Le respect de la vie privée et
familiale
L'éloignement des étrangers :
interdiction définitive du
territoire français
(arrêts Ezzouhdi et Abdouni des
13 et 27 février 2001)
par
Brigitte JARREAU
Sous-direction des droits de
l’Homme à la Direction des affaires juridiques du ministère des Affaires
étrangères
"Double peine" : c'est ainsi que
les adversaires de l'interdiction du territoire français dénoncent la sanction
complémentaire, introduite dans la législation française par la loi du 31
décembre 1970, pour certaines infractions à la législation sur les stupéfiants.
Le nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994 a considérablement
allongé la liste des infractions pour lesquelles elle peut être prononcée. Elles
sont aujourd'hui au nombre de 200 environ.
Double peine, parce que cette
interdiction, dans certains cas définitive, s'ajoute à une peine
d'emprisonnement. Mais elle peut, en matière délictuelle, être prononcée à titre
principal.
Cette possibilité donnée au juge
pénal d'éloigner l'étranger reconnu coupable d'une infraction pénale n'est pas
propre à la France : l'Italie, la Suède et la Suisse par exemple ont adopté des
législations similaires.
D'après la Chancellerie, près de
15 000 ITF (interdictions du territoire français) ont été prononcées en 1995. 6
500 seulement en 2000.
L'actualité récente l'a montré :
c'est quand cette interdiction s'applique à des étrangers dits de seconde
génération qu'elle est critiquée. Ses détracteurs dénoncent dans ce cas une
violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme
consacrant le droit au respect de la vie privée et familiale.
La Cour européenne des droits de
l'Homme a rendu en 2001 deux arrêts qui viennent nourrir le débat : l'un le 13
février dans l'affaire Ezzouhdi (req. n° 47160/99), l'autre le 27
février dans l'affaire Abdouni (req. n° 37838/97), tous deux sur
des requêtes dirigées contre la France.
Le premier arrêt reconnaît à
l'unanimité l'existence d'une violation de l'article 8. Il précise les critères
d'appréciation que le juge pénal doit retenir lorsqu'il a à connaître de la
situation de célibataires de deuxième génération. Le second décide une radiation
du rôle, le litige étant résolu. Il permet de conclure que les mesures
d'interdiction prononcées par le juge judiciaire peuvent être efficacement
paralysées par le juge administratif, dans l'hypothèse où celles-ci seraient
contraires à l'article 8.
1. M. Ezzouhdi est marocain. Il
est né en 1970. Il vit en France depuis l'âge de cinq ans. Il y a effectué toute
sa scolarité. Il a quitté le collège à l'âge de 16 ans. Sa mère, ses deux frères
et ses deux soeurs vivent en France. Son père est décédé en 1995.
Entre 1993 et 1997, il a fait
l'objet de trois condamnations pénales, dont l'une pour détention, acquisition
et usage de stupéfiants, plus précisément de résine de cannabis.
En 1997, il a été condamné par
le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse à dix-huit mois de prison et à une
interdiction définitive du territoire pour acquisition et consommation
d'héroïne, cocaïne et haschisch. La Cour d'appel a confirmé l'ITF tout en
portant à deux ans la peine de prison. Après rejet d'un pourvoi en cassation, M.
Ezzouhdi a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme.
Une décision sur la recevabilité
a été rendue le 12 septembre 2000. Le Gouvernement avait soulevé une exception
d'irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes : la Cour
de cassation avait rejeté le pourvoi faute pour celui-ci d'être assorti de moyen
de cassation. Cependant, devant la Cour européenne des droits de l'Homme, le
requérant a fait valoir qu'il avait présenté une demande d'aide
juridictionnelle invoquant l'article 8 et qu' aucune suite n'avait été donnée à
cette demande. La Cour européenne a considéré que l'on ne pouvait donc reprocher
à M. Ezzouhdi de ne pas avoir présenté de moyen au soutien de son pourvoi.
La Cour a écarté une autre fin
de non-recevoir, toujours tirée du non épuisement des voies de recours internes
: elle a considéré que le requérant n'avait pas à introduire au préalable une
procédure en relèvement de la mesure d'interdiction.
2. L'arrêt sur le fond a été
rendu le 13 février 2001. La Cour s'est prononcée successivement par rapport aux
deux alinéas de l'article 8.
