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HENCKAERTS
(Jean-Marie) et DOSWALD-BECK (Louise)
Customary International
Humanitarian Law
ICRC,
Cambridge University Press, 2005, vol. I (Rules), liii + 621 p. ; vol. II
(Practice),
xxxiii + 4411 p.
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HAROUEL-BURELOUP
(Véronique)
Traité de droit humanitaire
Paris, PUF,
2005, 556 p., collection droit fondamental
-
REVUE
INTERNATIONALE DE LA CROIX-ROUGE
Religion et droit international
humanitaire
Vol. 87, n°
858, juin 2005
[cette note de lecture figure également dans la
bibliographie "Islam et droits de
l'Homme"]
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FIALAIRE
(Jacques) et MONDIELLI (Eric)
Droits fondamentaux et
libertés publiques
Paris,
Ellipses, 2005, 558 p.
-
HEYMANN-DOAT
(Arlette) et CALVÈS (Gwénaële)
Libertés publiques et droits
de l’Homme
Paris, LGDJ,
8ème édition 2005, 284 p.
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LEBRETON
(Gilles)
Libertés publiques et droits
de l’Homme
Paris,
Armand Colin, 2005, 551 p.
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TAVERNIER
(Paul) (sous la direction de)
La France et la Cour européenne des droits
de l’Homme. La jurisprudence en 2004
Bruxelles, Bruylant, 2005, 250 p., collection du CREDHO n° 9
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COURNIL
(Christel)
Le statut interne de l’étranger et les normes
supranationales
Paris, L’Harmattan, 2005, 740 p., collection Logiques
juridiques ; préface de Jean-Pierre Théron
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EVRARD (Albert)
La personne âgée dans le droit
international et européen des droits de l’Homme
Jambes,
Editions Namuroises, 2005, 254 p.
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YACOUB
(Joseph)
Les droits de l’Homme sont-ils
exportables ? Géopoligique d’un universalisme
Paris, Ellipses, 2005, 223 p., collection Mondes réels
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Centre for Human
Rights (Pretoria)
et Institut pour les droits humains et
le développement en Afrique (Banjul)
Recueil africain
des décisions des droits humains, 2000
Pretoria University Law Press (PULP), 2005, LXI-369 p.
Livres reçus
(un compte rendu sera effectué ultérieurement) :
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Brand (Danie) and Heyns (Christof) (editors) –
Socio-economic Rights in South Africa
Pretoria University Law Press (PULP), 2005, 309 p.
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Centre for Human Rights (Pretoria) –
Compendium of Key Human Rights Documents of the African Union
Pretoria University Law Press (PULP), 2005, 267 p.
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HENCKAERTS (Jean-Marie) et DOSWALD-BECK
(Louise)
Customary International Humanitarian Law
ICRC,
Cambridge University Press, 2005, vol. I (Rules), liii + 621 p. ; vol. II
(Practice),
xxxiii + 4411 p. |
C’est une œuvre
monumentale que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
avait entreprise dès 1995. Elle a abouti, après bien des
difficultés, à la publication de l’étude sur le droit international
coutumier. La version française (du volume I) devrait paraître en
2006 ou 2007.
Pendant longtemps on
a considéré que le progrès du droit humanitaire reposait sur
l’élaboration de règles conventionnelles de plus en plus précises,
afin de combler les lacunes du droit existant et d’adapter les
règles anciennes aux progrès techniques ou bien aux conditions
changeantes des sociétés et des conflits. Toutefois, malgré la très
grande utilité des règles conventionnelles, l’expérience montre
aussi l’habileté sans bornes de ceux qui devraient appliquer le
droit humanitaire et qui déploient tous leurs efforts pour échapper
à leurs obligations. Pour remédier à cet inconvénient, le recours à
des principes généraux et à la règle coutumière retrouve tout son
intérêt, et, dans cette perspective, le travail du CICR sur le droit
humanitaire coutumier s’avère de la plus grande importance, non
seulement sur le plan théorique et doctrinal, mais plus encore sur
le plan pratique. On ne peut que remercier les deux coordonnateurs
de cette entreprise pour leur ténacité. Louise Doswald-Beck, par sa
formation de common law et sa grande connaissance du mode de
pensée des juristes continentaux a certainement donné une impulsion
indispensable à un tel chantier. Quant à Jean-Marie Henckaerts, il a
eu la tâche ingrate de coordonner l’ensemble et de mener à bonne fin
la publication (pour une présentation générale, voir Jean-Marie
Henckaerts, « Study on customary international humanitarian law : a
contribution to the understanding and respect for the rule of law in
armed conflict », International Review of the Red Cross, vol.
87, n° 857, pp. 174-212). Il avait eu l’occasion d’exposer la
méthodologie de l’étude au colloque de Rouen en 1999 (voir
Jean-Marie Henckaerts, « Importance actuelle du droit coutumier »,
in : Paul Tavernier et Laurence Burgorgue-Larsen, Un siècle de
droit international humanitaire, Centenaire des Conventions de La
Haye. Cinquantenaire des Conventions de Genève, Bruxelles,
Bruylant, 2001, 262 p., avec en annexe, pp. 217-227, le « Plan
d’action. Etude du CICR sur les règles coutumières du droit
international humanitaire »). A l’époque il avait prévu la
publication des résultats de l’étude en 2000 ! C’est dire que
celle-ci n’a pas été chose facile, mais le travail présenté a
certainement profité de cette lente maturation.
