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JACQUEMOT
(Florence)
Le standard européen de société démocratique
–
Préface de Frédéric Sudre
Faculté de droit de
Montpellier, 2006, 713 p., coll. Thèses t. 4 – ISBN 2-7518-0045-9
HENNEBEL
(Ludovic)
La Convention américaine des droits de l’Homme.
Mécanismes de protection et étendue des droits et libertés –
Préface d’Antonio A. Cançado Trindade
Bruxelles : Bruylant,
2007, XX-737 p. – ISBN 978-2-8027-2338-2
YEARBOOK
OF INTERNATIONAL HUMANITARIAN LAW
Vol. 6, 7 et 8 (2003, 2004 et 2005)
La Haye : TMC Asser
Press (2006-2007)
DE RAULIN
(Arnaud) (sous la direction de)
Situations d’urgence et droits fondamentaux
Paris : L’Harmattan,
2006, 333 p. Athènes/Bruxelles : Ant. N. Sakkoulas/Bruylant, 705 p.
LANOTTE
(Olivier)
La France au Rwanda (1990-1994). Entre abstention
impossible et engagement ambivalent
Bruxelles : P.I.E.
Peter Lang, 533 p. – ISBN 978-90-5201-344-2
PRIETO
SANJUÀN (Rafael A.) et al.
Akayesu, El primer juicio internacional por
genocidio
Medellin-Colombie :
Biblioteca juridica Diké, 2006, 735 p. – ISBN 958-8235-46-4
Corte Suprema de Justicia de la NaciÓn (Republica
Argentina)
Investigacion de Derecho comparado
Buenos Aires : Corte
Suprema de Justicia de la Nación, 2006, 468 p. – ISSN 1666-3241
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JACQUEMOT (Florence)
Le standard
européen de société démocratique –
Préface de Frédéric
Sudre
Faculté de droit de
Montpellier, 2006, 713 p., coll. Thèses t. 4 – ISBN 2-7518-0045-9 |
Ce monumental
ouvrage de plus de 700 pages est issu d’une thèse de doctorat
préparée sous la direction de Frédéric Sudre et soutenue à
Montpellier en novembre 2005. Cette thèse a également été couronnée
par le prix de thèse de la Faculté de droit de Montpellier. Elle a
obtenu une mention spéciale de l’Institut international des droits
de l’Homme (Strasbourg) et une mention du jury du prix de thèse du
Sénat. Ces récompenses traduisent la qualité de ce livre qu’on lira
avec attention, car la matière est difficile et subtile, mais aussi
avec intérêt et dont on tirera le plus grand fruit. On souscrit
volontiers aux propos élogieux du préfacier : « Melle Jacquemot
développe la thèse – et le mot ici a tout son sens – que
« l’inscription du standard de société démocratique dans la clause
d’ordre public de la Convention [européenne des droits de l’Homme]
permet au juge européen de construire un véritable modèle - type de
société démocratique opposable aux Etats parties à la Convention ».
Le travail, ambitieux et dense, offre la première réflexion
d’ensemble sur la notion européenne de « société démocratique » et
si la thèse soutenue ne manquera pas, comme il est naturel, d’être
discutée, son apport doctrinal, par la systématisation qu’elle
opère, est incontestable ».
L’auteur pose le
problème d’une manière fort rigoureuse dans son introduction
générale, puis développe sa thèse en deux parties consacrées à « la
prescription du standard au sein de la Convention européenne des
droits de l’Homme et au « standard prescrit résultant de
l’interprétation du juge européen ». Ce faisant, elle s’intéresse
d’abord au contenant du standard de société démocratique avant de
déterminer son contenu. Cette distinction, apparemment claire, n’est
pas toujours facile à manier et on peut contester dans le détail la
place de certains développements, mais la construction d’ensemble
manifeste un effort considérable de réflexion et de synthèse.