Tout d'abord, le requérant
peut-il se prévaloir en France d'une vie privée et familiale à laquelle il
aurait été porté atteinte par la mesure d'interdiction ? La Cour apporte, sans
surprise, une réponse positive à cette question en rappelant la date d'arrivée
en France de M. Ezzouhdi, l'âge qu'il avait alors, le fait qu'il y a été
scolarisé et qu'il y travaille.
En réalité, à ce stade, la seule
question posée par le gouvernement à la Cour portait sur l'existence d'une
atteinte à la vie privée et familiale du requérant ou seulement d'une atteinte à
sa vie privée. Autrement dit, un célibataire sans enfant a-t-il une vie
familiale au sens de l'article 8 alinéa 1er ? La Cour a considéré que ses liens
familiaux avec sa mère et ses frères et soeurs, qui résident tous en France,
suffisent à caractériser une vie familiale.
La Cour passe alors à l'examen
de l'interdiction par rapport aux trois conditions posées par le second alinéa
de l'article 8. L'interdiction du territoire est bien prévue par la loi, les
articles 131-30 et 222-34 à 39 du code pénal. Elle poursuit un but légitime, la
défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales et la protection de la
santé. M. Ezzouhdi ne le contestait pas.
Troisième condition :
l'interdiction du territoire était-elle nécessaire dans une société démocratique
?
La Cour rappelle tout d'abord
que les Etats ont le droit de contrôler l'entrée et le séjour des nationaux. Ils
ont donc la faculté d'expulser les délinquants. Cette absence d'opposition de
principe aux mesures d'éloignement du territoire a maintes fois été rappelée par
la Cour. Elle ne fait pourtant pas l'unanimité parmi les juges s'agissant des
étrangers de deuxième génération (voir opinions dissidentes de Mme Palm dans
l'affaire Boulchekia ou de M. Costa et de Mme Tulkens dans l'affaire
Baghli).
La Cour se livre ensuite à un
contrôle de proportionnalité : la mesure a-t-elle respecté un juste équilibre
entre les intérêts en présence, à savoir, d'une part, le droit du requérant au
respect de sa vie privée et familiale et, d'autre part, la protection de l'ordre
public, la prévention des infractions pénales et la protection de la santé ?
La Cour rappelle encore une fois
l'âge d'arrivée en France de M. Ezzouhdi, son éducation dans notre pays, la
présence des membres de sa famille. Si elle admet que des liens étroits avec ses
frères et soeurs ne sont pas démontrés pas davantage que des liens excédant les
liens affectifs normaux avec sa mère, elle n'en tire aucune conséquence.
Autre élément en faveur de M.
Ezzouhdi : l'absence de lien autre que celui de la nationalité avec son pays
natal. Il n'a vécu au Maroc que dans sa prime jeunesse. Il prétend ne pas parler
arabe. Le gouvernement n'apporte pas la preuve de liens autres avec ce pays.
La Cour affirme ensuite de la
façon la plus claire qui soit qu'un élément essentiel pour l'évaluation de la
proportionnalité de la mesure d'expulsion est la gravité des infractions
commises. Remarquons qu'il eut été préférable qu'elle parle d'interdiction du
territoire et non d'expulsion puisque dans notre droit interne l'expulsion est
une mesure qui obéit à un régime juridique différent.
La Cour minimise la portée de
ces infractions. Elle relève que M. Ezzouhdi a été condamné pour des faits
d'usage et de consommation de drogues. Pour elle, ces faits ne caractérisent pas
une menace grave à l'ordre public. Elle se réfère à la légèreté de la peine
malgré le constat de l'état de récidive. Elle fait la même analyse pour les
trois peines antérieures.
La Cour en conclut qu'il n'y a
pas proportionnalité entre les infractions commises et l'ingérence dans sa vie
privée et faliliale. Dans une dernière phrase, la Cour ajoute que "le caractère
définitif de l'interdiction apparaît comme particulièrement rigoureux". Une
interdiction temporaire aurait-elle été admise ? C'est peut-être suggéré.