Le volume I
retiendra particulièrement l’attention car il dégage de la
volumineuse pratique, exposée dans le volume II, 161 règles du droit
humanitaire coutumier. Il s’agit là d’un effort de codification sans
précédent qui, sans émaner directement des Etats, a associé
néanmoins assez étroitement des experts gouvernementaux. Par
ailleurs, la formulation des règles tient évidemment le plus grand
compte de la pratique des Etats et de leur volonté, telle qu’elle
s’exprime, de multiples façons, dans cette pratique. Les 161 règles
sont réparties en six parties et 44 chapitres, recouvrant presque
tous les domaines du droit humanitaire coutumier : distinction entre
civils et combattants, personnes et objets bénéficiant d’une
protection spéciale, méthodes spécifiques de combat, emploi des
armes (y compris l’arme nucléaire), traitement des civils et des
personnes hors de combat et questions de mise en œuvre (y compris la
responsabilité individuelle et le régime des crimes de guerre).
La formulation des
161 règles est très précise et l’applicabilité de celles-ci à la
fois aux conflits internationaux et aux conflits non internationaux
est toujours examinée avec un très grand soin. Chacune des règles
est assortie d’un commentaire qui permet d’en mesurer la portée, les
Etats pouvant être d’accord sur le principe de la règle, mais pas
sur toutes les conséquences qu’on peut en tirer (voir par exemple la
règle 41 sur le retour des biens culturels illégalement exportés des
territoires occupés et le problème des réparations de guerre).
Le lecteur curieux,
ou le praticien, pourront consulter avec profit le volume II qui
expose la pratique sur laquelle repose les 161 règles. C’est un
travail de bénédictin réalisé à partir de l’enquête menée par le
CICR auprès d’une cinquantaine d’équipes nationales de recherche et
complété par des investigations poussées dans les archives du CICR.
On pourra y constater par exemple les convergences entre le droit
humanitaire coutumier et le droit des droits de l’Homme (notamment
pour l’interdiction de la torture, p. 2106 et s. ; les garanties du
procès équitable, p. 2363 et s. ; la liberté religieuse, p. 2512 et
s. ; ou la vie familiale, p. 2525 et s., etc.).
On peut regretter
que des facteurs qui ne sont pas purement techniques aient retardé
la publication de ce travail colossal, et retardent encore la
parution de la traduction française (pourtant limitée,
malheureusement, au volume I). Il est vrai que l’étude du CICR
aborde des points très sensibles auxquels les Etats, et
particulièrement certains d’entre eux, sont particulièrement
attachés. Telle qu’elle se présente, elle ne devrait pas apparaître
comme un monument inaccessible et intouchable. Elle devrait au
contraire susciter la réflexion et la discussion afin de faire
progresser l’élaboration des normes du droit international
humanitaire et surtout leur respect par tous les acteurs impliqués
dans les conflits auxquels il s’applique. On n'échappera pas en effet
à certaines interrogations : dans quelle mesure la codification de
la coutume apporte-t-elle un progrès ? Ne fige-t-elle pas la règle
coutumière et constitue-t-elle une avancée par rapport à la règle
conventionnelle ? Quel est le rôle du juge pour l’identification
des règles coutumières et leur application ? Quel est le rôle des
Etats et celui des autres acteurs des relations internationales, en
particulier les ONG ?
Toutes ces
interrogations ne devraient pas diminuer la valeur de l’étude du
CICR, mais au contraire en conforter l’utilité et le caractère
indispensable. Il est hautement souhaitable que tous ceux qui sont
confrontés, dans leur bureau ou sur le terrain, à des problèmes
d’application du droit humanitaire, puisse s’y référer. Dans cette
perspective, un condensé des règles, présenté sous une forme claire
et assimilable par le simple combattant, serait certainement d’un
grand secours. L’étude du CICR sur le droit international
humanitaire coutumier ouvre donc des horizons intéressants tant pour
la doctrine que pour les praticiens et les acteurs impliqués dans
les conflits internationaux ou non internationaux.
Paul TAVERNIER
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HAROUEL-BURELOUP (Véronique)
Traité de droit humanitaire
Paris, PUF,
2005, 556 p., collection droit fondamental |
Véronique Harouel-Bureloup
avait publié en 2003 une thèse magistrale intitulée « Genève-Paris,
1863-1918. Le droit humanitaire en construction » (voir notre
compte-rendu dans le Bulletin d’information du CREDHO, n° 13,
pp. 126-127). Elle était aussi l’auteur de deux Que sais-je ?
sur L’histoire de la Croix-Rouge (1999) et sur Les
Grands textes du droit humanitaire (2001). Le traité de droit
humanitaire se situe entre ces deux formats et rendra les plus
grands services aux étudiants ainsi qu’à un public éclairé et
intéressé.
Il est en effet
surprenant de constater en France, malgré un intérêt très soutenu
des étudiants pour les questions touchant au droit humanitaire et à
l’action humanitaire, la pauvreté des enseignements en ces matières
dans nos Facultés. Il en résulte une certaine rareté des manuels ou
ouvrages destinés aux étudiants. Celui de Véronique Harouel-Bureloup
vient donc à son heure entre les ouvrages classiques mais de
dimension restreinte, de Patricia Buirette et d’Abdelwahab Biad
(voir notre compte-rendu dans le Bulletin d’information du CREDHO,
n° 9, p. 72), et le livre non moins classique d’Eric David qui
risque de rebuter l’étudiant ordinaire en raison de ses dimensions.