L’auteur maîtrise parfaitement l’abondante jurisprudence de la Cour
de Strasbourg, les concepts et les méthodes d’interprétation de la
Haute juridiction européenne : marge d’appréciation des Etats,
interprétation évolutive, notions autonomes, principe de
proportionnalité, prééminence du droit, Etat de droit, « arrêt
pilote », etc. Sur tous ces points on trouvera des aperçus
intéressants. Melle Jacquemot insiste à juste titre sur le rôle du
juge, mais elle ne néglige pas celui d’autres acteurs lorsqu’elle
étudie, dans la première partie, la conception de la démocratie
conditionnant l’adhésion au Conseil de l’Europe. Cela concerne les
Etats candidats au Conseil de l’Europe, et les engagements qu’ils
prennent à cette occasion, ainsi que les procédures de « suivi »
généralisées en théorie à tous les Etats membres.
Malgré l’ampleur et
le sérieux de la recherche, la lecture de l’ouvrage suscite quelques
interrogations qui n’enlèvent rien à la valeur de l’ensemble. Ces
interrogations concernent la définition et le contenu de ce
« standard européen de société démocratique » défini comme un
standard « inscrit dans la Convention européenne des droits de
l’Homme au sein de la clause d’ordre public prévue dans l’article
6-1, dans le second alinéa des articles 8 à 11 de la Convention et
dans les troisième et quatrième alinéas de l’article 2 du Protocole
n° 4 » (p. 45). Cette définition « en relief » n’aurait-elle pas dû
être complétée par une définition « en creux » tenant compte des
dispositions de l’article 17 qui reprennent le fameux « pas de
liberté pour les ennemis de la liberté » de Saint-Just ? Il est vrai
que la jurisprudence de la Cour a peu utilisé cet article (la
question est abordée rapidement p. 209 et s.).
Par ailleurs,
Florence Jacquemot consacre des développements importants à la
notion de « démocratie véritable » et elle affirme que « la
« démocratie véritable » est la conception de la démocratie propre
aux institutions du Conseil de l’Europe » (p. 109). Mais cette
notion n’est-elle pas un peu creuse ? En quoi est-elle différente de
celle qui est utilisée dans le cadre des Communautés européennes et
de l’Union européenne ? Il fallait aussi s’interroger sur
l’existence d’un standard « américain » de société démocratique (la
question est effleurée p. 329), d’un standard « africain » et d’un
standard « asiatique »… Cela posait immédiatement le problème d’un
éventuel standard « universel » de société démocratique et celui de
la coexistence de ces différents standards. Au sein même du système
européen, comment ce standard s’accommode-t-il de la diversité
culturelle ? S’applique-t-il intégralement dans les pays et
territoires d’Outre-Mer ? Ce ne sont là que quelques-unes des
questions que ce livre riche et stimulant, servi par un appareil
scientifique (notes, index, bibliographie) tout à fait exemplaire,
suggère au lecteur attentif qui pourra certainement en découvrir
d’autres.
Paul Tavernier
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HENNEBEL (Ludovic)
La Convention
américaine des droits de l’Homme. Mécanismes de protection et
étendue des droits et libertés –
Préface d’Antonio A.
Cançado Trindade
Bruxelles : Bruylant,
2007, XX-737 p. – ISBN 978-2-8027-2338-2 |
Le système régional
de protection des droits de l’Homme en Amérique (Commission et Cour
interaméricaine des droits de l’Homme) est encore assez mal connu en
Europe et dans les pays francophones malgré les travaux récents de
certains jeunes chercheurs et enseignants. Aussi convient-il de
saluer la publication de ce beau livre dans la collection des
Publications de l’Institut international des droits de l’Homme –
Institut René Cassin de Strasbourg. Issu d’une thèse soutenue en
2005 sur le « Le régionalisme comme garant de l’universalisme des
droits de l’Homme : le cas du mécanisme de recours individuel de la
Convention américaine des droits de l’Homme », il reprend et
développe la partie consacrée spécifiquement à la Convention
américaine, laissant de côté la deuxième partie concernant le Pacte
des Nations Unies. L’ouvrage est divisé en trois parties consacrées
respectivement aux « fondements du droit interaméricain des droits
de l’Homme », aux « fonctions contentieuses et consultatives » de la
Cour interaméricaine et au « régime juridique des droits et
libertés », brossant ainsi un tableau complet du système
interaméricain de protection des droits de l’Homme.