3. Cela faisait plus de trois
ans que la Cour européenne des droits de l'Homme n'avait pas retenu de violation
de l'article 8 à propos d'une mesure d'éloignement du territoire. Dès lors, cet
arrêt marque-t-il une évolution de la jurisprudence de la Cour en faveur des
requérants, un assouplissement donc, ou s'agit-il d'une décision cohérente avec
les précédentes, en sens contraire certes, mais uniquement parce que les faits
de l'espèce l'exigeaient ?
Nous optons plutôt pour la
seconde solution.
Premier apport de cet arrêt : la
doctrine et certains juges de la Cour dans leurs opinions dissidentes,
s'interrogeaient sur la place du droit au respect de la vie privée par rapport à
celle du droit à la vie familiale. Y a-t-il fusion des deux ou la vie familiale
n'est-elle qu'une composante de la vie privée ? (cf. Céline Van Muylder, "Le
droit au respect de la vie privée des étrangers", Revue française de droit
administratif, juillet-août 2001, p. 797) L'arrêt Ezzouhdi confirme
la formulation de l'arrêt Baghli du 30 novembre 1999 sans
véritablement trancher la question. Pour la Cour, le fait même que les parents
et les frères et soeurs d'un célibataire résident en France semble suffire à
caractériser une vie familiale. Peu importe à ce stade du raisonnement
l'intensité des relations entre les personnes.
Le second apport est le plus
important : il concerne évidemment le contrôle de proportionnalité opéré par la
Cour.
Jusqu'à l'arrêt Ezzouhdi,
beaucoup de commentateurs distinguaient deux périodes dans la jurisprudence de
la Cour. Une première période inaugurée par l'arrêt Moustaquim c/Belgique
du 18 février 1991, premier arrêt retenant une violation de l'article 8 en
matière d'éloignement d'étrangers, arrêt suivi par les arrêts Beldjoudi
c/France du 26 février 1992 et Nasri du 21 juin 1995 dans le même
sens. La Cour a alors été considérée comme particulièrement bienveillante en ce
qui concerne les immigrés de deuxième génération.
Une seconde période aurait
débuté en 1996 avec l'arrêt Boughanemi c/France du 27 mars 1996
excluant toute violation de l'article 8, arrêt suivi des arrêts ou décisions sur
la recevabilité Chorfi c/Belgique du 7 août 1996, Boulchekia du 29
janvier 1997, El Boujaïdi du 26 septembre 1997, Boujlifa du 21
octobre suivant, Dalia du 19 février 1998, Benrachid du 8 décembre
1998, Djaïd du 9 mars 1999, Baghli déjà cité, Farah c/Suède
du 24 août 1999, Özturk c/Norvège du 21 mars 2000, tous dans le même
sens. Les commentateurs en ont déduit un durcissement de la Cour.
Présentation simplificatrice
puisqu'elle fait abstraction de l'arrêt Mehemi du 26 septembre
1997 retenant une violation de l'article 8 rendu sur une requête présentée par
un étranger né en France, marié et père de trois enfants, condamné à six ans de
prison et à une interdiction définitive du territoire pour trafic de haschisch.
De haschisch "seulement" pourrait-on dire : la Cour a fait à l'évidence une
distinction entre le cannabis et le haschisch d'une part, l'héroïne d'autre
part, substance en cause dans les affaires El Boujaïdi,
Dalia, Djaïd Baghli, Farah et Özturk.
Dans l'affaire Ezzouhdi,
la Cour avait pour la première fois semble-t-il à se prononcer sur un cas de
"simple" usage et consommation de drogue, de haschisch mais aussi d'héroïne.
Contrairement aux précédentes affaires que nous avons citées, la Cour a
considéré qu'aucun commerce n'était reproché à M. Ezzouhdi. Cet élément a
certainement pesé très lourd dans la balance. Pourtant, la Cour d'appel avait
clairement évoqué un trafic de stupéfiants. Mais il est vrai qu'elle n'avait pas
affirmé que M. Ezzoudhi avait cédé de la drogue à titre onéreux. Il avait
participé à un voyage à Rotterdam au cours duquel il avait acheté des produits
pour sa consommation personnelle. Il les avait cachés dans le véhicule. Il en
avait donné une partie à des amis.
La Cour considère que
l'infraction commise ne laisse pas craindre à l'avenir un danger pour l'ordre et
la sûreté publics. Cet élément d'appréciation n'est pas clairement énoncé dans
l'arrêt Ezzouhdi lui-même mais c'est ainsi que la Cour interprète sa
décision dans un autre arrêt, l'arrêt Boultif c/Suisse du 2 août
2001 (§ 51).
