle.

 

La seconde partie de l’ouvrage s’attache ensuite à répertorier la pratique des Etats concernant l’utilisation de la compétence universelle en matière de crimes contre l'humanité. Au terme de l’analyse d’une sélection de législations nationales établissant une compétence universelle à l’égard des crimes contre l'humanité et de leur mise en œuvre par le juge interne, cette partie se fait en définitive l’écho des obstacles auxquels se heurte la mise en œuvre effective de la compétence universelle à l’encontre des auteurs de crimes contre l'humanité, qu’il s’agisse de la méfiance traditionnelle du juge interne à l’égard de l’application d’une règle coutumière, en l’absence de support conventionnel ou encore des défaillances des ordres juridiques internes au premier rang desquelles figure souvent l’absence d’intégration dans la législation nationale de l’incrimination de crime contre l'humanité.

 

Au regard des précédents examinés et au-delà de certaines initiatives législatives et jurisprudentielles qui s’avèrent ponctuelles et limitées, c’est à une conclusion empreinte de mesure et de prudence, mais non dénuée de réalisme juridique, que nous invite Ana Peyro-Llopis. Force est en effet de constater qu’en l’état actuel des choses, il n’existe pas de coutume internationale reconnaissant une compétence universelle des tribunaux nationaux en matière de crimes contre l'humanité « innomés » (p. 127). Cette assertion se trouve pour autant immédiatement assortie de certaines nuances de la part de l’auteur qui précise qu’il importe de distinguer entre la compétence universelle en matière de génocide à l’égard duquel les contours d’une règle coutumière se font progressivement jour « même si la pratique des Etats est encore trop disparate pour pouvoir parler d’une règle de droit consolidée » (p. 128) et la compétence universelle en matière de crimes contre l'humanité « innomés » dont les contours demeurent contestés. De lege ferenda, l’auteur préconise la reconnaissance d’une compétence universelle facultative en matière de crimes contre l'humanité dès lors que « l’Etat du locus delicti commissi ou celui dont le présumé responsable du crime est ressortissant ne demande pas son extradition » (p. 129).

 

On ne peut que souligner l’utilité de cet ouvrage qui, sans occulter les zones d’ombre et les déficiences entourant le mécanisme de la compétence universelle, rend compte de l’état actuel du droit positif existant en la matière, ne cédant nullement à la tentation d’une vision idyllique à laquelle un certain angélisme juridique conduit quelquefois et à laquelle le sujet pouvait aisément se prêter. L’auteur a su s’écarter de cet écueil en distinguant de manière rigoureuse la lex lata de la lex ferenda. Ana Peyro-Llopis pose ainsi les jalons d’une réflexion stimulante qui ne manquera certainement pas de servir de base à de nouveaux débats au regard des flux et reflux actuels de la difficile mise en œuvre de la compétence universelle.

 

L’ouvrage est complété par d’utiles annexes reproduisant les extraits pertinents de certaines législations (Belgique, Canada, Espagne, Etats-Unis, France) et jurisprudences nationales (Belgique, Canada, Espagne, Etats-Unis) relatives à la compétence universelle qui ont servi de support à l’élaboration de la réflexion.

 

Isabelle Moulier

 

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Knut DÖRMANN (avec les contributions de Louise Doswald-Beck et Robert Kolb)

Elements of war crimes under the Rome Statute of the International Criminal Court. Sources and commentary

Cambridge : Cambridge University Press, 2003, LX-524 p.

 

Cet ouvrage est le fruit d’un travail exemplaire et vient à son heure au moment où la Cour pénale internationale se met en place et va commencer à traiter ses premières affaires. L’auteur a une expérience personnelle et une connaissance intime des questions traitées, du fait de sa participation, pour le compte du CICR, aux discussions qui ont permis l’élaboration des « éléments des crimes ». La préface de Philippe Kirsch, dont on connaît le rôle éminent qu’il a joué, résume de manière remarquable l’intérêt et l’originalité de ces « éléments des crimes ». Bien que l’objet de la recherche soit limité à l’étude des crimes énumérés à l’article 8 § 2 du Statut de Rome et ne prenne pas en compte la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique (article 28 du Statut) ou celle de l’incitation et des formes d’assistance à la commission des crimes (article 25), ce commentaire crime par crime, construit de manière très systématique et réalisé avec beaucoup de minutie, est destiné à devenir un grand classique et un instrument indispensable pour les praticiens (diplomates, juges, militants des ONG) et pour la doctrine (chercheurs et universitaires). Ceux-ci y trouveront des éléments très précis concernant les travaux préparatoires et la « base juridique » de chaque crime, autrement dit les textes antérieurs et la jurisprudence (Nuremberg et tribunaux internationaux). Celle-ci est présentée de manière très complète et pratiquement exhaustive.