Toutefois le Traité se présente très différemment des Principes
de droit des conflits armés de l’éminent spécialiste de
l’Université libre de Bruxelles qui constitue à l’heure actuelle la
somme la plus complète en la matière, du moins en français. En
effet, la perspective dans laquelle le droit humanitaire est placée
par Véronique Harouel-Bureloup, étant donné sa formation, est
essentiellement historique, ce qui permet de comprendre la logique
de son développement et d’expliquer comment on est parvenu à la
situation actuelle. Les aspects plus techniques, ainsi que les
questions les plus récentes, sont en général renvoyés en fin de
chapitre sous la rubrique « Pour aller plus loin », selon les règles
de la collection. C’est là qu’est traitée la question du droit du
CICR de ne pas témoigner devant les juridictions pénales
internationales ou l’attitude de la Belgique en matière de
compétence universelle. C’est également là que l’on trouve des
développements historiques tout à fait originaux et peu connus, sur
les propositions de Paul Fauchille pour une procédure d’enquête en
1929, ou sur les idées de G. Moynier concernant la justice pénale
internationale. Le lecteur curieux trouvera donc beaucoup
d’éléments pour satisfaire sa curiosité. Mais pour certaines
questions, comme celle des enfants-soldats, il n’aura que les
éléments les plus classiques et parfois un peu anciens dans le
chapitre proprement dit et il devra se reporter à la fin du chapitre
pour les éléments actuels.
Le Traité de
Véronique Harouel-Bureloup constitue donc un manuel qui sera utile
non seulement pour les étudiants, mais aussi pour tous les juristes
s’intéressant à ces questions, ainsi qu’aux praticiens et aux
militants des droits de l’Homme et du droit humanitaire qui
trouveront un exposé clair des règles de droit qui s’appliquent,
avec le recul historique nécessaire qui permet d’en mieux mesurer la
portée exacte. On ne peut que recommander la lecture de cet ouvrage
et lui souhaiter la plus large diffusion.
Paul TAVERNIER
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REVUE INTERNATIONALE DE LA CROIX-ROUGE
Religion et droit international humanitaire
Vol. 87, n° 858,
juin 2005 |
Cette livraison de
la Revue internationale de la Croix–Rouge consacrée aux religions
vient à point nommé. La théorie du « choc des civilisations » qui
refait surface sous fond de lutte contre le terrorisme d’Al
Quaïda impose de recadrer la réflexion sur la contribution des
religions à la violence et à la guerre, mais aussi au dialogue et à
la paix. Car comme le souligne l’éditorial de Toni Pfanner, les
religions, et les religions monothéistes en particulier, jouent un
rôle ambivalent, à la fois constructif (apaiser les esprits) et
destructif (attiser la violence). Les principes et les règles
régissant les rapports interétatiques, la diplomatie, la guerre et
la paix ont été définis non seulement par le droit international
séculier, mais aussi par les différentes traditions religieuses.
Toutefois, dans les traditions religieuses aucune distinction n’est
faite entre jus ad bellum et jus in bello.
Des articles sont
consacrés à l’islam, à l’hindouisme, au judaïsme et à leurs rapports
au droit international, et en particulier au DIH. Il s’avère à
l’analyse que les principales traditions religieuses reconnaissent
certaines des règles consacrées aujourd’hui par le DIH, notamment la
distinction entre civils et combattants, la notion de
proportionnalité et l’obligation d’assister les victimes. Hans Küng
(pp. 253-268), croit que l’accusation selon laquelle les trois
religions monothéistes seraient plus portées au recours à la force
que les autres religions est justifiée par la glorification de la
guerre sainte au nom de Yahvé, de la Croix ou d’Allah,
mais que cette glorification doit être contextualisée. Une relecture
et une réinterprétation de ces traditions religieuses s’imposeraient
donc à la lumière des exigences contemporaines.
Sheikh Wahbeh al-Zuhili
de l’Université de Damas (pp. 269-283) nous rappelle les règles
islamiques régissant les rapports interétatiques en temps de paix et
de guerre : règles qui distinguent Musulmans et peuples du Livre
(Juifs et Chrétiens), mais aussi territoires de l’Islam (dar al
islam), territoire de la guerre (dar al harb) et
territoire de la trêve (dar al solh). Il revient sur le débat
relatif à la définition du jihad, mais on est un peu étonné
de l’affirmation selon laquelle, la religion ne peut être le motif
d’une guerre ou celle-ci avoir pour but la conversion forcée (p.
279). Il déduit que la guerre légitime selon la chariâa est
celle qui est nécessaire pour répondre à une agression, assister la
victime d’une injustice ou la légitime défense (en quoi cette
dernière se distinguerait de la première ?). Les règles islamiques
régissant la conduite des hostilités rappellent celles codifiées par
le DIH (respect des biens civils et des non-combattants, principe
d’humanité dans le traitement des captifs).
Manoj Kumar Sinha
(pp. 285-294) souligne que les plus anciennes règles régissant la
conduite des hostilités ont été codifiées dans l’ancienne Inde.
Quelques-unes d’entre elles (distinction et proportionnalité dans
l’attaque) sont mentionnées sous la forme de poèmes épiques ou
l’homme puisait des principes de conduite (Mahabharata, épopées de
Kautilya ou d’Ashoka). On reste un peu sur sa faim par rapport au
titre annoncé (« Hindouisme et Droit international humanitaire »).
