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Actes de la Sixième Session d'information (arrêts rendus en 1999, Cahiers du CREDHO n° 6)

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L’éloignement des étrangers : le débat sur l’intégration

 

 

 

L’affaire Baghli (arrêt du 30 novembre 1999)

 

par 

 

Béatrice BOISSARD

Maître de conférences, Université de Versailles-Saint Quentin

 

 

 

La Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) ne garantit pas à l’étranger le droit de ne pas être expulsé : aucune disposition de la Convention ne porte sur cet aspect, excepté les cas d’expulsions collectives d’étrangers (article 4, protocole n° 4). Par contre, elle lui accorde des garanties procédurales, dès lors qu’il réside régulièrement sur le territoire d’un Etat (article 1, protocole n° 7).

 

Cette protection procédurale fait partie des droits dérivés reconnus aux étrangers par la Convention. Cependant, par une jurisprudence audacieuse, la Cour a consacré par ricochet des droits non garantis aux étrangers, mettant en place une protection indirecte par attraction de droits garantis par la Convention. Ainsi, l’étranger jouit de droits comme le droit au recours effectif devant une instance nationale (article 13), le droit à un contrôle juridictionnel rapide de la légalité de la détention (article 5), le droit de mettre en cause la responsabilité de l’Etat dans le cas où il pourrait subir ou risquerait de subir un déni de justice flagrant dans un autre Etat (article 6), le droit de ne pas être exposé à la torture ou à des peines et traitements inhumains ou dégradants dans un Etat tiers à la Convention (article 3), et le droit à une vie privée et familiale existante dans un Etat partie à la Convention (article 8).

 

L’article 8, paragraphe 1, est devenu, depuis plusieurs années, un moyen de défense et de protection de l’étranger. Deux arrêts de principe le confirment.

 

En 1985, la Cour européenne des droits de l’Homme affirme que le principe du refoulement ou de l’éloignement de l’étranger d’un pays où vivent les membres proches de sa famille peut porter atteinte à son droit à la vie familiale et constituer une violation de l’article 8[1]. Trois ans après, elle franchit un nouveau seuil dans l’affaire Berrehab[2] où elle est amenée à préciser les incidences de l’article 8 sur l’éloignement des étrangers : “lorsque l’étranger possède sur le territoire de l’Etat où il réside des liens familiaux réels et que la mesure d’éloignement est de nature à compromettre le maintien de ces liens, cette mesure n’est justifiée au regard de l’article 8 que si elle est proportionnée au but légitime poursuivi, c‘est-à-dire en d’autres termes si l’atteinte à la vie familiale qui en résulte n’est pas excessive eu égard à l’intérêt public qu’il s’agit de protéger”.

 

En consacrant cette solution, elle accorde principalement une sécurité juridique à l’étranger. Toutefois, elle en rappelle la limite : celle de la défense de l’ordre public, pouvoir discrétionnaire de l’Etat. Dans sa décision Abdulaziz et autres, elle précise que “d’après un principe général de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements internationa,ux découlant pour eux des traités, de contrôler l’entrée des nationaux sur leur sol”[3]. La Commission tend à admettre que l’article 8 n’interdit pas aux Etats d’éloigner les étrangers dès lors que cela est nécessaire à la défense de l’ordre public[4].

 

Cependant, la Cour franchit une nouvelle étape en étendant cette protection aux étrangers intégrés délinquants, appelés également immigrés de la seconde génération. Il se dégage de sa jurisprudence des critères qui tendent à ne pas perdre de vue deux grands principes : le principe de souveraineté des Etats et le principe de solidarité. Le premier commande la préservation des intérêts publics, et de ce fait, l’Etat a la faculté d’expulser les délinquants ; le second, fondé sur le caractère objectif des droits de l’Homme, légitime l’exercice d’un contrôle de l’adéquation des mesures étatiques aux fins légitimes qu’elles prétendent poursuivre. C’est donc à travers les hypothèses de l’alinéa 2 de l’article 8 (sécurité nationale, sûreté publique, bien-être économique du pays, défense de l’ordre public, prévention des infractions pénales, protection des droits et liberté d’autrui), que la Commission et la Cour examinent si le droit au respect de la vie privée et/ou familiale du requérant a été violé par un Etat.

 

Cette jurisprudence se révélera finalement favorable à l’étranger intégré délinquant. Il en découle trois lectures de l’article 8. L’étranger non intégré relève de l’article 8, paragraphe 1, exceptionnellement l’étranger délinquant relève de l’article 8, paragraphe 2, et exception de l’exception, l’étranger délinquant intégré relève de l’alinéa 2 mais la protection de l’ordre public ne suffit pas à justifier son éloignement.

 

Mais, à partir de 1990, la Cour inverse sa jurisprudence. En utilisant habituellement les hypothèses du paragraphe 2 de l’article 8, elle construit une nouvelle jurisprudence défavorable aux étrangers intégrés délinquants.

 

Ce revirement a toujours été prévisible. En effet, les arrêts, reconnaissant systématiquement la violation de l’article 8, font l’objet de débats au sein même de la Cour, et l’unanimité n’est jamais acquise. Il en est de même pour les arrêts consacrant la non-violation de l’article 8 par les Etats.

 

Dans ce contexte, la solution de l’arrêt Baghli ne surprend pas : il n’est que la continuité d’un ensemble de décisions. En effet, la Cour a entamé un revirement spectaculaire et considère désormais que l’étranger intégré délinquant n’a plus de vie privée et/ou familiale en raison de deux critères : un passé pénal important ainsi que l’existence de liens familiaux et/ou culturels avec son pays d’origine (I).

 

Si cette solution, semble bien être le fruit de divergences de point de vue entre les juges au sein même de la Cour, il est clair que certains juges n’ont pu imposer une conception qui aurait réglé le problème, et qui repose sur la reconnaissance d’une nouvelle catégorie juridique, celle des quasi-nationaux (II).

 

 

I • L’absence d’atteinte à la vie privée et familiale pour l’étranger intégré délinquant.

 

 

Le revirement de la Cour est précédé par de nombreuses décisions d’irrecevabilité de la Commission en matière d’expulsion ou d’interdiction du territoire[5].

 

Cette dichotomie entre les organes de la Cour démontre déjà la difficulté de définir les critères permettant de distinguer les cas où l’article 8, paragraphe 1 s’appliquerait et les cas où au contraire le paragraphe 2 l’emporterait.

 

Cette progression dans la sévérité s’explique par une analyse comparative des faits. Jusqu’ici, la Cour met en balance les paragraphes 1 et 2 de l’article 8. Elle privilégie l’effectivité de la vie privée et/ou familiale de l’individu sur le territoire, déduisant que la mesure d’expulsion ou d’éloignement prise par l’Etat relève d’une ingérence disproportionnée par rapport à une société démocratique. Systématiquement, l’Etat était condamné pour violation de l’article 8, même si la mesure était prévue par la loi et avait un but légitime, répondant aux différentes hypothèses posées par le paragraphe 2 de l’article 8 (A).

 

Mais dès les années 90, on note un infléchissement de la Cour : elle attribue à nouveau une grande importance à la gravité des infractions commises par le requérant ainsi qu’à l’absence de liens avec le pays d’origine pour pouvoir conclure à une non-violation de l’article 8 (B).

