Clôture
du colloque
par
Jean-Paul
COSTA
En
ce qui concerne les statistiques des affaires qui nous ont été présentées
aujourd’hui, avec l’affaire Pellegrin que Me Pettiti n’a pas présenté
oralement mais dont il présente un rapport écrit, on a “ parlé ”
de 11 affaires dans des requêtes contre la France. Dans 8 de ces affaires, la
France a été condamnée, dans 3 (Civet, Pellegrin et Baghli), la France
ne l’a pas été. Comme il se trouve que le Président de l’une des deux séances
était le juge élu au titre de la France, je suggère que soit organisé un
jour un colloque sur le juge national à Strasbourg, et pas seulement pour la
France. Dans les 8 cas où elle a été condamnée, j’ai été 6 fois
d’accord, 1 fois je n’ai pas siégé (affaire Zielinski et Pradal) et
1 fois j’ai émis une opinion dissidente (affaire Chassagnou). Dans les
3 affaires où la France n’a pas été condamnée, j’ai été 2 fois dans la
majorité (Civet et Pellegrin) et 1 fois dans la minorité (Baghli,
comme vient de le rappeler Paul Tavernier).
J’en
conclus que probablement les juges à la Cour européenne des droits de l’Homme
essaient d’être fidèles à leur serment qui est d’être des juges honnêtes,
indépendants et impartiaux, et... de conserver le secret des délibérations,
ce qui est plus difficile à cause des opinions dissidentes.
A
propos de ces dernières, je rebondis sur la remarque de Paul Tavernier. Il y a
deux séries d’opinions dissidentes. Il y a celles dont on peut légitimement
espérer qu’elles préfigurent des majorités dans l’avenir. J’espère que
c’est le cas dans l’affaire Baghli. Il y en a d’autres qui
expriment la conviction de leurs auteurs, et qui vraisemblablement n’entraîneront
pas de changement jurisprudentiel, c’est sûrement le cas dans l’affaire Chassagnou.
Je le regrette, bien que finalement le problème de la chasse me laisse
personnellement plutôt indifférent. Je ne ferai plaisir ni aux chasseurs, ni
aux non chasseurs. Après tout, pourquoi ne pas dire les choses comme elles
sont...
Une
remarque maintenant beaucoup plus générale. Nous avons eu une Journée
particulièrement riche et intéressante. J’ai extrêmement apprécié tous
les exposés, à commencer par celui du Premier Président Guy Canivet qui a
bien voulu prendre sur son temps lourdement chargé celui de venir nous faire un
rapport extrêmement constructif et qui me paraît dénoter que les juridictions
françaises, y compris les juridictions suprêmes, Cour de cassation et même
Conseil d’Etat, intègrent de plus en plus la Convention et la jurisprudence
de la Cour de Strasbourg dans leur propre jurisprudence. Le Président Canivet a
dit à un moment ce matin : “ l’article 6 de la Convention nous oblige
à restructurer toute notre procédure judiciaire ”. C’est une phrase
extraordinaire de la part du Premier Président de la Cour de cassation d’un
pays qui n’a pas toujours été un grand pionnier de la construction européenne,
même si nous sommes ici dans une Faculté Jean Monnet.
Il
y a, d’une manière générale, un grand progrès de la part des différents
pays, et notamment de la France, dans l’application de la Convention, et
c’est peut-être comme cela qu’on résoudra le problème du principe de
subsidiarité. Là encore, dans un monde idéal, on devrait avoir très peu de
requêtes à Strasbourg, et elles seraient des requêtes en forme de questions
préjudicielles dans les cas où les Etats et les autorités judiciaires
nationales ne savent pas très bien comment interpréter la Convention... Je
terminerai sur cette note optimiste, mais je remercie une fois encore les
organisateurs, et au premier chef, Paul Tavernier, ainsi que tous les orateurs
dont j’ai énormément apprécié les exposés, et enfin le public qui a été
remarquablement assidu malgré la longueur des débats et le fait que je l’ai
soumis à un traitement inhumain et dégradant en supprimant les pauses...
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