Pour Norman Solomon
(pp. 295-309), toutes les sources du judaïsme (talmud et
interprétation rabbiniques) révèlent une grande convergence avec les
règles contemporaines du droit international et du DIH. Il nous
rappelle que la tradition juive (deutéronome) distingue la
guerre au nom de Yahvé et les autres guerres. La première ne
souffre d’aucune limitation (guerre d’extermination contre les
Cananéens) et s’apparente à une guerre sainte, tandis que les
autres, les « guerres ordinaires », connaissent des règles assez
sommaires (offre de paix aux cités assiégées, interdiction de couper
les arbres fruitiers, captivité des femmes et des enfants). L’auteur
puise dans les interprétations rabbiniques quelques
enseignements (autodéfense, proportionnalité). On est étonné par le
caractère sommaire de ces règles. Le large développement consacré
aux problèmes de l’Etat d’Israël semble décalé par rapport à la
problématique religieuse initiale.
La problématique de
l’assistance humanitaire et du rôle des ONG religieuses est
notamment examinée par Elisabeth Ferris (pp. 311-325) et Jamal
Krafess (pp. 327-342). Ce dernier nous rappelle que « l’acte
humanitaire » est un des principes fondamentaux de la religion
musulmane sacralisée par le Coran et les hadiths (textes
prophétiques) comme une obligation du croyant et un acte de foi.
Cette prescription s’est concrétisée par l’institutionnalisation de
la zakat (impôt au profit des nécessiteux) comme un des cinq
piliers de l’islam, mais aussi des waqf (fondations
religieuses). Si les œuvres caritatives puisent leur source dans le
message religieux (le devoir de zakat), la pratique des ONG
religieuses en matière d’assistance humanitaire est parfois
discutable. On mentionnera la question du soutien de certaines
d’entre elles à des réseaux terroristes qui n’est pas évoquée ici.
L’autre aspect négatif (brièvement mentionné) est le prosélytisme
actif et la rivalité dans ce domaine que se livrent en Afrique
sub-saharienne des ONG musulmanes et chrétiennes. Ces situations
mettent à mal les principes de non-discrimination et d’impartialité
qui devraient régir l’aide humanitaire. A ce propos, dans
l’interview qu’il accorde à la revue (pp. 243-251), Ahmed Ali
Noorbala, Président du Croissant- Rouge iranien rappelle que le
principe islamique d’impartialité (ikhlas) implique que
l’assistance humanitaire ne doit pas être fondée sur un critère
d’affiliation religieuse, mais uniquement sur les besoins des
victimes, même si celles-ci appartiennent au camp ennemi (p. 245) !
Abdelwahab BIAD
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FIALAIRE (Jacques) et MONDIELLI (Eric)
Droits fondamentaux et libertés publiques
Paris, Ellipses,
2005, 558 p.
HEYMANN-DOAT (Arlette) et CALVÈS (Gwénaële)
Libertés publiques et droits de l’Homme
Paris, LGDJ, 8ème
édition 2005, 284 p.
LEBRETON
(Gilles)
Libertés publiques et droits de l’Homme
Paris, Armand
Colin, 2005, 551 p. |
L’enseignement des
droits de l’Homme et des libertés publiques se porte bien en France
si on consulte la publication des manuels consacrés à cette matière.
En 2005 est paru un nouveau manuel, celui de Jacques Fialaire et
Eric Mondielli qui se caractérise par sa présentation moderne, très
claire et très pédagogique. Les étudiants qui pourraient être
effrayés par les quelques 550 pages de l’ouvrage auraient tort de
s’en tenir à cette impression superficielle car la typographie aérée
et diversifiée, ainsi que les tableaux, encadrés et schémas, en
facilitent la lecture. Les débats les plus modernes sur la
bioéthique et l’Internet sont présentés avec tous les développements
nécessaires alors que la structure générale de l’ouvrage est tout à
fait classique puisque les auteurs présentent tout d’abord la
théorie des droits fondamentaux (1ère partie) avant
d’exposer les régimes juridiques des droits fondamentaux et des
libertés publiques (2ème partie). Une telle démarche
était déjà celle de Jean Rivero dans son manuel sur « Les libertés
publiques » paru en deux tomes aux Presses Universitaires de France
en 1973-1977 (t. 1 Les droits de l’Homme ; t. 2 Le régime des
principales libertés) et on la retrouve dans le manuel de Gilles
Lebreton.
Quant au manuel
d’Arlette Heymann-Doat sa huitième édition a été l’occasion
d’associer Gwénaële Calvès qui en a assuré l’actualisation et la
refonte tout en veillant « à respecter scrupuleusement la lettre et
l’esprit des précédentes versions ». On retrouve en effet dans cette
dernière édition toutes les qualités des précédentes et, ce qui est
remarquable et peu fréquent, le nombre de pages a diminué (de 318 à
284 pages), sans nuire à la qualité de l’ouvrage et à son caractère
tout à fait à jour.
En revanche, un
autre grand classique des manuels français de libertés publiques,
celui de Gilles Lebreton, qui en est à sa septième édition, a pris
légèrement plus d’ « embonpoint », passant de 538 pages (6ème
édition : voir compte-rendu de Philippe Ch.-A. Guillot dans le
Bulletin d’information du CREDHO, n° 13, p. 123) à 551
pages. On ne le regrettera pas car on retrouve non seulement l’étude
détaillée et parfaitement à jour des libertés publiques en France,
mais aussi des développements plus philosophiques qui éclairent les
débats actuels sur les droits de l’Homme, y compris celui de l’islam
et des libertés publiques.