 

A • La priorité donnée à l’effectivité de la vie privée et familiale de l’étranger intégré délinquant

 

En cette matière, celle des droits des étrangers, la Cour a appliqué sa méthode classique du contrôle de proportionnalité. D’une part, elle tend à prendre en compte l’intérêt privé de l’étranger, celui du respect de sa vie privée et familiale, conformément à l’article 8, paragraphe 1 de la CEDH. D’autre part, elle tend à ne pas s’immiscer dans l’intérêt de l’Etat, à savoir la protection de l’ordre public, lorsque l’étranger est indésirable pour avoir commis une infraction pénale dont la sanction administrative se traduit par une mesure d’expulsion (ou une interdiction définitive du territoire), et ce conformément au paragraphe 2 de l’article 8.

 

On aurait pu croire que cette protection par ricochet ne concernerait que des cas d’espèce précis : celui du regroupement familial. Dans l’affaire Abdulaziz et autres, il s’agit d’époux se voyant refuser l’autorisation de rejoindre leurs épouses. Dans l’affaire Berrehab, un ressortissant marocain se voit refuser le prolongement de son séjour alors que sa fille de nationalité néerlandaise vit sur le territoire néerlandais, où lui-même a vécu.

 

Pourtant, la Cour étend sa jurisprudence aux étrangers délinquants, plus précisément aux étrangers intégrés délinquants. Utilisant son contrôle de proportionnalité, elle dégage un faisceau d’indices, conduisant à penser que ces étrangers sont également protégés contre les mesures d’éloignement prises par les Etats.

 

Aussi il est indispensable de rappeler les critères ou plutôt le faisceau d’indices dégagé par la Cour qui menait irrémédiablement à la condamnation de l’Etat pour violation de l’article 8 en son ensemble.

 

Ce faisceau d’indices a été dégagé à l’occasion des arrêts Moustaquim[6], Beljoudi[7] et Nasri[8].

 

La Cour prend donc en compte un élément principal et en écarte deux autres.

 

Elle ne retient ni la nationalité, ni le passé pénal du requérant.

 

- D’une part, la Cour fait abstraction de la nationalité étrangère du requérant ; M. Moustaquim est d’origine marocaine, Messieurs Beljoudi et Nasri sont de nationalité algérienne. Pourtant, la nationalité est un élément important en droit international[9] : elle est considérée comme “un lien juridique d’allégeance politique avec l‘Etat (…), un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments, jointe à une réciprocité de droits et de devoirs ”. Cette définition illustre bien la compétence exclusive de l’Etat sur son national mais également sur l’étranger qui vit sur son territoire.

 

Si la Cour avait retenu ce critère comme un élément indiscutable, l’étranger délinquant serait donc expulsable, abstraction faite de tout autre élément. Ici, la Cour semble assimiler l’étranger au national. Et surtout, elle ne semble pas considérer explicitement la nationalité comme une justification “objective et raisonnable ”, comme le souligne le juge Martens[10]. Peut-être souhaite-t-elle inviter les Etats à considérer les étrangers comme des nationaux, dès lors qu’ils sont intégrés à la société d’un Etat. Encore faut-il définir ce que l’on doit entendre par “étranger intégré ” ?

 

- D’autre part, la Cour ne retient pas le passé pénal du requérant. Elle ne souligne pas non plus le fait que le requérant a purgé la ou les peines de prison sur le territoire de l’Etat. Cet élément est essentiel car la principale argumentation des Etats est de démontrer que c’est en raison des infractions commises par l’étranger que ce dernier est soumis à une mesure de police administrative (c’est-à-dire de prévention)[11]. La durée de l’emprisonnement ainsi que la gravité des infractions commises lui importent peu, même si certains requérants ont un passé pénal extrêmement chargé par rapport à d’autres[12]. Ainsi, estime-t-elle que, malgré des peines d’emprisonnement répétées, Messieurs Moustaquim, Beljoudi et Nasri bénéficient de l’article 8[13]. Le fait que ce sont des récidivistes n’entre pas non plus en ligne de compte. Il en est de même de la gravité des faits retenue par les Etats, et défendue par certains juges de la Cour[14] : vols, viols, coups et blessures volontaires, trafic de drogue…

 

Quant à l’élément principal, il repose à la fois sur l’existence réelle d’une vie familiale et/ou privée du requérant et l’absence de liens avec son pays d’origine.

 

Trois éléments ont été retenus : - la durée et la nature du séjour (arrivée sur le territoire en bas âge de l’individu ou naissance sur le territoire), le contexte familial (intensité de vie familiale, intégration de la famille qui se traduit notamment par l’acquisition de la nationalité de l’Etat par plusieurs membres de la famille, vie familiale avec une épouse ou un époux de nationalité de l’Etat d’accueil ou concubine et enfants), le contexte professionnel (exercice d’un métier sur le territoire).

 

Cet élément l’emporte sur tous les autres car il justifie l’existence d’une vie privée et surtout familiale effective, conformément au paragraphe 1 de l’article 8. On note même, de la part de la Cour, une progression qui s’explique bien sûr par le fait que chaque cas d’espèce est différent, mais qui constitue un ensemble d’indices.

 

Dans le cas de M. Moustaquim, sa vie privée et familiale est effective, car au moment des faits reprochés, il réside de façon ininterrompue avec ses parents et ses trois frères et sœurs dont l’un de nationalité belge. Et les fugues répétées ne peuvent être assimilées à une vie occasionnelle voire épisodique[15]. En outre, il travaille sur le territoire. Enfin, lors de ses incarcérations, il a bénéficié de peines légères mais également par deux fois d’un congé pénitentiaire qui se serait déroulé sans incident.

 

Dans le cas de M. Beljoudi, sa vie privée et familiale effective se fonde sur sa vie de couple avec une française[16]. La mesure d’expulsion porte donc atteinte non seulement au requérant, mais également à sa femme qui pourrait certes le suivre en Algérie mais connaîtrait un profond déracinement ne connaissant pas la langue du pays et ayant toutes ses attaches en France.

 

Le cas Nasri est très particulier mais l’argumentation de la Cour ne doit pas être négligée. En effet, M. Nasri, sourd-muet de naissance et de nationalité algérienne, arrive en France à l’âge de cinq ans. Les portes de l’éducation lui sont la plupart du temps fermées en raison de son état ou de l‘impossibilité pour ses parents de subvenir aux frais de scolarité ou d’hébergement. Son comportement brutal est mis en cause également.

 

Au-delà de la condamnation de l’Etat pour violation de l’article 8, la Cour fait apparaître la responsabilité de l’Etat qui n’a pas su mettre en place les moyens et les conditions de son intégration à la société française[17]. On peut également appliquer cette réflexion aux affaires Moustaquim et Beljoudi dans le sens où, là encore, l’Etat n’assume pas ses responsabilités : il a intégré ces deux individus à la société, puis une fois, les infractions commises, il souhaite s’en débarrasser.

 

A travers ces cas d’espèces, la Cour applique sa définition extensive de la vie privée et familiale[18].

