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Islam et Droits de l'Homme

Islam et Droits de l'Homme

 

AKASHA (Izeldien Khalil), “The Rights of Women and International Law in the Muslim World”, Acta Juridica Hungarica, vol.36, n°1-2, 1994, pp. 55-78.

 

Une laïcité totale est inconcevable pour la majorité des musulmans qui pensent qu’ils ont l’obligation de se conformer, dans la vie privée comme dans la vie publique, aux principes du Coran et de la Sunna. Toutefois, le respect des lois religieuses ne signifie pas que l’on doive appliquer la Chariaâ telle qu’elle a été historiquement formulée. Il convient de rappeler que la Chariaâ a eu un indéniable impact positif en ce qui concerne les droits de la femme (personnalité juridique, droit de propriété, accès à l’éducation et une certaine participation dans la vie publique), au moins comparable à n’importe quel autre système juridique jusqu’au siècle dernier.

 

Durant ce que l’on peut appeler l’ère libérale (fin du XIXème siècle et première moitié du XXème siècle), les musulmans ont beaucoup emprunté à l’Occident en matière d’égalité et d’émancipation de la femme. Cependant, les progrès réalisés dans les domaines de l’accès égal à l’éducation, l’emploi et la vie publique demeurent confinés aux centres urbains. Les droits et conditions de vie des femmes nomades et rurales, la grande majorité des musulmanes, continuent à n’être définis que par les normes traditionnelles, dont la Chariaâ. Par ailleurs, la résurgence du “ fondamentalisme islamique ” (en Iran, au Pakistan, au Soudan) tend à rétablir la Chariaâ comme seule source de droit régissant tant la sphère publique que la sphère privée.

 

L’Islam étant une force politico-culturelle trop puissante pour l’abandonner aux seuls fondamentalistes, l’auteur propose de réformer la Chariaâ afin de fournir un fondement islamique aux droits de la femme. L’auteur ne fournit pas de recette, laissant le soin aux musulmans de trouver, par un débat interne, les techniques les plus appropriées pour réformer la Chariaâ sans que cette réforme n’apparaisse comme une approche étrangère et laïque, il se contente d’indiquer quels sont les textes de droit international à évoquer en cette matière. Il rappelle que le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par onze États musulmans, et le Pacte international sur les droits sociaux, économiques et culturels (PIDSEC), ratifié par douze États musulmans, incorporent, chacun en leur article 3, le principe fondamental de non-discrimination en raison du sexe. Les droits énoncés dans le PIDSEC s’avèrent particulièrement pertinents pour la condition féminine (articles 6 & 7, 10 et 18 à 21). De même, les articles 7, 8, 14, 23, 25 et 26 PIDCP sont autant de dispositions dont peuvent se prévaloir les femmes musulmanes et ce, d’autant plus que ce Pacte met en oeuvre un processus de surveillance et de contrôle, via le comité des droits de l’Homme, qui peut notamment recevoir des pétitions individuelles de ressortissants d’États parties au Protocole additionnel (ratifié par 34 États). En outre plusieurs conventions internationales adoptées sous les auspices de l’Organisation internationale du travail ou de l’UNESCO viennent compléter la protection des droits des femmes.

 

Enfin, la Convention de 1979 sur l’élimination de toute forme de discrimination envers les femmes est évidemment un instrument particulièrement pertinent. Ce texte a été ratifié par le Bangladesh, l’Égypte, l’Iran, le Sénégal, la Tunisie, la Turquie et la République démocratique populaire du Yémen, mais, à l’exception du Yémen, tous ces États ont fait de substantielles réserves notamment sur l’article 2 considéré comme acceptable pour autant qu’il ne contredit pas la Chariaâ par l’Égypte, mais que d’autres États ont déclaré clairement contraire à la Chariaâ et ne les liant donc pas. L’article 9 est refusé par la plupart de ces États car si les hommes peuvent épouser des non-musulmanes, tel n’est pas le cas des femmes. L’article 16 relatif au mariage a fait l’objet de réserves bangladaishis, égyptiennes, jordaniennes (la Jordanie a signé la Convention mais ne l’a pas ratifiée) et tunisiennes. Le Mexique, la République fédérale d’Allemagne et la Suède ont objecté à ces réserves qu’ils considèrent comme incompatibles avec l’objet du traité. En réaction, en 1987, le Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination contre les femmes a décidé  d’entreprendre des études sur le statut de la femme d’après les droits et coutumes islamiques.

 

Ph. G.