Cette mise en
perspective des bases philosophiques des droits de l’Homme et du
problème des valeurs, particulièrement développée chez Gilles
Lebreton, se retrouve chez Arlette Heymann-Doat et, dans une moindre
mesure, chez Jacques Fialaire et Eric Mondielli. Tous se rejoignent
sur l’importance croissante et déterminante de la Convention
européenne dans le régime des libertés publiques en France. Tous
reconnaissent également que le combat pour les droits de l’Homme ne
saurait s’arrêter et doit constamment être poursuivi.
Paul TAVERNIER
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TAVERNIER
(Paul) (sous la direction de)
La France et la Cour européenne des droits de l’Homme. La
jurisprudence en 2004
Bruxelles, Bruylant, 2005, 250 p., collection du CREDHO n° 9 |
Le CREDHO organise
chaque année, au sein de l’Université Paris XI (Faculté Jean Monnet)
et sous la houlette du Professeur Paul Tavernier, une journée
ouverte consacrée à l’étude du contentieux de l’année porté devant
la Cour de Strasbourg concernant la France. Cette onzième livraison
reproduit ainsi les actes du 25 février 2005. Comme à l’accoutumée,
toutes les affaires mettant en cause la France sont recensées et
citées en tête d’ouvrage puis l’essentiel du volume est consacré à
de courtes études des arrêts marquants assorties de débats riches et
féconds d’autant que les intervenants (juges, praticiens,
universitaires) sont tous de fins connaisseurs de la matière. A cet
égard, signalons la présence des juges Dean Spielmann et Bruno
Genevois dont la confrontation des points de vue est tout à fait
passionnante et contribue largement à l’engouement que la lecture de
ce livre inspire.
Pour l’année 2004,
ce volume s’attache à dix-huit arrêts très divers allant du droit à
la vie au respect du droit de propriété en passant par
l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants (au regard
des conditions d’interpellation ou de détention), les garanties et
le bon déroulement du procès, le principe de légalité des délits et
des peines, la liberté d’expression et le droit à une vie familiale
normale.
Ces analyses
révèlent trois thématiques très justement identifiées par le Juge
Spielmann et à l’actualité parfaitement ressentie. Est ainsi
soulignée la dimension procédurale des droits reconnus par la
Convention en général et des droits intangibles en particulier comme
le droit à la vie et l’interdiction de la torture et des traitements
inhumains ou dégradants. La Cour, tout en constatant une violation
substantielle d’une disposition, examine de plus en plus souvent
l’affaire sous l’angle procédural pour arriver à un constat de
violation distinct de la disposition en question. Paradoxalement,
les développements autour du procès et de l’article 6 de la
Convention attestent de la « substantialisation » du procès
équitable et interrogent sur la légitimité d’une révision de
l’article 6 et de la dichotomie à tout le moins artificielle entre
la matière pénale et les droits et obligations de caractère civil.
Les commentaires ont
ensuite porté sur la dimension horizontale, interindividuelle, des
droits consacrés par la CEDH. Les relations entre personnes privées
occasionnent souvent des conflits entre les libertés individuelles.
Le contentieux strasbourgeois, opposant verticalement un requérant à
l’Etat, peine à restituer la nature originelle du débat juridique
comme l’illustrent par exemple les affaires mettant en balance le
droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression comme
celles où le droit à une vie familiale normale se heurte au droit de
propriété.
Enfin, l’accent a
été mis sur l’effectivité de la Convention, le thème apparaît en
filigrane tout au long de l’ouvrage et est intimement lié aux deux
précédents. Il y a là un souci constant de la Cour qui rappelle
souvent que la Convention ne vise pas à protéger des droits purement
théoriques et illusoires. Cet objectif explique en partie l’œuvre
créatrice de la jurisprudence et l’interprétation évolutive des
droits garantis particulièrement quant à leur dimension procédurale.
Assurer l’effectivité des droits, c’est aussi garantir l’exécution
des arrêts de la Cour. Celle-ci va de plus en plus loin dans le
contrôle de la bonne application de ses décisions. Derrière cela se
manifeste une volonté de cohérence : cohérence de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme en tant que telle et
cohérence de la jurisprudence européenne et des jurisprudences
nationales, ordonnée autour d’un idéal toujours renouvelé, la
dignité humaine. Cela suppose au préalable l’instauration d’un
dialogue entre les juges et cet ouvrage en donne une manifestation
éclatante.
David LEMETAYER
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COURNIL (Christel)
Le statut interne de l’étranger et les normes supranationales
Paris, L’Harmattan, 2005, 740 p., collection Logiques juridiques ;
préface de Jean-Pierre Théron |
On a déjà beaucoup
écrit sur le droit des étrangers, ce qui reflète l’importance de la
matière dans les sociétés contemporaines et particulièrement en
Europe. Toutefois, l’ouvrage de Christel Cournil montre que tout
n’avait pas été dit sur le sujet. Ce livre volumineux reprend une
thèse soutenue à Toulouse. Il en offre toutes les qualités de
sérieux dans l’appareil scientifique : abondance des notes de bas de
pages, index thématique fort utile, répertoire de la jurisprudence
présenté de manière exemplaire … Toutefois, toute médaille ayant son
revers, on peut regretter que l’auteur n’ait pas allégé pour la
publication la présentation qui suit strictement les canons
académiques. En effet, en dehors du public universitaire et des
spécialistes, l’ampleur des développements risque de rebuter les
lecteurs, ce qui serait dommage étant donné l’intérêt de l’ouvrage.