Bien que ce système
présente beaucoup de points communs avec le système européen, il
s’en distingue par des éléments qui ne sont pas négligeables, loin
de là, et il offre à la fois des avantages et des inconvénients ,
ainsi que des faiblesses que l’auteur nous aide à identifier. Le
système interaméricain repose sur un double dualisme institutionnel
d’une part, avec une Commission et une Cour interaméricaine des
droits de l’Homme, et un dualisme normatif d’autre part, avec une
Déclaration américaine des droits et devoirs de l’Homme et une
Convention américaine des droits de l’Homme. Ce double dualisme a
des conséquences importantes sur le fonctionnement de l’ensemble.
Alors qu’en Europe la Commission, disparue en 1999, avait
puissamment contribué au développement de la jurisprudence de la
Cour en saisissant fréquemment l’organe juridictionnel, la
Commission interaméricaine a plutôt freiné l’expansion de la
jurisprudence de la Cour en ne la saisissant qu’assez rarement. Cela
explique le nombre relativement faible des arrêts rendus par la Cour
interaméricaine : 150 au total (dans une soixante d’affaires
contentieuses) auxquels il faut ajouter plus d’une soixantaine de
mesures provisoires.
Pour compenser en
quelque sorte l’absence de saisine directe par la victime et la
politique restrictive de la Commission, la Cour a développé sa
compétence consultative et elle a rendu 19 avis sur des questions
juridiques fort importantes. Cela différencie nettement le système
américain du système européen, puisque la Cour de Strasbourg, vient
seulement de rendre son premier avis consultatif (le 12 février
2008) à propos de certaines questions juridiques relatives aux
listes de candidats présentés en vue de l’élection des juges de la
Cour (question de l’équilibre entre les sexes). Ludovic Hennebel
souligne avec raison que « selon la Cour, la compétence consultative
constitue un mécanisme parallèle à celui de la compétence
contentieuse offrant ainsi un mode judiciaire alternatif de
caractère consultatif destiné à aider les Etats à exécuter et
appliquer les traités qui les lient en matière de droits de l’Homme
tout en évitant le formalisme et les sanctions de la procédure
contentieuse ». De 1982 à 1987 l’exercice de la compétence
consultative a d’ailleurs été la seule activité de la Cour.
Quant à la
compétence contentieuse, elle a donné lieu à des développements
intéressants en ce qui concerne les mesures conservatoires et
provisoires, mais aussi les mécanismes de réparation. Dans ces
domaines, le système américain s’avère en avance et à certains
égards plus efficace que le système européen.
L’étude des droits
protégés révèle aussi quelques particularités de la Convention
américaine : reconnaissance du droit à une nationalité, au nom, à la
personnalité juridique, mais aussi de la propriété collective et
protection des groupes vulnérables (notamment les indigènes et les
migrants).
Comme le souligne
Ludovic Hennebel dans sa conclusion, la Cour interaméricaine se
considère comme une Cour régionale chargée d’appliquer le droit
universel ou « comme le relais régional du système universel » (p.
620). C’est pourquoi elle cite abondamment les autres juridictions
internationales et notamment la Cour européenne des droits de
l’Homme. Malheureusement l’inverse n’est pas vrai. Cela traduit en
fait une conception différente : la Cour de Strasbourg est bien
aussi une Cour régionale, mais elle applique essentiellement un
droit régional, fondé sur la Convention européenne. Bien que
celle-ci se situe dans le prolongement de la Déclaration universelle
de 1948, la jurisprudence de Strasbourg ne se réfère pas souvent à
ce texte. Paradoxalement, le système américain, davantage tourné
vers l’universalisme, défend mieux les particularismes, et un
certain relativisme, que le système européen qui peut paraître peu
accueillant et méfiant à l’égard des minorités, ou de certaines
d’entre elles.