 

Certes l’exercice entrepris par Knut Dörmann comportait des limites. En tant que commentaire « crime par crime », il se situe dans la tradition des grands commentaires publiés par le CICR pour les quatre Conventions de Genève de 1949 et pour les deux Protocoles de 1977. L’approche des questions est parcellaire et les vues d’ensemble restent assez restreintes, malgré certains éléments que l’on peut trouver dans l’introduction. Celle-ci est assez brève et aurait mérité des développements plus amples (7 pages seulement). Le problème essentiel de la valeur juridique des éléments des crimes n’occupe qu’une page ! Il ne s’agit pourtant pas d’un problème purement doctrinal et la Cour pénale internationale sera sans doute amenée à se pencher là-dessus. Il manque aussi une conclusion générale, qui aurait pu rassembler quelques éléments de manière synthétique.

 

Toutefois l’ouvrage, tel qu’il est présenté, mérite les plus grands éloges pour les services qu’il rendra et pour son appareil scientifique de très grande qualité. On trouve, en tête, des tables de jurisprudence très bien faites (par ordre alphabétique et par juridiction), une table des traités et autres instruments internationaux et une liste d’abréviations et de sigles. A la fin de l’ouvrage on pourra consulter le document préparé par le CICR sur l’élément psychologique des crimes (mens rea), un index détaillé et une bibliographie, malheureusement essentiellement anglophone et parfois un peu ancienne. L’ouvrage classique de Charles Rousseau (1983) ne reflète plus l’état du droit actuel et on peut regretter que la « jeune » doctrine française, pourtant fort dynamique, ne soit pas mentionnée. Ces imperfections pourraient être corrigées si l’ouvrage connaissait ultérieurement une version française, voire des éditions en espagnol et en arabe. En effet, la diversité des langues est un élément essentiel de la diversité culturelle et le gage d’une véritable universalité, si nécessaire en matière de droits de l’Homme et de droit international humanitaire.

 

Paul Tavernier

 

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Birgit KESSLER

Die Durchsetzung der Genfer Abkommen von 1949 in nicht-internationale bewaffneten Konflikten auf Grundlage ihres Gemeinsamen art. 1

Berlin, Duncker & Humblot, 2001, 281 p.

 

 

L’article 1er commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 a déjà donné lieu à plusieurs études à la suite de l’article désormais classique de Luigi Condorelli et Laurence Boisson de Chazournes paru dans les Mélanges Pictet en 1984 et mis à jour dans la Revue internationale de la Croix-Rouge en 2000. Les plus grands spécialistes de droit humanitaire ont abordé la question (voir par exemple l’article de Frits Kalshoven au Yearbook of International Humanitarian Law, 1999, p. 3 et s.). Il fallait donc un certain courage pour reprendre la question. Birgit Kessler n’a pas hésité à le faire dans sa thèse de doctorat soutenue en 2000 à l’Université de Kiel, et elle a eu le mérite de concentrer son attention sur le problème particulier de la mise en œuvre des Conventions de Genève de 1949 dans les conflits non internationaux sur le fondement de leur article 1er commun. En effet, comme elle le fait remarquer ce type de conflits est quantitativement beaucoup plus répandu que les conflits internationaux classiques. L’auteur, selon une méthode logique, mais qui surprendra peut-être les juristes français, expose ses développements en quatre parties d’inégale importance. La première, la plus longue, présente l’article 1er et les problèmes généraux qu’il soulève. La seconde, la plus brève, commente succinctement l’article 3 alors que la troisième, essentielle dans l’optique de l’ouvrage, traite de l’applicabilité de l’article commun à l’article 3. La quatrième partie, intitulée « appréciation » contient en réalité les conclusions de la recherche et comporte un certain nombre de pistes pour développer à l’avenir la mise en œuvre de l’article 1er. C’est peut-être la plus intéressante et la plus novatrice par les perspectives qu’elle ouvre. L’auteur explore certaines pistes, notamment les obligations qui peuvent découler pour les Etats de l’article 1er en matière de commerce des armes classiques, ou à l’encontre des acteurs privés (commerce des diamants par exemple) dans l’optique de la prévention des conflits. D’autres développements possibles sont à peine esquissés, notamment en matière pénale et l’on peut se demander, comme nous l’avons suggéré, si on ne pourrait pas tirer de l’article 1er l’obligation, ou du moins une habilitation, en vue d’exercer une compétence universelle. Le livre de Birgit  Kessler offre en tout cas des éléments de réflexion, pour un débat qui n’est pas de pure doctrine, mais intéresse les acteurs humanitaires, comme en témoigne la série de réunions d’experts organisée sur ce thème par le CICR durant l’année 2003.

 

Paul Tavernier

 

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