Celui-ci en effet met de l’ordre dans la matière et fournit des
grilles de lecture intéressantes. Dans la première partie, Christel
Cournil décrit ce qu’elle appelle un « régime migratoire
supranational », dominé essentiellement par les normes
communautaires, les autres statuts « supranationaux » occupant une
place relativement restreinte. Les droits du demandeur d’asile sont
étudiés également en détail. Dans la deuxième partie, sans doute la
plus intéressante, l’auteur dégage des « garanties supranationales »
et surtout nous présente la distinction qu’elle fait entre les
protections « correctrices » émanant de l’autorité jurisprudentielle
européenne, c’est-à-dire de la jurisprudence émanant de la Cour
européenne des droits de l’Homme, les autres instruments
internationaux n’ayant donné lieu qu’à des « corrections »
ponctuelles. Par ailleurs, elle considère, dans des développements
où on la suit volontiers, que les décisions de la Cour européenne
des droits de l’Homme ont conduit à la « rénovation » des garanties
offertes au statut interne de l’étranger, notamment par la prise en
compte de l’article 3 de la Convention. Par comparaison, les autres
garanties internationales apportent des protections certes
novatrices, mais limitées.
Comme le note le
préfacier, la thèse de Christel Cournil représente une « précieuse
contribution à la réflexion sur la constitution de l’Europe, sa
dynamique, mais aussi sa faiblesse en un domaine où les
considérations de police à court terme prennent le pas sur une
politique globale ». En outre, « l’ouvrage présenté constitue… un
élément essentiel de réflexion sur les combinaisons, les
enchevêtrements de normes ». Il est vrai que les « normes
supranationales » - il serait plus exact de parler de normes
internationales et supranationales – « ne sont pas seulement
supplétives » : elles « contraignent, laminent, ou au contraire
encouragent les normes, notamment jurisprudentielles, nationales ».
Si d’une manière générale trop de droit et trop de normes peut être
considéré comme nuisible et contre-productif, en revanche, dans le
domaine des droits de l’Homme on doit admettre comme nous
l’enseignait Roger Pinto qui vient de disparaître, que le trop-plein
n’est pas à redouter et que, suivant l’adage bien connu, « abondance
de bien ne nuit pas ».
Paul TAVERNIER
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EVRARD (Albert)
La
personne âgée dans le droit international et européen des droits de
l’Homme
Jambes, Editions
Namuroises, 2005, 254 p. |
Cet ouvrage,
consacré aux droits des personnes âgées dans la perspective des
droits de l’Homme, vient à son heure. En effet, si la place réservée
aux personnes âgées est variable selon les civilisations et les
cultures, il est bon de rappeler qu’il existe un certain socle
commun de principes applicables aux personnes âgées en tant qu’êtres
humains, d’autant plus que l’évolution de la démographie mondiale
nous montre que dans toutes les sociétés les personnes âgées
deviendront de plus en plus nombreuses du fait du vieillissement de
la population. Cela pose de multiples problèmes, médicaux, sociaux
ou politiques, mais aussi juridiques. L’auteur a donc voulu combler
une lacune, comme il le signale dans l’introduction : « Les droits
des personnes âgées, qu’elles soient hébergées en institution (quand
celles-ci existent) ou qu’elles vivent à leur domicile ou celui d’un
membre de leur famille, qu’elles soient autonomes dans leurs
décisions et leurs mouvements ou dépendantes, ne font pas encore
l’objet d’un examen systématique au regard des grands instruments
conventionnels, internationaux et régionaux en matière de protection
des droits de l’Homme ».
A cet égard Albert
Evrard fournit une information précise et abondante sur les droits
des personnes âgées tant dans le droit international des droits de
l’Homme, c’est-à-dire le droit élaboré dans le cadre des Nations
Unies, et le droit européen des droits de l’Homme, c’est-à-dire
celui du Conseil de l’Europe. La complémentarité des normes
universelles et régionales est ainsi bien mise en valeur. La matière
est divisée en quatre chapitres consacrés à la personne âgée et la
coopération internationale et européenne en faveur des droits de
l’Homme, à la protection des droits et libertés de la personne âgée
dans les normes conventionnelles, à l’activité du comité de
surveillance des traités conclus au sein des Nations Unies et enfin
à celle des organes régionaux européen des droits de l’Homme. Le
lecteur trouvera une documentation complète, assortie de nombreuses
références en bas de page, et présentée dans un ordre logique,
suivant une progression facile à saisir, ce qui devrait rendre aisée
la recherche de l’utilisateur.
Certes on peut
regretter certaines options de l’auteur, par exemple le choix de ne
retenir que l’activité du Conseil de l’Europe, à l’exclusion de
l’Union européenne. Par ailleurs, lorsqu’Albert Evrard semble mettre
sur le même plan la déclaration des devoirs fondamentaux des peuples
et des Etats asiatiques adoptée en 1983 par le Conseil régional
asiatique sur les droits de l’Homme et la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne proclamée à Nice en 2000 (p. 25),
on peut être surpris d’un raccourci pour le moins hasardeux,
d’autant plus que la Charte des droits fondamentaux peut être
considérée comme faisant partie du droit positif, en dépit de
l’échec du projet de Constitution de l’Union européenne.