Les autres éléments relevés par
la Cour appellent moins de commentaires : il s'agit de l'âge d'entrée en France,
de l'éducation reçue dans notre pays, d'une activité salariée, de la présence en
France des membres de la famille, de l'absence de lien autre que la nationalité
avec le pays d'origine. Ces critères sont analysés de la même façon qu'ils
l'avaient été dans les précédentes affaires.
En conclusion, cet arrêt
Ezzouhdi permet de mieux cerner la jurisprudence de la Cour en la matière,
considérée comme sévère ces dernières années dès qu'une infraction à la
législation sur les stupéfiants était en cause. Quel que soit le produit
stupéfiant, l'éloignement du territoire d'un célibataire ne peut intervenir que
s'il y a cession à titre onéreux.
Il est intéressant de rapprocher
cet arrêt d'un autre rendu par la Cour en 2001, l'arrêt Boultif
c/Suisse du 2 août. Cet arrêt concerne le cas, différent certes, d'un
algérien à qui le renouvellement de son titre de séjour avait été refusé en
raison d'une condamnation à 2 ans de prison pour vol alors qu'il est marié à une
ressortissante suisse et père de trois enfants. Là encore, c'est à l'unanimité
que la Cour a considéré qu'il y avait violation de l'article 8 dans la mesure où
il lui est pratiquement impossible de mener une vie familiale normale dans un
autre pays. La Cour a rendu un arrêt qui s'apparente à un arrêt de principe sur
l'éloignement des étrangers mariés et pères ou mères de famille en énumérant les
critères d'appréciation en pareil cas .
C'est donc un tableau plus
complet et plus nuancé de la jurisprudence de la Cour qu'il est aujourd'hui
possible de faire, grâce à ces deux arrêts.
4. Le second arrêt appelle moins
de commentaires. Il touche aux rapports entre le juge pénal et le juge
administratif en matière d'ITF.
M. Abdouni est algérien. Il est
entré en France à l'âge de six mois. Il y a effectué toute sa scolarité. Il a eu
deux filles avec une ressortissante portugaise avant de se marier avec elle.
Mais en 1996, il a été condamné à trente mois de prison et à une ITF de cinq ans
pour trafic d'héroïne. M. Abdouni a saisi la Cour européenne des droits de
l'Homme en se plaignant d'une violation de l'article 8.
En cours d'instance le préfet,
en application de l'ITF, a pris un arrêté fixant l'Algérie comme pays de
destination. Cette décision a toutefois été annulée en 2000 par le Tribunal
administratif d'Orléans. Le tribunal a considéré que cette mesure était
contraire à l'article 8. Il a pris en considération la situation de l'épouse de
M. Abdouni et de ses enfants, celle de l'Algérie et de la difficulté de mener
une vie familiale normale pour des étrangers sans lien avec ce pays. Le ministre
de l'intérieur n'a pas interjeté appel.
Le Gouvernement a alors soutenu
devant la Cour que M. Abdouni ne pouvait plus se prétendre victime d'une
violation de l'article 8. La Cour européenne des droits de l'Homme a préféré se
situer sur le terrain de l'article 37 de la Convention et dire que le litige
était résolu.
La Cour a eu une vision très
pragmatique de l'affaire. Elle s'est prononcée trois ans et demi après la date à
laquelle l'ITF de cinq ans est devenue définitive. Elle commence donc par
relever qu'aucune mesure d'éloignement n'a été prise. Mais surtout elle
reconnaît que l'annulation par le Tribunal administratif prive l'ITF de tout
effet juridique, que l'interdiction ne peut pas être mise en oeuvre, ni vers
l'Algérie ni vers un autre pays. La Cour souligne que si une nouvelle décision
de désignation du pays de destination était prise, elle se heurterait à
l'autorité de la chose jugée dans l'hypothèse où le pays désigné serait
l'Algérie ou tout autre pays avec lesquels la famille est sans lien. Elle ajoute
que le requérant disposerait en ce cas du recours ouvert devant les juridictions
administratives et de l'ensemble des garanties dont il s'accompagne.