Par delà ces
convergences et divergences des deux Cours et des deux systèmes, il
convient aussi de souligner l’apport doctrinal considérable des
jugements et avis consultatifs de la Cour interaméricaine, plus
encore des opinions individuelles, concordantes ou dissidentes, de
certains de ses juges, et notamment les longues opinions du juge
Cançado Trindade. Celui-ci, dans sa préface à l’ouvrage de Ludovic
Hennebel, reprend une de ses idées fondamentales sur « le processus
historique d’humanisation du droit international, d’émergence d’un
nouveau jus gentium, qui est en cours et fait apparaître une
nouvelle conception des relations entre l’autorité publique et
l’être humain, conception qui en définitive se résume par la
reconnaissance du fait que l’Etat existe pour l’être humain et non
l’inverse ». On ne peut que souscrire à cette conception et
l’ouvrage de Ludovic Hennebel devrait contribuer à mieux comprendre
l’apport essentiel de la Cour interaméricaine en ce domaine.
Paul Tavernier
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YEARBOOK OF INTERNATIONAL HUMANITARIAN LAW
Vol. 6, 7 et 8
(2003, 2004 et 2005)
La Haye : TMC Asser
Press (2006-2007) |
Depuis 1998, l’Asser
Instituut de La Haye, qui regroupe les Universités néerlandaises
s’intéressant au droit international, publie un Annuaire de droit
international humanitaire (Yearbook of international humanitarian
law) qui, malheureusement, n’a pas d’équivalent en langue
française. Cette publication représente un instrument de
connaissance et de réflexion incomparable sur le droit humanitaire.
Vu l’ampleur de l’entreprise, celle-ci a pris un certain retard, qui
est en train d’être résorbé. Cela permettra d’éviter un trop grand
décalage entre la période étudiée dans chaque livraison de
l’annuaire et le moment où le lecteur peut en prendre connaissance.
On trouve
régulièrement des rubriques très substantielles qui passent en revue
l’année concernée : « The Year in review » par Avril McDonald, les
rapports des correspondants nationaux qui fournissent une
information très abondante sur la pratique des Etats, essentielle
pour apprécier l’application des règles de droit humanitaire et
l’évolution de celles-ci (« Correspondent’ reports »), ainsi que la
rubrique « documentation » qui reproduit des documents nationaux
particulièrement pertinents (américains notamment) et qui est
complétée par une bibliographie systématique d’un grand intérêt où
l’on relève cependant la part relativement faible de la littérature
en langue française.
Outre ces chroniques
qui constituent l’élément stable et central de l’Annuaire, la partie
« Articles » et la partie « Développements d’actualité » (« Current
developments » apportent une réflexion approfondie sur des sujets
divers et souvent complexes : violations du droit humanitaire par
les forces des Nations Unies (K. Okimoto, 2003), les juridictions
Gacaca (C. Mibenge, 2004), l’utilisation et l’abus des manuels
militaires (C. Garraway, 2004), le droit humanitaire coutumier et
l’Etude du CICR (M. Bothe, 2005), la question du Darfour devant la
Cour pénale internationale (M. Neuner, 2005), Israël et la IVème
Convention de Genève d’après l’avis de la CIJ sur le Mur en
Palestine (D. Momtaz, 2005), etc.
On ne peut que
féliciter l’équipe de l’Asser Instituut, et notamment Avril
McDonald, cheville ouvrière de l’Annuaire, et recommander la
consultation de celui-ci à tous ceux qui s’intéressent au droit
humanitaire, branche du droit international trop longtemps négligée
dans les universités françaises, mais qui retient de plus en plus
l’attention des étudiants et des militants ou sympathisants d’ONG
humanitaires et pas encore assez celle des enseignants et de la
doctrine…
Paul Tavernier
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DE
RAULIN (Arnaud) (sous la direction de)
Situations
d’urgence et droits fondamentaux
Paris : L’Harmattan,
2006, 333 p. Athènes/Bruxelles : Ant. N. Sakkoulas/Bruylant, 705 p. |
Les études réunies
dans cet ouvrage sont le fruit de plusieurs séminaires et journées
d’étude sur le thème des situations d’urgence et des droits
fondamentaux organisés à la Sorbonne, à Yaoundé (Institut des
relations internationales du Cameroun), à Kos en Grèce, à Zahlé au
Liban, à Marrakech et à Nouakchott. Ces études s’articulent autour
d’une approche à la fois théorique et pratique du « droit de
l’urgence ». L’ouvrage collectif se compose de deux parties. La
première est consacrée aux approches théoriques de l’urgence. Le
« droit de l’urgence » est une « notion particulièrement fluide et
protéiforme où s’opposent deux conceptions de l’humanitaire » nous
rappelle Arnaud de Raulin. Il existerait ainsi « une conception
objective qui se caractérise par un droit mettant en œuvre des
pouvoirs exorbitants de droit commun dans les situations de
catastrophes naturelles, environnementales, de génocide ou de
guerre ». Quant à la conception subjective, elle postule qu’
« au-delà de l’Etat et des règles purement formelles, il y aurait un
sujet de droit sans frontière aucune qui serait l’Autre et pour
lequel sa souffrance, sa vulnérabilité priment le droit formel et
les obligations légales » (pp. 11-12). Il s’agirait ici de
« l’humanité » et de la « dignité » de l’Homme, des notions qui
transcendent bien évidemment le droit.