Le lecteur ne devra
pas non plus rechercher de longs développements doctrinaux, mais
plutôt des éléments concrets sur la matière. Comme le note le
préfacier, Jean-Louis Levesque, président de l’Association
internationale des universités du troisième âge, « Albert Evrard a
fait un travail de précurseur » et son « ouvrage est un apport
précieux à l’élaboration d’une culture de la longue durée de vie ».
Il est vrai que le regard porté par une société sur les personnes
âgées est très révélateur et nous apprend beaucoup sur la nature
profonde de cette société. Il est indispensable que la dimension des
droits de l’Homme ne soit pas occultée.
Paul TAVERNIER
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YACOUB
(Joseph)
Les droits de l’Homme sont-ils exportables ? Géopoligique d’un
universalisme
Paris, Ellipses, 2005, 223 p., collection Mondes réels |
Nouvelle
contribution au débat jamais clos entre l’universalisme – perçu au
Sud ou en Orient comme un impérialisme aux relents de « mission
sacrée de civilisation » – et l’aspiration au maintien de
spécificités culturelles, le nouveau livre du professeur Yacoub a le
grand mérite d’aborder le dossier à la fois sous l’angle de la
philosophie sous-tendant les conceptions des droits de l’Homme et de
la pratique des Etats (d’où le sous-titre).
D’origine
assyro-chaldéenne, le politiste et historien lyonnais apporte à la
question qui sert de titre à son ouvrage une réponse de normand. Les
droits de l’Homme ne sont pas exportables si on les réduit à la
vision occidentale ancrée dans la Déclaration universelle de 1948 (DUDH) ;
ils sont exportables si on en adopte une intellection plus large qui
s’abreuve à toutes les civilisations et qui admette que les droits
puissent être diversement interprétés selon la société dans laquelle
ils se déploient. Cependant l’auteur n’explique pas vraiment comment
le relativisme culturel ne viderait pas de sa substance l’idée même
d’universalité. Il serait toutefois injuste de lui reprocher de ne
pas apporter de réponse définitive à ce questionnement qui taraude
la société internationale depuis près de soixante ans dans cet
essai, fruit de vingt ans de travail, très documenté et abordant des
points généralement négligés dans les écrits de ce type, comme par
exemple les idées des mouvements de la Résistance (pp. 63-68).
Défaut de cette qualité, l’ampleur des thèmes abordés laisse parfois
le lecteur sur une faim que les références bibliographiques ne
suffisent à apaiser (nombreux renvois à de simples articles de
quotidiens).
D’entrée l’auteur
prévient : « pour qu’ils soient intelligibles et sciemment évalués,
les droits de l’Homme ont besoin d’être situés dans l’espace et
l’époque qui les a vus naître ; autrement ils demeurent un discours
sans topique, idéologique et moralisant, démesuré par ses promesses
car sans effet réel, faute d’expression spécifique et
d’appropriation réelle par les hommes et par les peuples. » (p. 5).
Le professeur Yacoub constate que les droits de l’Homme ne peuvent
pas « avoir dans l’époque actuelle des fondements transculturels »
(p. 6). Et de noter que seul l’Occident les présente « sous un angle
individuel sans support culturel, spirituel, collectif, religieux et
moral. » (p. 8). Ce n’est pas tout à fait exact puisque les
déclarations états-uniennes se réfèrent au Créateur et la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen fut adoptée « en
présence et sous les auspices de l’Être suprême », au grand dam des
agnostiques ou des athées. Il n’en reste pas moins que lecteur
tirera intérêt des passages consacrés aux conceptions de l’Homme et
de la société chez les Mélanésiens (p. 17), dans l’Inde ancienne
(pp. 27-29), en Mésopotamie (pp. 29-33) ou dans le bouddhisme (pp.
54-56).
Rappelant que la
DUDH – sur la genèse de laquelle et des travaux contemporains de
l’UNESCO, il revient pp.36-49 – relève « d’une problématique
philosophique occidentale, celle du droit naturel dans le sens
moderne et de la prédominance du libéralisme individualiste » qui
sera « nettement corrigé[e], dix-huit ans plus tard, par les deux
Pactes internationaux », lesquels « ne visent pas seulement à mettre
en œuvre la DUDH, mais bien à la dépasser » (pp. 22-23 – il
développe ce point pp. 76-79), l’auteur affirme que de nombreux
droits « sont passés par le filtre des nuances relativisant leur
côtés absolus, d’autres [ont été] complétés par les droits
économiques, culturels et environnementaux, socialisant leur côté
individuel. Ainsi les droits de l’Homme ne sont plus pensés
abstraitement, ni dans une dimension unique, mais ont désormais une
orientation progressive, intégrés dans les conditions objectives qui
leur donnent naissance. En faisant appel à leurs ressources propres
culturelles et spirituelles, les peuples ont conféré aux droits de
l’Homme un sens déterminé rompant ainsi avec le discours délocalisé
de jadis. » (p. 70) Fort justement, il souligne qu’avec l’émergence
d’un droit international de l’environnement : « Les maîtres mots
deviennent l’harmonie de l’homme avec la nature, le développement
durable et les liens entre les générations présentes et à venir,
notions étrangères au discours classique des droits de l’Homme où
les termes maîtrise de la nature, le développement tout court et
l’intérêt immédiat de l’homme prévalaient » (p. 72 – il développe
durablement ce point pp. 112-119). Suit une dénonciation convenue du
prétendu « droit d’ingérence » (pp. 73-75 – reprise et amplifiée pp.