 

Deux constats peuvent être faits à la suite de ces arrêts.

 

- Qu’importe la gravité des faits commis par l’étranger intégré, la mesure d’expulsion, même prévue par la loi et ayant des buts légitimes, en l’espèce la défense de l’ordre public, est considérée comme une atteinte à la vie privée et familiale du requérant car elle constitue un déracinement. L’étranger a construit sa vie (familiale, culturelle, professionnelle) sur le territoire de l’Etat, et a souvent coupé les ponts avec son pays d’origine.

 

- En insistant sur la compétence exclusive des Etats en la matière, la Cour impose un cadre qu’ils ne peuvent dépasser : le passé pénal de l’individu ne suffit pas à emporter la non-violation de l’article 8, même si la mesure d’expulsion répond à deux critères de fond : le fait qu’elle est prévue par la loi et qu’elle poursuit un but légitime.

 

Par ailleurs, il ne revient pas à la Cour de condamner les politiques d’immigration des Etats, mais les modalités de leur mise en œuvre.

 

La Cour elle-même prend soin de rappeler le respect de la souveraineté des Etats en la matière, limitant ainsi sa jurisprudence, mais elle restreint également l’action des Etats en précisant que la mesure d’expulsion doit être justifiée par un besoin social impérieux.

 

Ce besoin social impérieux est donc un ensemble qui concilie principe de souveraineté et principe de solidarité. Pour autant, elle se refuse à déterminer de manière précise ce qu’elle entend par cette expression et quelle conséquence définitive elle doit entraîner. Autrement dit, il n’est pas certain que l’article 8 garantira un droit aux étrangers délinquants intégrés de ne pas être expulsés.

 

Cependant, on ne peut ignorer qu’au sein même des juges de la Cour, il n’y a pas unanimité sur la matière. Deux grandes oppositions se distinguent.

 

L’une veut faire clairement peser le principe de solidarité sur celui de souveraineté. C’est la voie choisie par le juge Morenilla et d’autres[19], qui condamnent l’aspect de “persona non grata”. “ La mesure d’expulsion de ces “non-ressortisants” dangereux peut s’avérer expédient pour l’Etat qui se débarrasse ainsi de personnes considérées comme “indésirables”, mais elle se révèle cruelle et inhumaine[20] et clairement discriminatoire à l’égard des “ressortissants” qui se trouvent dans de telles circonstances. L’Etat qui, pour des raisons de convenance, accueille les travailleurs immigrés et autorise leur résidence, devient responsable de l’éducation et de la socialisation des enfants de ces immigrés tout comme il l’est des enfants de ses “ citoyens ”. En cas d’échec de cette socialisation, dont les comportements marginaux ou délictueux sont la conséquence, cet Etat est aussi tenu d’assurer leur réinsertion sociale au lieu de les renvoyer dans leur pays d’origine[21], qui n’a aucune responsabilité pour ces comportements et où les possibilités de réhabilitation dans un milieu social étranger s’avèrent illusoires.

 

Sans pour autant s’aligner sur l’opinion du juge Morenilla, certains[22] estiment qu’il serait nécessaire que la Cour indique avec plus de précision les seuils de condamnations et de récidives, les handicaps physiques et linguistiques, la nature des crimes et délits, le contenu de la vie familiale et la définition de la communauté familiale à protéger au sens de l’article 8, la définition de l’ordre public européen en considération desquels la décision d’expulser devrait être jugée contraire à l’article 8.

 

L’autre estime que la Cour nourrit une sorte d’impunité pour le requérant qui fait “si bon marché du droit à la sûreté et du droit au respect des biens des futures victimes”[23]. La Cour ne devrait pas faire de différence entre les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes. L’intérêt général de la société ne peut être comparé et confronté à l’exercice des infractions.

 

La position du juge Morenilla est fondamentale car il fait appel à la responsabilité de l’Etat ; ce dernier doit assumer les échecs des étrangers intégrés, au même titre que ceux des nationaux.

 

On peut donc regretter la timidité de la Cour qui ne condamne pas fermement la mesure d’expulsion comme une mesure s’ajoutant à une peine déjà purgée, ce qui forme ainsi une sorte de double peine. Ces arrêts auraient pu être l’occasion de condamner définitivement ce système et d’affirmer que la mesure d’expulsion est une mesure portant atteinte à la vie privée et familiale de l’étranger dès lors qu’elle est mise en action par les autorités publiques.

 

Cette prise de position aurait eu le mérite de confirmer que l’étranger intégré, surtout délinquant, bénéficie de la même situation que le national, délinquant, parce que lui aussi est né ou est arrivé en bas âge sur le territoire du pays d’accueil, que le choix (volontaire ou non) de ses parents de le voir s’intégrer la société le rend inexpulsable, malgré ces infractions.

 

L’impunité n’existe pas dans nos sociétés actuelles. L’impunité existerait si l’individu jouissait de la mesure d’expulsion sans être jugé pour ses crimes. Là, ce serait socialement dangereux.

 

La position du juge Morenilla pose, explicitement, la problématique qui sous-tend le contentieux du droit des étrangers : l’étranger intégré, délinquant ou non est-il assimilable à un national ?

 

Ainsi, la Cour obligerait l’Etat à renoncer à son droit d’expulser. Cette position n’aurait rien d’amoral. En effet, l’Etat a toujours condamné pénalement tout individu quelle que soit son origine. On remarque toujours que l’Etat a commencé par condamner l’étranger intégré, et que ce dernier a purgé sa peine. Mais l’Etat semble croire que cela ne suffit pas, et par conséquent utilise systématiquement la mesure d’expulsion.

 

Or en confirmant itérativement le droit de l’Etat d’éloigner ses étrangers, elle permet à ce dernier de protéger son ordre public. Ne le fait-il déjà pas en infligeant au requérant une sanction pénale ?

 

B • La priorité donnée à l’importance du passé pénal et au maintien de liens avec le pays d’origine de l’étranger délinquant

 

Ce souci de concilier principe de solidarité et principe de souveraineté a conduit la Cour, sans aucune raison objective, à part celle de la divergence des juges, à renverser sa jurisprudence. Les hypothèses de l’alinéa 2 sont toujours mises en balance avec le respect de la vie privée et/ou familiale de l’individu.

 

Arrivé en France à l’âge de deux ans, M. Baghli y a résidé avec sa famille, a suivi sa scolarité et fréquente une ressortissante française. Il commet une infraction : le trafic de drogue.

 

C’est encore l’occasion pour la Cour de confirmer que le lourd passé pénal de l’individu ainsi que l’attachement à son pays d’origine par le maintien de sa nationalité et de liens sociaux et culturels n’entraînent pas le déracinement de ces individus.

 

Son contrôle de proportionnalité existe toujours, mais il est clair que la Cour retient plus difficilement l’effectivité de la vie privée et/ou familiale des requérants.

 

La Cour retient plus facilement l’existence de liens avec le pays d’origine.

 

Ainsi, dans l’affaire Baghli, la Cour juge que ce dernier n’a ni vie privée ni vie familiale, malgré le fait qu’il est arrivé en bas âge en France, qu’il y a suivi sa scolarité, qu’il y travaille et y vit en concubinage. Ces éléments auraient dû être suffisants pour juger de l’existence effective d’une vie privée et/ou familiale.

