Avant Propos
Le
présent Cahier du CREDHO reproduit les actes du sixième colloque sur La France
et la Cour européenne des droits de l’Homme qui s’est tenu à la Faculté
Jean Monnet à Sceaux le 27 janvier 2000, et a réuni une assistance nombreuse
et assidue : plus de deux cents personnes, venues principalement d’Ile de
France, mais aussi de Rouen, en raison du partenariat du CREDHO-Rouen et du
CREDHO-Paris Sud, et des quatre coins de la France : Caen, Le Havre, Lille
ou Limoges…
Ce
colloque a été présidé tout d’abord par M. Guy Canivet, premier président
de la Cour de cassation, qui a ouvert des perspectives nouvelles et fort intéressantes
en parlant d’un domaine qu’il connaît bien, celui de l’application de la
Convention européenne des droits de l’homme au droit de la concurrence. Après
un débat substantiel et nourri, M. Canivet, pris par d’autres obligations, a
dû quitter notre assemblée. Il a laissé la présidence à M. Jean-Paul Costa,
juge français à la Cour européenne des droits de l’Homme, qui avait déjà
présidé le quatrième colloque du CREDHO à Rouen en décembre 1997, alors
qu’il ne siégeait pas encore à Strasbourg, et qui a conduit nos travaux avec
toute l’autorité qu’on lui connaît.
Comme
à l’accoutumée, les arrêts rendus contre la France (23 en 1999 contre 27 en
1998) ont été étudiés avec le plus grand soin. Ils ont donné lieu à des
discussions approfondies et parfois passionnées, mais toujours de bon niveau grâce
à la qualité des participants, qui avaient souvent une connaissance intime des
affaires commentées, du fait de leurs fonctions. La Convention européenne des
droits de l’Homme et la jurisprudence de la Cour permettent de traiter de
questions très diverses, qui intéressent toutes les branches du droit. Des
questions classiques, mais toujours d’actualité, ont été abordées et
parfois renouvelées, à propos de différents aspects de l’équité de la
procédure qui s’avère un idéal plus difficile à atteindre qu’on ne
l’imaginait au départ, ou à propos de la motivation des arrêts des Cours
d’assises, ou encore au sujet de la règle de l’épuisement des voies de
recours internes trop souvent invoquée par les Etats comme un rempart efficace
pour protéger leur souveraineté prétenduement menacée de toutes parts. Des
affaires plus médiatiques, comme celle du Canard Enchaîné ou l’affaire
Chassagnou, ont permis d’évoquer des questions essentielles dans une démocratie
moderne : la question de la liberté d’expression du journaliste, mais
aussi la liberté d’association, y compris sous son aspect négatif, ainsi que
les droits des écologistes et des non-chasseurs dans un pays où naguère la Révolution
fut faite pour abolir les privilèges et notamment les droits de chasse réservés
aux seigneurs. Comme l’an dernier, à propos de l’affaire Lehideux et
Isorni, on a pu constater à cette occasion le poids du passé dans la société
française.
Il
n’est pas inutile qu’un tiers européen intervienne dans ces discussions
purement françaises et permette de faire évoluer les choses. Il est vrai que
pour la Cour de Strasbourg elle-même, l’année 1999 était une année de
transition du fait des dispositions du Protocole n° 11 qui a aménagé, non
sans peine, le passage de l’ancienne à la nouvelle Cour. Celle-ci a su se
montrer digne de sa devancière, même si les problèmes et les difficultés ne
manquent pas et ne manqueront pas dans l’avenir. Souhaitons que la Cour et le
Conseil de l’Europe puissent tenir honorablement leur place dans le débat et
la saine émulation qui se sont instaurés avec la Cour de Luxembourg et l’Union
européenne pour une meilleure protection des droits de l’Homme sur notre
continent. Les travaux en vue de l’adoption d’une Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne ne doivent pas faire oublier l’héritage
considérable légué par le Conseil de l’Europe, par l’ancienne Commission
et par la Cour européenne des droits de l’Homme, qui mérite certainement de
prospérer et de rayonner à l’avenir sur l’ensemble de l’Europe. Cela
devrait constituer pour Strasbourg une ambition à la hauteur de ses possibilités.
Paul Tavernier
Mai 2000
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