Dans la
seconde partie sont développées les approches pratiques de l’urgence
en rapport avec la protection des droits fondamentaux. Cette
deuxième partie s’inscrit dans une approche positiviste. C’est le
droit dans toute sa diversité qui prend en charge les situations
d’urgence : le droit humanitaire bien sûr, mais aussi le droit
administratif, le droit pénal international (juridictions pénales
internationales) et le droit de l’environnement (principe de
précaution). Parmi les contributions on retiendra celle d’Arnaud de
Raulin sur « Urgence et gouvernance » qui constate que l’urgence
« un concept évolutif, flexible et actuel » est devenue la nouvelle
culture des affaires publiques (pp. 149-164). On signalera également
la réflexion de Charles Coutel sur « Ethique et urgence » qui met en
exergue, pour reprendre la formule de Zaki Laïdi,
« la tyrannie de l’urgence » qui s’est emparée de nos sociétés et
« par laquelle la mondialisation se masque ses propres effets
pervers à long terme » (pp. 235-243). D’autres contributions portent
notamment sur l’urgence dans les situations de conflits en Afrique
(« Situations d’urgence et médecine humanitaire dans les pays
d’Afrique centrale : une relation ambiguë » par M. Enguéléguélé ;
« La question des réfugiés et de l’urgence humanitaire dans la crise
des grands Lacs » par V. Ngouilou-Mpemba & Y. Moussoungou) et en
Palestine (« Le statut des réfugiés palestiniens entre situation
d’urgence et droits fondamentaux » par N. Saadi).
Cet ouvrage
rassemble des contributions d’universitaires européens, arabes et
africains qui remettent en perspective la problématique de l’urgence
humanitaire et des droits de l’Homme à la lumière des expériences de
terrain pour en dénoncer les dysfonctionnements et
l’instrumentalisation. Mais on peut déplorer l’absence dans cet
ouvrage collectif d’une analyse des implications théoriques et
pratique du droit d’ingérence conceptualisé par Mario Bettati
et de la responsabilité de protéger, cette dernière visant
précisément à recadrer la relation entre l’urgence et l’intervention
humanitaire.
Il est vrai que s’engager dans ce débat, c’est emprunter peut-être
des chemins sinueux où souveraineté et responsabilité de l’Etat ne
cohabitent pas toujours avec les principes d’humanité et de dignité
humaine.
Abdelwahab Biad
Bettati (M), Le droit d’ingérence, mutation de l’ordre
international, Paris : Odile Jacob, 1996.
La responsabilité de protéger, Rapport de la
Commission internationale de l’intervention et de la
souveraineté des États (commission indépendante d’experts
co-présidée par Gareth Evans et Mohamed Sahnoun), décembre
2001. Les recommandations de cette commission ont été
adoptées par les Nations Unies lors du Sommet du Millénaire
et le Conseil de sécurité s’y est référé pour la première
fois dans sa résolution 1674 (28 juin 2006).
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LANOTTE (Olivier)
La France au
Rwanda (1990-1994). Entre abstention impossible et engagement
ambivalent
Bruxelles : P.I.E.