 

Pourtant, la Cour s’y refuse. M. Baghli n’a pas de vie privée et/ou familiale, même s’il a vécu de manière interrompue avec sa famille. Le requérant n’aurait pas apporté la preuve qu’il entretenait des relations étroites ou des liens de dépendance avec sa famille. Pour asseoir cette idée, les juges font référence à la continuité de liens entretenue par M. Baghli avec son pays d’origine. Le requérant a fait son service militaire en Algérie pendant un an et y a passé régulièrement des vacances. Ce qui implique la connaissance de la langue et des liens forts avec son pays d’origine.

 

On retrouve cette même formule dans des arrêts précédents, Boughanemi[24], Bouchelkia[25], Boujaïdi[26] et Dalia[27].

 

Né en Tunisie, M. Boughanemi entre en France à l’âge de 8 ans avec sa famille dont certains membres ont la nationalité française. Il y vit pendant 20 ans. Vivant en concubinage avec une française, il a un enfant né en 1993 qu’il reconnaît en 1994. A partir de 1981, il est condamné pour plusieurs infractions (vol, proxénétisme, coups et blessures volontaires) et est frappé d’une mesure d’expulsion. Il revient en tant que clandestin en France où il vit 6 ans.

 

La Cour estime qu’il n’y a pas violation de l’article 8 car elle considère que M. Boughanemi n’a pas de vie effective en France. Elle lui reconnaît un semblant de vie familiale après l’exécution de la mesure d’expulsion. Revenu dans la clandestinité, M. Boughanemi aurait à ce moment entretenu, avec sa concubine, une vie commune qui s’est traduite par la naissance d’un enfant, et à ce moment, l’expulsion aurait bien constitué une atteinte au respect de la vie familiale.

 

En outre, le requérant a maintenu des liens avec son pays d’origine : il a gardé sa nationalité tunisienne et ne semble avoir fait aucun effort pour devenir français et il confirme la connaissance de la langue arabe ainsi que le maintien de liens avec son pays natal.

 

La solution retenue pour l’affaire Bouchelkia repose sur les mêmes arguments : il n’aurait pas rompu avec son pays d’origine. Il a été envoyé en 1986 au “village”, séjour qui lui a été bénéfique pendant ses vacances scolaires et, il comprend la langue arabe. La Cour semble donc considérer que cette période vécue par le requérant amenuise l’effectivité d’une vie privée et familiale sur le territoire de l’Etat d’accueil. La mesure d’expulsion n’entraîne donc pas de déracinement de M. Bouchelkia, et de ce fait justifie sa qualité de mesure de sauvegarde de l’ordre public.

 

La motivation de la Cour est choquante. En effet, Messieurs Baghli, Boughanemi et Boulchelkia sont des étrangers intégrés en raison de la durée de leur séjour sur le territoire d’accueil et, de liens familiaux, sociaux, scolaires, professionnels et culturels. Le fait que M. Baghli ait fait son service militaire ne peut suffire à faire pencher la balance, d’autant qu’il ne s’est absenté que pendant deux ans. Le requérant a démontré sa volonté de continuer à construire sa vie en France. Il s’est plié à une obligation et est ensuite revenu en France.

 

En quoi le fait de parler sa langue d’origine ou le fait de faire des voyages réguliers dans son pays d’origine manifestent-ils une faiblesse des liens avec le pays d’accueil ?

 

En fin de compte, n’est-il pas logique de se rappeler d’où l’on vient sans pour autant renier son désir de continuer à vivre dans son pays d’accueil, d’autant que le choix n’a jamais été donné aux requérants. Ils ont suivi leur famille.

 

Cette volonté de la Cour de démontrer qu’il ne peut y avoir de déracinement dès lors que l’étranger connaît la langue de son pays d’origine et/ou y a fait des séjours a déjà été rappelé dans les affaires Boujaïdi[28] et Dalia[29]. Or, dans les affaires Moustaquim, Beljoudi et Nasri, les requérants ne semblent pas avoir tenté d’acquérir la nationalité française et vivaient ou ont vécu de manière interrompue avec leur famille.

 

Il est plus étrange encore que la Cour estime que la présence d’un enfant ou le simple fait de vivre en concubinage ne sont pas des éléments essentiels.

 

Dans l’affaire Dalia, les conséquences de l’éloignement du territoire de la requérante sur son enfant, de nationalité française, ne sont pas retenues. Comment peut-on affirmer que Mlle Dalia n’a pas de vie familiale sur le territoire ? Le fait que son enfant est en bas âge ne contrevient pas à son renvoi : ce dernier devrait pouvoir s’adapter, et qu’importe qu’il soit de nationalité française.

 

Dans l’affaire Baghli, la Cour dénie à M. Baghli toute vie familiale avec sa concubine, préférant l’expression “ relation sentimentale ”, puisqu’elle ne s’est pas traduite par la naissance d’un enfant. Est-ce une nouvelle approche de la notion de vie privée ? Si on peut admettre que M. Baghli n’a pas de vie familiale avec sa concubine, il est difficile de croire que la notion de vie privée ne peut pas lui être appliquée. Or on constatera que la Cour n’a pas hésité à adopter une conception de plus en plus extensive de la vie privée. La Cour ne précise-t-elle pas, dans l’affaire Niemetz[30], que l’article 8 couvre non seulement la sphère intime des relations personnelles, mais également le droit pour l’individu de nouer et de développer des relations avec ses semblables ?

 

La Cour retient donc plus facilement l’existence de liens avec le pays d’origine, qu’avec le pays d’accueil.

 

La Cour retient également le passé pénal de l’individu.

 

Il en est de même pour le passé pénal de l’individu. La Cour semble avoir défini parmi les objectifs de défense de l’ordre public que le trafic de drogue est un élément qui empêche l’étranger intégré d’échapper à la mesure d’éloignement. Cet élément était déjà apparu dans les affaires Boujaïdi et Dalia[31] : le trafic de drogue est assimilé à un dangereux commerce et “(…) Au vu des ravages de la drogue dans la population, la Cour conçoit que les autorités fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau ”. La formule est reprise dans l’arrêt Baghli . Il est incontestable que l’infraction commise constitue une atteinte grave à l’ordre public et à la protection de la santé d’autrui. Or, au vu des ravages de la drogue dans la population, la Cour conçoit que les autorités fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau ”.

 

Une question se pose : si le trafic de drogue est un facteur doublement pénalisant pour le requérant, en est-il de même pour toutes les infractions commises par l’étranger intégré délinquant ? Rappelons que Messieurs Boughanemi et Bouchelkia n’ont pas participé à un trafic de drogue ; l’un a été accusé de proxénétisme aggravé, l’autre de viol avec violences, et de vol stipulé commis pendant sa minorité. La Cour a bien souligné le lourd passé pénal de ces requérants[32], pour autant, elle n’a pas été jusqu’à les qualifier de “ fléau ”. Ces infractions, au même titre que le trafic de drogue, sont des infractions graves, mais elles ne peuvent justifier l’éloignement de l’étranger intégré. A ce moment, qu’en est-il du national qui commet ce même type d’infraction ? Il est puni, au même titre que l’étranger intégré ou non intégré. La Cour semble donc retenir un critère, celui des atteintes aux personnes victimes[33].