 

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BENNOUNE (Karima),  “Between Betrayal and Betrayal:  Fundamentalism, Family Law and Feminist Struggle in Algeria”, Arab Studies Quarterly, vol.17,n°1 & 2, 1995, pp. 51-76.

 

Les femmes algériennes ont été constamment prises entre deux types d’oppression :  colonialisme et patriarcat autochtone, impérialisme culturel occidental et “ tradition ”, néo-libéralisme et fondamentalisme islamique (terme que l’auteur préfère à “ islamisme ” qui implique que le courant fondamentaliste serait particulier à l’Islam et non une variante d’autres fondamentalismes religieux ou qu’il contiendrait l’essence de la religion islamique, ce que l’auteur refuse). La promulgation de la loi du 11 juin 1984 portant Code de la famille par le gouvernement de Chadli Benjedid a été ressentie comme une trahison par de nombreuses anciennes combattantes qui écrivirent à leur ministre de tutelle qu’elles n’avaient pas fait la guerre de libération nationale pour un texte traduisant l’influence accrue de l’aile droite (sic) du FLN alliée aux fondamentalistes. En effet, le Code stipule que la Chariaâ est la source d’interprétation devant s’imposer dans les matières non spécifiquement prévues par lui. Ce Code a pour effet de maintenir à vie les femmes dans un état de mineur. L’article 11 dispose que le mariage est un contrat entre deux hommes : le futur époux et le tuteur de la future épouse (la plupart du temps son père, mais dans le cas d’une veuve se remariant, il peut s’agir de son frère). Si l’article 9 nécessite le consentement de l’épouse pour que le mariage soit valide, l’article 10 précise que ce consentement peut être exprimé par n’importe quel signe. Ainsi, comme le suggère Mme Marie-Aimée Helie-Lucas, les pleurs d’une jeune fille suscités par la peur le jour de son mariage peuvent être interprétés comme un signe de joie et donc de consentement. Si l’article 12 donne à la femme le droit d’épouser qui elle veut, son père ou son tuteur peut s’opposer à un mariage qui serait contraire aux intérêts de celle-ci, ouvrant ainsi la porte à tous les abus. L’article 31 reprend l’interdiction traditionnelle faite aux musulmanes d’épouser un non-musulman et l’article 8 légalise la possibilité pour un homme d’avoir jusqu’à quatre femmes.

 

D’autres dispositions du Code limitent sévèrement les possibilités ouvertes à une femme d’obtenir le divorce. En fin de compte, le Code de la famille entérine une suprématie masculine traditionnelle. Certaines féministes algériennes (Mmes Fatima Mernissi et Aïcha Lemsine) critiquèrent alors au nom du Coran ce Code qui, en fait, codifie des pratiques misogynes datant de la Jahiliya et que Mme Khalida Messaoudi a qualifié de “ code d’infamie ”, mais qu’en revanche Mme Nadia Hidjab considère comme compromis entre tradition et modernité accordant certains droits aux femmes.

 

Après avoir rappelé les combats des féministes algériennes contre le Code de la famille, l’auteur revient sur les émeutes de 1988, dans lesquelles les médias occidentaux ont vu une lutte pour la “ démocratie ” alors qu’il ne s’agissait que de revendications socio-économiques. Mme Bennoune déplore que le régime algérien ait répondu à ces attentes par des mesures de libération politique qui, bien qu’étant des “ développements positifs dans l’abstrait ”, ne correspondaient pas à la situation et conduisirent le peuple à donner, par frustration, la majorité aux élections municipales de juin 1990 au FIS. Forts de leur victoire, les fondamentalistes s’en prirent à la mixité. Et l’auteur de relater les nombreuses mesures de harcèlement dont ont été victimes les femmes en général et les étudiantes en particulier. Soulignant que des associations féminines avaient appelé au coup de force militaire de janvier 1992 pour faire barrage à la création d’un État fondamentaliste, l’auteur reconnaît toutefois que les forces de sécurité se sont, elles aussi, rendues coupables de nombreuses graves violations des droits de l’Homme. Rendant hommage à la trentaine d’associations féminines qui jouent actuellement un grand rôle contre la violence fondamentaliste, l’auteur conclut que la lutte des féministes continue pour l’édification d’une société moderne en Algérie.

 

Ph. G.

 

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DAOUD (Zakya), “En marge de la Conférence mondiale des femmes de Pékin: la stratégie des féministes maghrébines”, Maghreb-Machrek, n°150, octobre-décembre 1995, pp. 105-119.