Peter Lang, 533 p. – ISBN 978-90-5201-344-2 |
Le génocide rwandais
reste un sujet de préoccupation pour les juristes (voir Laurence
Burgorgue-Larsen, La répression internationale du génocide
rwandais, Bruxelles : Bruylant, 2003, VII-353 p., collection du
CREDHO n° 3) à l’heure où le Tribunal pénal international pour le
Rwanda applique une stratégie de fin de mandat et doit encore régler
des affaires importantes. Mais par delà ces préoccupations, bien des
points restent obscurs dans la tragédie rwandaise, en particulier en
ce qui concerne l’attitude de la France, qui a parfois été accusée
de complicité. Le livre d’Olivier Lanotte fait le point sur la
politique de la France au Rwanda durant la période allant de 1990 à
1994 et il est particulièrement intéressant à cet égard. Œuvre d’un
historien, il se démarque de la littérature abondante parue sur le
sujet, qui relève plus du témoignage ou de l’analyse journalistique
que du travail scientifique. L’auteur a évidemment utilisé ces
sources, mais aussi les sources officielles et il a eu recours
également à des interviews. Le travail est ainsi mené avec précision
et rigueur.
L’objet essentiel de
cette étude est donc de présenter et d’analyser la politique
étrangère de la France et notamment le processus de décision en ce
domaine, dans la perspective tracée par Raymond Aron et l’école
française des relations internationales. La première partie de
l’ouvrage est consacrée au premier conflit rwandais (1990-1994) et
la seconde au deuxième (avril-juillet 1994). Bien que le second soit
beaucoup plus bref que le premier, c’est celui qui pose le plus de
problèmes pour le juriste, mais la connaissance du premier est
indispensable à la compréhension du second.
L’ouvrage d’Olivier
Lanotte retrace avec beaucoup de minutie et avec un grand souci
d’objectivité le cheminement des événements. Il présente aussi les
différentes interprétations avancées sur la « France piégée », la
complicité de génocide, le double génocide, voire les thèses
négationnistes. Mais les positions personnelles de l’auteur sont
modérées et mesurées. En définitive, « si l’Etat français porte sa
part de responsabilité dans le processus qui a conduit à la tragédie
rwandaise, il ne faudrait pas pour autant faire de la diplomatie
française le bouc émissaire de la faillite collective qu’a été le
génocide » (p. 513).
La conclusion
générale présente une synthèse très stimulante des facteurs de la
présence française au Rwanda. Si la défense d’un intérêt national
n’était guère en cause, « l’intérêt de réputation » et la
crédibilité de la France à l’égard de ses autres partenaires
africains revêt une valeur explicative certaine. De nombreux autres
facteurs sont passés en revue, dans la ligne de l’école française
des relations internationales : prisme de Fachoda (rivalité
anglo-française) et ethnicité, facteur institutionnel, personnalité
du décideur, variable sociétale (rôle des militaires, du « lobby »
des droits de l’Homme) et système international. Quant à la
responsabilité de la France, elle est pesée à l’aune des critères
dégagés par Raymond Aron : les moyens employés par la France
étaient-ils adaptés aux buts de sa politique ? Aurait-elle pu
choisir d’autres buts ou d’autres moyens ? et finalement « était-il
légitime selon la coutume, le droit international ou la moralité, de
se donner de tels buts ou d’employer de tels moyens ? ».
On mesure donc les
dimensions de l’étude d’Olivier Lanotte. Limitée à la politique d’un
Etat, elle néglige, par définition, d’autres acteurs, même si
ceux-ci ne sont pas absents de l’analyse. L’auteur montre notamment
que la France a dû composer avec les autres membres du Conseil de
sécurité des Nations Unies. Par ailleurs, l’étude ne met que
rarement l’accent sur les questions juridiques. Cependant celles-ci
ne sont pas totalement ignorées, notamment lorsqu’est abordée la
question de l’autorisation donnée par le Conseil de sécurité dans le
cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ou celle du
statut juridique de la Zone humanitaire de sécurité (ZHS). En
revanche, l’abondante documentation fournie par les procédures
devant le TPIR n’est pas utilisée alors qu’elle aurait pu sans doute
fournir des éléments intéressants. D’ailleurs, les appréciations
portées dans la conclusion générale sur des problèmes juridiques de
première importance auraient mérité des développements plus
conséquents et des analyses plus solides. Toutefois, l’ouverture sur
l’aspect moral des questions soulevées est parfaitement pertinente
et confirme tout l’intérêt de l’ouvrage.