 

En introduisant dans la balance le passé pénal, la Cour adopte une solution choquante. Est-ce que les délinquants les plus endurcis seraient moins protégés, et n’auraient donc pas droit ou moins le droit à une vie familiale normale ?

 

L’affaire Baghli confirme donc plus un revirement qu’un infléchissement de la jurisprudence de la Cour. Ces affaires marquent le retour à la liberté des Etats de pouvoir éloigner leurs étrangers, sans encourir la sanction de la Cour. Ils sont les seuls, en fin de compte, à définir et à protéger leur ordre public propre. Quant à l’étranger, il demeure soumis à la volonté des Etats.

 

 

II • L’étranger demeure un étranger

 

 

“En résumé, M. Baghli est un immigré de la seconde génération, un quasi-Français, dont la très grande majorité des attaches familiales, sociales, professionnelles, culturelles se trouvent en France”, opinions dissidentes et communes des juges Costa et Tulkens.

 

L’arrêt Baghli ne fait que confirmer, qu’à l’instar de l’arrêt Abdulaziz et autres, l’article 8 n’emporte pas obligation pour l’Etat de ne pas expulser ses étrangers intégrés délinquants, et ce malgré leur présence sur le territoire pendant un grand nombre d’années.

 

Par conséquent, la thèse selon laquelle la solution générale ne jouait pas en faveur des immigrés de seconde génération est totalement remise en cause. Les décisions de principe Moustaquim et Beljoudi démontraient l’attention particulière portée par la Cour au fait que l’étranger a sa vie familiale effective dans l’Etat d’accueil et n’a avec son Etat d’origine, hors le lien de nationalité, aucun lien réel.

 

Autrement dit, il semblait d’une part, que la Cour alignait la situation des immigrés de seconde génération sur celle des “nationaux ”, dont le protocole 4, article 3, interdit l’expulsion, et d’autre part, qu’elle avait formé un concept tendant à les protéger, celui de quasi-national (A).

 

Doit-on déduire que la Cour juge que l’étranger, intégré ou pas, ne dispose pas de la jouissance de droits fondamentaux comme tout individu ? Pourtant, elle a été à l’origine de la juridictionnalisation du contentieux du droit des étrangers en imposant à l’Etat, et plus particulièrement aux juridictions internes d’intégrer l’article 8 (B).

 

A • Le refus du concept de quasi-national

 

L’article 3 du protocole n° 4 précise que “ Nul ne peut être expulsé, par voie de mesure individuelle ou collective, du territoire de l’Etat dont il est le ressortissant ”. On retrouve le contenu de cet article, dans des clauses analogues, à l’article 12, paragraphe 4, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) : “Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays”.

 

Clause analogue mais non similaire. En effet, la CEDH retient le terme “ressortissant”, tandis que le PIDCP retient celui de “propre pays”.

 

D’après une partie de la doctrine, la référence à la notion “propre pays” signifierait que le PIDCP interdirait l’expulsion non seulement des nationaux mais également des étrangers intégrés[34].

 

Toutefois, en 1996, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies (CDH-ONU) a précisé ce qu’il entendait par cette notion dans l’affaire Stewart c. Canada[35]. Né en Ecosse, Charles E. Stewart arrive au Canada à l’âge de 7 ans avec sa mère, rejoignant son père et son frère aîné. Pour cause de criminalité, il est sous le coup d’un arrêté d’expulsion du Canada.

 

L’argumentation de M. Stewart est de démontrer qu’il s’est toujours considéré comme un “citoyen canadien”, sans avoir la nationalité de ce pays[36]. Pour le Canada, il n’est qu’un simple résident permanent, ses parents n’ayant jamais demandé la citoyenneté canadienne pour lui quand il était enfant[37]. En outre, le Canada rappelle que “les règles internes et internationales relatives aux droits de l’Homme montrent clairement que le droit de rester dans un pays et de ne pas être expulsé vise exclusivement les ressortissants de l’Etat (…) Il est reconnu que, s’agissant des non-nationaux, ces droits sont détenus dans certaines conditions, seulement, et sont plus limités que dans le cas des nationaux”. Autrement dit, M. Stewart n’a jamais acquis un droit conditionnel à demeurer au Canada comme dans son “propre pays”.

 

La réponse du Comité est nuancée.

 

Le Comité précise que la notion de “propre pays” est une notion plus vaste que celle de “ pays de nationalité ”, sans pour autant la recouvrir[38] - la notion de ressortissant entre dans cette catégorie : “La notion contestée n’est pas limité à la nationalité au sens strict du terme, à savoir la nationalité conférée à la naissance ou acquise par la suite”. Elle fait donc référence à “un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un Etat partie” pour restreindre les droits des Etats d’expulser une personne considérée comme “étranger”. Cette notion s’applique donc aussi bien aux nationaux qu’à une certaine catégorie de personnes, qui tout en n’étant pas des nationaux, ne sont pas moins des étrangers. Elle semble bien considérer que certains étrangers bénéficient du droit de ne pas être expulsés, au même titre qu’un national.

 

Mais, cette affirmation est rapidement tempérée. Parmi ces non-nationaux, le Comité inclut les apatrides ainsi que les personnes dont le pays de nationalité aurait été intégré ou assimilé à une autre entité. Par contre, il exclut de cette catégorie des personnes qui ont la possibilité d’entreprendre des démarches pour acquérir la nationalité du pays où elles résident. La notion de “propre pays” ne jouerait que pour celles rencontrant des difficultés, des obstacles déraisonnables, dus au pays lui-même[39]. L’immigrant qui n’acquiert pas cette nationalité, soit par choix, soit du fait d’actes qu’il a commis et qui le privent de la possibilité de l’acquérir, ne peut considérer le pays d’immigration comme son propre pays.

 

Il est à noter que cette solution n’a pas été partagée par tous les membres du Comité[40]. Ces derniers estiment que le Comité a une conception trop étroite de l’article 12, paragraphe 4. L’opinion de M. Prafullachandra rejoint celle du juge Morinella et d’autres : “je ne vois pas de raison acceptable d’exclure ainsi certaines catégories de personnes, à moins que la majorité ait considéré à l’avance qu’elles ne répondaient pas aux critères fixés, du fait qu’il en irait alors des politiques d’immigration des pays développés”. Le facteur de la résidence permanente ne le satisfait pas, mais il estime que ce facteur combiné à d’autres (liens sociaux, culturels, professionnels…) devrait suffire à déterminer si le pays d’accueil est le “propre pays” de la personne concernée. De même, il considère que la non acquisition de la nationalité, pour quelque raison que ce soit, n’entraîne pas que la notion de “propre pays” soit appliqué à l’immigrant.

 

Ces opinions dissidentes démontrent bien, à l’instar de celle des juges de la Cour européenne des droits de l’Homme, que le débat sur l’intégration est toujours d’actualité.