Pour la Cour, le litige est donc
résolu au sens de l'article 37 § 1 b). Aussi a-t-elle décidé de rayer l'affaire
du rôle.
5. La Cour ne s'est pas
prononcée sur le point de savoir si l'ITF violait ou non l'article 8. La réponse
était loin d'être évidente. Bien qu'il s'agisse d'héroïne, le requérant aurait
pu nourrir quelques espoirs après l'arrêt Boultif. La Cour a
seulement reconnu que le juge administratif avait efficacement paralysé
l'exécution de la sanction prononcée par le juge judiciaire, en annulant la
décision fixant le pays de destination.
Rappelons que lorsqu'une ITF est
prononcée, le préfet est dans une situation de compétence liée pour reconduire
l'étranger à la frontière. Il n'a pas besoin de prendre un arrêté de reconduite.
Seule la décision administrative fixant le pays de renvoi est susceptible de
recours (CE, avis 26 mai 1995, Stein, p. 716). C'est dans ce cadre que le
Tribunal administratif d'Orléans a eu à se prononcer. Il a implicitement
considéré que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Convention est
opérant à l'encontre d'un arrêté fixant le pays de destination. L'article 27 bis
dernier alinéa de l'ordonnance de 1945 fixant les conditions de fond d'une
décision fixant le pays de destination ne se réfère qu'à l'article 3 de la
Convention. Aussi est-il rare qu'une telle décision soit annulée sur le
fondement de l'article 8 (cf. cependant CE, 31 mai 2000, Préfet de la Sarthe
c/Ivanov, req. n° 209112).
Le gouvernement avait indiqué à
la Cour que si le requérant présentait une demande de titre de séjour cette
demande ne pourrait qu'être satisfaite, en application de la jurisprudence du
Conseil d'Etat Mert du 21 décembre 1994. La Cour a entièrement fait droit
à cette thèse. Au grand dam du requérant qui a demandé le renvoi de l'affaire
devant la grande chambre. Cette demande n'a pas été acceptée.
Certes, l'administration est
tenue, lorsqu'elle y est invitée, d'assurer l'exécution des jugements
judiciaires. Le Conseil constitutionnel a rappelé que cette règle est le
corollaire du principe de la séparation des pouvoirs (Cons. const., 29 juillet
1998, décision n° 98-403 DC, Rec., p. 276). Mais l'annulation par le juge
administratif d'une mesure d'exécution prise spontanément peut conduire à ne pas
exécuter un jugement judiciaire. C'est ce que l'on constate ici.
Cet arrêt de la Cour incite en
réalité les préfets à réexaminer, après le juge judiciaire, la situation des
étrangers faisant l'objet d'une ITF au regard de l'article 8. Mais la Cour ne se
contente pas de l'inexécution par l'administration de la décision judiciaire.
C'est l'intervention du juge administratif qui exclut toute violation de
l'article 8.
En 2001, la Cour européenne des
droits de l'Homme a donc eu l'occasion de compléter utilement sa jurisprudence
en matière d'éloignement du territoire tout en restant cohérente avec celle-ci.
Elle a également indiqué la façon dont un Etat peut remédier à des décisions
judiciaires internes discutables au regard de l'article 8. Autant d'éléments
d'analyse précieux pour les juridictions et les administrations dans leurs
décisions à venir. Toujours est-il que la Cour n'a pas remis fondamentalement en
question le principe dit de la double peine.
M. Paul
Tavernier
Merci, Mme Jarreau de votre
exposé très précis et très percutant qui mériterait de longs débats. Finalement
la Cour n’a pas réglé la question de la double peine et on en reparlera sans
doute ici ou ailleurs. Mais, il était important d’aborder cette question qui a
été remise sur le tapis, comme vous l’avez dit, à la suite de l’opinion de Mme Tulkens
commune avec le juge Costa.
Je vais donner immédiatement la
parole à Mme Anne Debet qui est Maître de Conférences à l’université de Paris II,
et qui connaît bien les problèmes de l’application du droit civil par les
juridictions françaises puisque c’est le sujet de sa thèse. Elle va nous
présenter une affaire qui intéresse directement la Faculté de droit de Sceaux
puisque les faits se passent dans un hôpital situé juste à côté, et c’est la
gendarmerie de Sceaux qui a été saisie de l’affaire.
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