Paul Tavernier
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PRIETO SANJUÀN (Rafael A.) et al.
Akayesu,
El primer juicio internacional por genocidio
Medellin-Colombie :
Biblioteca juridica Diké, 2006, 735 p. – ISBN 958-8235-46-4 |
L’ouvrage publié par
le professeur Prieto Sanjuán,
avec une équipe de jeunes chercheurs (Sandra P. Ávila González,
Elisa Guttiérez Baena, Ximena Castrillón Ayerbe et Marcela I.
Mantilla Martinez) est le second de la série consacrée aux grands
arrêts de la justice pénale internationale (Grandes Fallos de la
Justicia Penal Internacional). Après l’étude de l’affaire
Tadic centrée sur l’internationalisation des conflits internes
et la responsabilité individuelle (voir notre
compte rendu dans le Bulletin du CREDHO
n° 16, 2006, p. 126), l’équipe du Centre d’études de droit
international (CEDI) (Centro de Estudios de Derecho Internacional)
de l’Université pontificale Javeriana de Bogota, s’est attachée à la
présentation de l’affaire Akayesu et à la première
condamnation internationale pour crime de génocide. La traduction en
espagnol des arrêts rendus le 2 septembre 1998 et le 1er
juin 2001 (appel) par le Tribunal pénal international pour le Rwanda
occupe 510 pages (pp. 169 à 679), ce qui a certainement constitué un
travail considérable, et sera fort utile pour les lecteurs
hispanophones.
Le texte même des
décisions est précédé d’une étude sur le contexte du conflit
rwandais et ses répercussions sur le génocide, et de trois chapitres
consacrés à la création du TPIR ainsi qu’au développement de la
notion et des éléments du crime de génocide, au procès équitable et
à la responsabilité pénale individuelle, ainsi qu’à la
responsabilité du supérieur hiérarchique.
Cette présentation
des problèmes permettra aux lecteurs de mieux comprendre l’intérêt
des décisions du Tribunal pour le Rwanda. Pour leur faciliter encore
l’accès à celle-ci, une fiche de jurisprudence est annexée au texte
même. Le Statut du TPIR est reproduit intégralement dans sa version
en espagnol. L’ouvrage est complété par une substantielle
bibliographie en espagnol, anglais et français. En outre, les
ressources disponibles sur Internet, qu’il est impossible désormais
d’ignorer, sont recensées avec soin.
Cet ouvrage
constitue un instrument de travail très utile et très pratique pour
un public hispanophone.
Paul Tavernier
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Corte
Suprema de Justicia de la NaciÓn (Republica Argentina)
Investigacion
de Derecho comparado
Buenos Aires : Corte
Suprema de Justicia de la Nación, 2006, 468 p. – ISSN 1666-3241 |
Cette publication
périodique de la Cour suprême de Justice de la République
d’Argentine représente un outil scientifique et de travail des plus
utiles, non seulement pour les juristes de langue espagnole, mais
aussi pour les autres, qui pourront y découvrir un très grand nombre
de références (pour les volumes précédents, voir notre
compte rendu dans le
Bulletin du CREDHO
n° 16,
2006, p. 126).
On trouvera dans
cette livraison une analyse de la jurisprudence classée par
mots-clés (de l’ « avortement » aux « transsexuels » (pp. 1-104).
Celle-ci est suivie d’une analyse de la doctrine, recensée dans les
revues les plus diverses (pp. 105-216) et d’une présentation de
quelques textes choisis (pp. 257-334), notamment sur la banqueroute
de l’Etat, le contrôle du Conseil de sécurité des Nations Unies par
les juridictions nationales et internationales et les droits des
autochtones. D’autres rubriques bibliographiques et des index
complètent l’ouvrage.
La partie « Etudes »
(pp. 213-256) est centrée sur le thème de l’environnement : le
paradigme environnemental, le contrôle de la qualité de l’eau (étude
de la loi américaine) et la directive-cadre sur l’eau de l’Union
européenne.
Paul Tavernier
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