 

En retenant la référence au terme “ressortissant”, la Convention exclut clairement pareille extension du droit et rejoint la jurisprudence du CDH-ONU. Par “étrangers”, il faut entendre “tous ceux qui n’ont pas un droit actuel de nationalité de l’Etat sans distinguer, ni s’ils sont simplement de passage ou s’ils sont résidents ou domiciliés, ni s’ils sont des réfugiés ou s’ils sont entrés dans le pays de leur plein gré, ni s’ils sont apatrides ou possèdent une autre nationalité”[41]. L’étranger intégré est encore considéré comme ne pouvant être assimilé à un quasi-national parce qu’il n’a pas la nationalité de l’Etat d’accueil.

 

Si la référence à la notion de ressortissant ne peut être retenue en raison de son lien avec la notion de “nationalité”, celle de quasi-national pouvait justifier le maintien de la jurisprudence de la Cour d’avant 1990.

 

Cette référence à la notion de quasi-national semble avoir été le fil conducteur de la jurisprudence de la Cour, au grand dam de certains juges, à l’image du juge Pettiti, qui regrettait, dans l’affaire Beljoudi, cette tendance de la Cour[42].

 

Si la Cour avait confirmé explicitement que la notion de quasi-national, est une catégorie juridique à part entière, et qu’elle a pour conséquence de placer l’étranger intégré sur le même pied que le national, elle aurait contribué à accorder aux étrangers intégrés un statut sécurisant. Et surtout, elle aurait contribué à garantir à l’étranger un droit à ne pas être expulsé.

 

La jurisprudence de la Cour était donc novatrice, d’autant qu’elle s’insérait dans le débat sur l’intégration des étrangers dans les Etats membres.

 

En leur reconnaissant dans un premier temps une protection minimale en cas d’expulsion individuelle (affaires Moustaquim, Beljoudi et Nasri), en acceptant le concept de “quasi-national”, la Cour leur assurait ainsi une sécurité juridique, les protégeant comme le souligne le juge Martens dans l’affaire Beljoudi, d’une part de la “loterie des autorités nationales (administrations et juridictions nationales)”, et d’autre part “de l’embarras de la Cour”.

 

Toutefois, la Cour n’a jamais explicitement introduit la notion de quasi-national ni celle d’immigré de seconde génération dans ses décisions. Elle s’est toujours gardée de glisser sur ce terrain polémique.

 

Aussi, le juge Martens, dans l’affaire Boughanemi, estimait qu’en raison de cette loterie, et par conséquent de l’incertitude juridique pesant sur les étrangers, la Cour devait adopter la thèse prônée par les juges De Meyer, Morenilla, Baka (Boughanemi), Palm (Boulchekia), Foighel (El Boujaïdi du 26 septembre 1997), à savoir que les étrangers intégrés, c’est-à-dire ceux qui ont vécu la totalité ou presque de leur vie dans un Etat, ne doivent pas plus en être expulsés que les nationaux. Ainsi s’appliquerait l’article 3 du protocole 4 de la Convention qui interdit l’expulsion des nationaux.

 

Le recours à cette notion avait le mérite d’éviter de préciser des critères, comme le souhaitait une partie de la doctrine et, de faire taire même partiellement une certaine idée qui veut que l’étranger intégré ne l’est plus s’il commet des infractions[43]. Il aurait donc raté son intégration, de la même manière que lorsqu’il maintient des liens avec son pays d’origine.

 

B • L‘impact de la jurisprudence Baghli et autres

 

Nous tirons deux éléments de réflexion de l’arrêt Baghli et de ceux qui l’ont précédé : la réaction des juridictions internes, et notamment du juge administratif français, et son impact sur le débat sur l’intégration.

 

D’une part, qui ne se souvient pas de l’impact des arrêts Moustaquim et autres sur la jurisprudence administrative française ?

 

Longtemps, le Conseil d’Etat a refusé d’admettre que des étrangers puissent invoquer à leur bénéfice l’article 8, alors qu’ils avaient commis des infractions lourdes. Le poids des infractions l’emportait sur l’effectivité de la vie privée et familiale des individus. A partir de 1991, il entame un revirement en admettant de contrôler des mesures d’éloignement au regard de l’article 8[44].

 

A partir de 1992, on constate que la juridiction administrative se rapproche du standard européen de protection des étrangers délinquants[45]. Le Conseil d’Etat a même, depuis 1994, définitivement étendu la protection de l’article 8. Ainsi, on notera qu’à plusieurs reprises, il a considéré qu’il y avait violation de l’article 8 dans les cas où l’étranger est né en France ou y a vécu depuis sa plus tendre enfance, sans attache avec son pays d’origine, dont la famille réside en France, lorsqu’il est marié ou vit en concubinage avec une française et a des enfants français, à la condition qu’il subvienne aux besoins de sa famille[46].

 

Par contre, il se refuse à accorder une telle protection à un étranger n’ayant pas de communauté de vie, ou ne subvenant pas au besoin de sa famille[47], lorsqu’il est célibataire, même s’il a toujours vécu en France, a perdu toute attache avec son pays d’origine et que sa famille vit en France[48], lorsqu’il est arrivé tardivement en France même avec une vie familiale, s’il est marié, avec un conjoint français et parent d’enfants français[49].

 

Cependant, le Conseil tient compte également du passé pénal de l’individu[50], position relayée par une circulaire du ministre de l’Intérieur[51]. Ainsi, il estimait que le moyen tiré de la violation de l’article 8 était inopérant dans cette situation. Désavouée par la Cour, à l’occasion de l’affaire Beljoudi, sa jurisprudence est désormais en symbiose avec celle de la Cour européenne des droits de l’Homme.

 

D‘autre part, le revirement de la Cour relance de nouveau le débat sur l’intégration, et plus précisément sur les qualités qu’un étranger doit avoir pour être considéré comme intégré.

 

En juridicisant la problématique “étranger”, la Cour avait eu le mérite d’inciter à une réflexion plus profonde.

 

D’abord, la problématique “étranger” avait été perçue comme focalisée sur le regroupement familial. Problématique qui avait pour fondement l’acceptation entière, voire définitive, de l’étranger dans la société nationale[52]. En prenant partie dans cette problématique, la Cour a ainsi démontré que le droit au respect de la vie privée et familiale ne concerne pas seulement le regroupement familial, mais est avant tout un droit de l‘individu face à l’Etat. L’Etat a une compétence personnelle en la matière, mais l’individu a également des droits et a droit à une protection. Mener une vie privée et familiale, c’est également demeurer en famille, conserver cette famille, se maintenir sur le territoire, ou construire cette famille.

 

Ensuite, cette juridictionnalisation a entraîné la problématique sur le terrain des droits fondamentaux, comme rempart à la souveraineté des Etats. Elle a contribué ainsi, comme le souligne M. Labayle[53], à ne plus considérer l’étranger comme un objet utilitaire. L’accès au territoire de “ cet objet ” est soumis au gré des volontés des Etats pour des raisons diverses (les raisons les plus souvent invoquées sont des motifs démographiques et/ou économiques), quitte à s’en débarrasser lorsque l’Etat, ou l’opinion publique, le trouvent envahissant.