133-166), même s’il est pour le moins contestable de considérer que
l’occupation états-unienne de l’Irak en est une expression, ce qui
néanmoins n’enlève rien à la pertinence des pages relatives à ce
pays.
Après une analyse du
travail de l’UNESCO et des différents comités onusiens (pp. 84-95),
l’auteur aborde les droits collectifs (pp. 96-107), y compris les
droits des minorités et des peuples autochtones dont il est un
spécialiste reconnu (pp. 107-112). Passant assez rapidement sur les
conférences de Vienne de 1993 (pp. 120-129) et de Durban de 2001
(pp.130-132), alors que l’affirmation de l’universalité des droits
de l’Homme comme thème de la première et l’échec de la seconde
auraient mérité une plus ample présentation, il consacre
d’intéressants développements sur l’« Apport des instruments
juridiques régionaux : expression des spécificités » (pp. 167-185),
pour, en guise de conclusion, proposer une actualisation de la DUDH
dont la rédaction relève plus des sciences humaines que de la
légistique. Même si on adhère à la philosophie de l’auteur, on ne
peut en effet que souhaiter bonne chance au juge – ou même au
diplomate – qui aurait à interpréter une formule telle que la
suivante : « L’universalisme abstrait, l’individualisme et le
rationalisme excessif et réducteur, ont causé des ravages
innombrables à l’humanité. Le Tout est composé de parties et
l’identité se mesure à l’altérité. Dans l’étape actuelle, il faut
privilégier l’interactionnisme à l’universalisme. Cela implique un
changement écologique de civilisation et une réévaluation des
cultures des peuples et des communautés qui doivent, toutes, être
invitées au festin de l’universel. » (p. 189).
En définitive, le
professeur Yacoub nous offre une réflexion roborative sur
l’universalisme dont on peut ne pas partager toutes conclusions,
mais qui a la vertu de nous faire mieux appréhender la notion de
droits de l’Homme en droit international positif et, partant, de
repenser l’universel.
Philippe Ch.-A.
GUILLOT
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Centre for Human
Rights (Pretoria)
et Institut pour les droits humains et le
développement en Afrique (Banjul)
Recueil africain des décisions des droits humains,
2000
Pretoria University Law Press (PULP), 2005, LXI-369 p. |
Le Recueil africain des décisions des droits humains
constitue la version française de la publication du Centre for
Human Rights de Pretoria parue en 2004 sous le titre African
Human Rights Law Reports, 2000. On doit saluer les efforts du
Centre de Pretoria et de son dynamique directeur, le professeur
Christof Heyns, pour diffuser la connaissance des instruments
juridiques en matière de droits de l’Homme, non seulement vers
l’Afrique anglophone, mais aussi vers l’Afrique francophone qui
représente un nombre d’Etats à peu près équivalent. Ce Recueil
correspond donc au même esprit qui anime la coopération instaurée
entre le Centre de Pretoria et le CREDHO pour la publication des
Human Rights Law in Africa et du Recueil juridique des droits
de l’Homme en Afrique.
Ce Recueil reproduit
la première décision du Comité des droits de l’Homme des Nations
Unies concernant un Etat africain et surtout les décisions de la
Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Il
reprend la substance de la « Compilation des décisions sur les
communications de la Commission africaine des droits de l’Homme et
des peuples » qui avait été publiée par l’Institut des droits
humains et le développement en Afrique de Banjul, mais qui n’avait
pas, semble-t-il, bénéficié d’une publicité suffisante (voir notre
compte rendu dans le Bulletin d’information du CREDHO n° 12).
On peut souhaiter que l’association avec le Centre de Pretoria donne
à cet instrument de recherche la diffusion qu’il mérite. On trouvera
en effet non seulement le texte des décisions, dont certaines fort
importantes, mais aussi des index très détaillés qui devraient
faciliter grandement les recherches des universitaires, des
praticiens, des ONG et de tous ceux qui s’intéressent aux droits de
l’Homme en Afrique : index des décisions par pays défendeur, index
alphabétique selon le nom du requérant, index thématique (principes
généraux et procédure ; droits substantiels), index des décisions
selon les instruments juridiques cités (textes universels et
africains, etc.). Il est regrettable que ces index ne renvoient pas
aux pages de l’ouvrage, ce qui en limite l’utilité.
On ne peut que
souhaiter la parution rapide des volumes suivants, d’ores et déjà
annoncée, afin que ce défaut puisse être corrigé et afin de
compléter notre information sur les décisions de la Commission des
droits de l’Homme des Nations Unies et sur les décisions des
juridictions nationales africaines encore trop mal connues, mais
aussi sur les décisions de la Commission africaine postérieure à
l’an 2000, dont la fameuse décision de 2002 sur l’Ogoniland et le
droit à un environnement sain. Cela permettra de combler les
frustrations du lecteur dont la curiosité a été mise en appétit et
qui doit se contenter pour le moment d’une publication s’arrêtant
aux décisions rendues jusqu’au début d’un millénaire déjà bien
entamé !
Paul TAVERNIER
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