 

Enfin, elle a contribué dans les ordres internes de certains Etats à poser le débat sur l’intégration. L’étranger intégré a droit à une vie familiale normale. Ainsi, la reconnaissance d’un principe général du droit à mener une vie privée et familiale n’est pas propre à la Cour.

 

En France, dès 1988, ce principe général a été consacré par le juge administratif[54] : “il résulte des principes généraux droit, et notamment du préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère la Constitution de 1958, que les étrangers résidant régulièrement en France ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale”.

 

Il en est de même pour le Conseil constitutionnel qui a reconnu le droit à une vie familiale normale pour l’étranger “dont la résidence en France est stable et régulière”[55].

 

Mais cette reconnaissance aurait pu être étendu aux étrangers intégrés délinquants et assouplir la législation en la matière : comme le national, non seulement l’étranger a droit à une vie normale dès lors qu’il est établi régulièrement en France et de manière stable, mais aussi, comme le national délinquant, l’étranger intégré délinquant a le droit de bénéficier des mesures tendant à sa réinsertion après avoir commis une infraction dès lors qu’il s’est établi de manière durable dur le territoire français.

 

Deux éléments sont à retenir dans le revirement de la Cour.

 

D’une part, elle adopte une relecture des éléments constitutifs de la vie privée et ou familiale de l’étranger délinquant. Son approche demeure toujours subjective. Il est temps que la Cour se décide à être plus claire sur ce débat.

 

D’autre part, elle détermine une nouvelle approche de la sauvegarde de l’ordre public. Dans ce cas, elle avait le choix entre trois approches : soit au cas par cas en recherchant si l’ingérence se justifie au regard de la clause d’ordre public (art. 8, par. 2), soit en adoptant la notion de quasi-national, soit en retenant les infractions les plus graves (comme le suggérait le juge Martens), à savoir des crimes contre l’Etat, activités terroristes politiques ou religieuses ou le fait d’occuper une position éminente dans une organisation de trafic de drogue. Ici, il est certain que la Cour a refusé de retenir le concept de quasi-national. Par contre, elle semble distinguer entre l’atteinte aux biens et l’atteinte aux personnes, distinction discutable.

 


Débats

 

 

Jean-Paul COSTA

 

Merci Mme Boissard pour cet exposé convaincu, engagé. Je voudrais juste faire remarquer qu’il y a quelques erreurs de dates. Ce n’est pas à partir de 1990 que la jurisprudence de la Cour s’est infléchie, mais à partir de 1996-1997 (après l’affaire Nasri). L’arrêt Berrehab c. Pays-Bas n’est pas de 1985, mais de 1988.

 

Antoine BUCHET

 

C’est vrai qu’il y a un infléchissement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. En revanche, il y a du côté des juridictions internes, et de l’administration française, une prise en compte. C’est d’ailleurs assez paradoxal de voir que le mouvement se fait dans des sens différents puisqu’en France, à la suite du rapport sur la notion de double peine, la Ministre de la Justice, a émis une circulaire dans laquelle on a accordé beaucoup de place à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme non pas pour mettre en évidence cette grande tolérance de la Cour à l’égard des Etats, mais pour expliquer, au contraire, que la Cour exerce un vrai contrôle de proportionnalité et qu’il y a donc une supervision européenne, et donc pour appeler l’attention des magistrats de l’ordre judiciaire sur la nécessité de prendre en compte cette jurisprudence dans leurs décisions et pour les motiver au regard des exigences de l’article 8.

 

C’est effectivement paradoxal de voir une évolution de la jurisprudence européenne vers plus de tolérance à l’égard des Etats, et, en revanche, des Etats, en tout cas du côté de la France, plus enclins à intégrer dans les pratiques judiciaires et administratives la jurisprudence européenne.

 

Jean-Paul COSTA

 

J’ajoute que beaucoup de ces affaires concernent la France, mais curieusement aucune de ces affaires depuis de nombreuses années ne sont des affaires de grande chambre. Je pense qu’un jour ou l’autre, la grande chambre sera amenée à préciser la jurisprudence car il ne s’agit pas de renversement de jurisprudence, mais il y a vraiment eu une inflexion à partir des années 1996-1997, et peut-être qu’à l’avenir la nouvelle Cour aura l’occasion de préciser sa jurisprudence.

 

Paul TAVERNIER

 

Je voudrais remercier les deux derniers intervenants. A partir d’arrêts qui n’étaient pas au premier abord très passionnants puisqu’ils n’apportaient pas d’éléments nouveaux, Me Clément a su nous intéresser en montrant les extensions de ce contentieux sur le sida.

 

Le débat soulevé par Béatrice Boissard me paraît vraiment fondamental. Grâce à l’opinion dissidente commune des juges Costa et Tulkens, je suis plus optimiste que vous, car je pense que la question n’est pas réglée définitivement. Ce qui me paraît intéressant, c’est de noter que les deux juges qui ont présenté une opinion dissidente sont les juges français et belge, deux pays où le problème se pose de la manière la plus aiguë. Dans l’avenir, les choses peuvent évoluer.

 

J’ai été également très intéressé par votre référence à la jurisprudence du Comité des droits de l’Homme, même si bien sûr elle ne va pas dans le même sens que nous, mais effectivement il ne faut pas oublier cette “ jurisprudence ”, parce que ce n’est pas une juridiction, mais c’est quand même un organe qui statue et a un rôle intéressant à jouer et que, finalement, les droits de l’Homme ne sont pas limités à un continent, ils sont universels, avec une inspiration commune, la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Je suis heureux que ce débat ait pu avoir lieu, même s’il a été un peu raccourci par des impératifs de temps.


 


[1] CEDH, Abdulaziz, Cabales et Balkandali, 28 mai 1985, Série. A. 94.

[2] CEDH, Berrehab, 21 juin 1988, Série A. 138.

[3] CEDH, Abdulaziz et autres, préc., par. 67.

[4] Com., DR, 16 octobre 1986, Lukka c. Royaume-Uni, D et R, 50, p. 268.

[5] Pour exemples  : déc. Comm, req. n° 2245/93, Sebouai c. France, 12 octobre 1994 – mesure d’interdiction définitive prononcée à l’encontre d’un ressortissant tunisien né en 1955, arrivé en France à l’âge de 16 ans, célibataire et sans enfant, condamné pour trafic de stupéfiants à 30 mois d’emprisonnement  ; déc. Comm n° 25913/94, Naceur c. France, 12 avril 1996 – expulsion d’un ressortissant algérien, né en France en 1962 où il a toujours vécu et dont les parents et les sept frères et sœurs vivent également en France, marié depuis 1988 à une ressortissante algérienne résidant légalement en France, ayant trois enfants ayant la double nationalité française et algérienne….

[6] CEDH, Moustaquim c. Belgique, 8 février 1991, Série A. 193.

[7] CEDH, Beljoudi c. France, 26 mars 1992, Série A. 234 A.

[8]CEDH, Nasri c. France, 13 juillet 1995, Série A. 320 B.

[9] CIJ, 6 avril 1955, Notteböhm, Rec. 1955, p. 23.

[10] Opinion dissidente sous Beljoudi c. France du 26 mars 1992.

[11] La mesure d’éloignement est une mesure de prévention et de répression. Toutefois, la qualification juridique peut en être discutée. Mesure de police ou sanction  ?

[12] Point 77 de l’arrêt Beljoudi.

[13] M. Moustaquim a été plusieurs fois condamné à être incarcéré – l’incarcération la plus longue a duré dix-huit mois, et lors des périodes de liberté, il n’a pas hésité à  commettre de nouvelles infractions. Quant à M. Beljoudi, il commet également des infractions suivies de peines privatives de liberté, soit sept ans, dix mois et deux semaines d’emprisonnement. Enfin M. Nasri cumule plus de sept ans d’emprisonnement à la suite de différentes infractions.

[14] Cf. pour exemples les opinions dissidentes des juges Bindscheldler-Robert et Valticos sous Moustaquim c. Belgique “ il ne s’agissait pas d’une simple délinquance occasionnelle et mineure, de “’petits chapardages’, mais d’une action systématique de bandes organisées, et même motorisées, dont il aurait été un des meneurs”.

[15] Cf. dans le sens contraire l’opinion dissidente des juges Bindscheldler-Robert et Valticos.

[16] Cette solution de la Cour pose d’ailleurs le vaste problème du préjudice par ricochet.

[17] Point 39. “ Le délégué de la Commission (…) que celui-ci n’aurait jamais bénéficié de l’encadrement psychiatrique que son état requérait, en dépit des nombreuses recommandations des experts consultés par les tribunaux à son sujet ”.

[18] Cf. Keegan du 26 mai 1994, Série A. 2290, Gül c. Suisse du 19 février 1996. De manière générale, la Cour étend sa jurisprudence dégagée en matière du droit au respect de la vie privée et familiale aux étrangers.

[19] Opinion dissidente du juge Morenilla sous Nasri.

[20] On peut noter que le juge Morenilla estime qu’il y a une erreur de qualification  : l’éloignement des étrangers intégrés délinquants ne relève pas de l’article 8 mais de l’article 3 de la CEDH.

[21] C’est nous qui soulignons.

[22] Cf. opinion du juge Pettiti sous Nasri.

[23] CF en ce sens F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, éd. Dalloz, 1994, 117. Voir également les opinions de Bindscheldler-Robert, Valticos, affaire Moustaquim ; Soyer, Weitzel, Busuttil, Marxer, rapport de la Commission, req. n° 22070/93 sur l’affaire Boughanemi.

[24] CEDH, Boughanemi c. France du 24 mars 1996.

[25] CEDH, Bouchelkia c. France du 29 juin 1997.

[26] CEDH, Boujaïdi  c. France du 26 septembre 1997.

[27] CEDH, Dalia c. France du 19 février 1998.

[28] “ Toutefois, il n’affirme pas avoir de famille au Maroc, il ne prétend ni ignorer l’arabe ni ne jamais être retourné dans ce pays avant l’exécution de la mesure litigieuse d’interdiction du territoire. Il semble aussi qu’il n’a jamais manifesté la volonté de devenir français. Ainsi, même si l’essentiel de ses attaches familiales et sociales se trouve en France, il n’est pas avéré que le requérant a perdu avec son pays d’origine tous liens autres que la nationalité ”, par. 41.

[29] “Les 19 années passées en Algérie, le maintien de relations familiales, sociales et scolaires ainsi que sa connaissance de la langue suffisent à démontrer que l’ingérence n’est pas aussi forte que celle provoquée par l’expulsion des requérants nés ou venus en France en bas âge ”, par. 53.

[30] CEDH, Niemetz du 16 décembre 1992, Série A. 221, par. 29.

[31] A la différence de M. Baghli, Mlle Dalia avait rejoint sa famille à l’âge de 17 ou 18 ans dans le cadre d’un regroupement familial. Mère d’un enfant de nationalité française, s’apprêtant à déposer une demande de carte de résidant, elle est arrêtée pour trafic de drogue. Le fait d’avoir passé 19 ans en Algérie, de connaître la langue et d’entretenir des liens sociaux et scolaires sont des éléments défavorables à la requérante.

[32] Cf. pour exemple l’affaire Boughanemi, “ la gravité de cette dernière infraction (proxénétisme aggravé) et les antécédents pèsent lourd dans la balance ”. On remarquera que le fait que le requérant coupe tout lien avec le milieu délinquant ne suffit pas non plus, cf. Dalia, préc.

[33] Mais cela risque d’être plus gênant si la Cour estime, comme le suggèrent certains juges (Alkema, Soyer et Arabajiev) que la situation personnelle du requérant, malade ou handicapé, ne constitue pas des circonstances exceptionnelles. Com. Req. n° 34374/97, Mohamed Baghli c. France du 4 mars 1998.

[34] VELU et ERGEC, La Convention européenne des droits de l’Homme, p. 322, par. 372, 1990.

[35] Communication n° 538/1993, RUDH 1997, vol. 58, p. 181.

[36] Par. 2.2 de la communication.

[37] Par. 2.2, préc.

[38] Il en est de même pour l’expression “pays de sa résidence permanente”.

[39] Par. 12.5.

[40] Cf. les opinions dissidentes de Messieurs Klein, Francis, Aguilar Urbina, Prado Vallejo, Prafullachandra, de Mesdames Ewat et Chanet et de Mlle Medina Quiroga.

[41] A. DRZEMCZEWSKI, La situation des étrangers au regard de la Convention européenne des droits de l’Homme, Conseil de l’Europe, 1985, p. 12

[42] “ La majorité de la Cour paraît aussi avoir considéré que M. Beljoudi était un quasi-Français (…), opinion dissidente du juge Pettiti sous affaire Beljoudi.

[43] Doit-on dire la même chose du national qui commet des infractions ?

[44] Cf . CE, 25 juillet 1980, Tomasi, Rec. Lebon, p. 820.

[45] Voir CE, 22 mai 1992, req. n° 99475, Larachi.

[46] Pour exemples : CE, 10 juin 1994, req. n° 127961, Benamar  ; CE, 4 novembre 1994, req. n° 149765,  Hadji.

[47] CE, req. n° 150501, Dahmane.

[48] CE, 18 février 1994, req. n° 134269, Boujlifa.

[49] CE, 16 décembre 1994, req.  n° 153852, Ajarray.

[50] Pour exemple, CE, 18 janvier 1991, Beljoudi, Rec. Lebon, p.18, concl. Abraham ; CE Ass., 19 avril 1991, Belgacem et Babas, Rec. Lebon, p.152.

[51] Circulaire du 25 octobre 1991 reproduite dans RFDA, 1992-2, p. 257 : les mesures d’éloignement des étrangers doivent être précédées d’un examen d’ensemble du comportement (c’est nous qui soulignons) et de la situation individuelle et familiale de l’intéressé.

[52] H. LABAYLE, “Le droit de l’étranger à mener une vie familiale normale, lecture nationale et exigences européennes”, RFDA, 9 (3), mai-juin 1993, pp 511-540.

[53] Préc.

[54] CE, Ass, 1er avril 1988, Bereciartua, Echarri, Rec. Lebon, p.135.

[55] Cf.  DC 97-389 du 22 avril 1997 : loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration ; DC 98-399 du 5 mai 1998 : loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France.

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