 

Cet article rend compte des efforts déployés par les associations maghrébines de défense des droits des femmes regroupées dans le “Collectif 95 Maghreb Égalité” pour faire entendre leurs voix pendant la Conférence mondiale des femmes de Pékin (1995). Ce Collectif a élaboré un programme d’action contenant les principales revendications des organisations de femmes algériennes, marocaines et tunisiennes en vue de la reconnaissance d’une égalité homme-femme non seulement sur le plan juridique mais aussi sur le plan des pratiques sociales. L’accès à la pleine citoyenneté des femmes est “au coeur du choix fondamental entre progrès et régression auquel les sociétés du Maghreb sont confrontées”. Cet accès à la citoyenneté implique la fin du statut discriminatoire (Code de la famille) et du patriarcat. Il est significatif de noter que l’égalité juridique n’a de sens que si elle s’inscrit dans le contexte plus large des garanties de droits de l’Homme et de la démocratie.

 

En dehors du consensus sur les grandes revendications, on sent toutefois percer quelques sujets de désaccord à propos des questions suivantes :

- l’égalité s’obtiendra-t-elle par l’Ijtihad, c’est à dire une relecture critique des textes religieux ou bien par la sécularisation du droit ?

- faut-il amender les textes internes en vue de l’égalité ou bien se situer de but en blanc dans le principe d’universalité qui suppose la primauté des normes internationales dans le système de protection des droits de la personne ?

 

Les revendications des femmes maghrébines sont contenues dans un texte sur “les 100 mesures et dispositions pour une codification maghrébine égalitaire du statut personnel et du droit de la famille” soumis à la Conférence de Pékin et reproduit en  annexe à l’article de Zakya Daoud. C’est un véritable code alternatif de la famille que le Collectif des femmes maghrébines a élaboré à destination de leurs gouvernements en prenant à témoin l’opinion internationale. Pour leurs auteurs ces “100 mesures” doivent définitivement consacrer l’égalité de l’homme et de la femme en droits et en devoirs devant la loi et l’égalité entre époux. Cet article montre qu’en définitive les femmes du Maghreb sont à l’avant garde du mouvement de revendication pour l’égalité qui agite aujourd’hui les sociétés civiles d’un nombre croissant de pays musulmans; Elles représentent par leur courage et leur détermination un potentiel majeur pour la promotion du système universel des droits de l’Homme.

 

A. B.

 

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JEWETT (Jennifer), "The Recommendations of the International Conference on Population and Development : The Possibility of the Empowerment of Women in Egypt", Cornell Journal International, vol.29, n°1, 1996, pp. 191-223.

 

Dans cet article prospectif, l'auteur envisage comment les recommandations de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire de 1994 pourraient être mises en oeuvre en Égypte.  Le Dr Jewett insiste notamment sur la responsabilité parentale égale entre homme et femme, la maîtrise de la fécondité et l’émancipation (empowerement) de la femme qui demeurent actuellement des objectifs encore lointains.

 

L'auteur rappelle le rôle de la femme dans la société islamique et, plus particulièrement ses répercussions en Égypte,  l'influence musulmane sur le droit égyptien et les efforts passés pour imposer l'égalité homme-femme. L'importance de la famille et de la maternité, les pratiques sexuelles imposées, l'institution du voile et l'excision sont dénoncées comme des obstacles à la réalisations des recommandations de la Conférence.

 

Le Dr Jewett conclut que l’Égypte devrait abroger les lois perpétuant une répartition traditionnelle des rôles entre les sexes ou imposant un comportement sexuel.  Toutefois, elle concède que ces changements doivent respecter le droit musulman, sous peine d'être rejetés. C'est pourquoi, elle considère que les associations féminines égyptiennes ont un rôle vital à jouer dans ce processus de réforme, notamment sur le plan de l'éducation.

 

Ph. G.

 

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LTAEIF (Wassila), La liberté de mariage au Maghreb : dimension historique et perspective contemporaine, Thèse pour le Doctorat en droit, soutenue le 20 mars 2004 à la Faculté de Droit de Rouen

 

C’est un thèse volumineuse (843 pages de texte  + glossaire + bibliographie + annexes), mais bien rédigée et enrichie par une bibliographie abondante et précise et des annexes dont certaines totalement inédites (rapports de police sur « l’affaire » Tahar Haddad, à Tunis, en 1930). La thèse aborde une question essentielle au cœur du débat sur le statut de la femme qui agite les sociétés maghrébines, la liberté de mariage. L’approche du sujet n’a pas seulement été comparative mais aussi interdisciplinaire, conjuguant approche historique, sociologique et juridique du mariage au Maghreb.

 

Le droit de chaque pays porte les marques de son histoire et de ses fondements socio-économiques. Aussi, malgré un référent religieux commun, les trois nations veulent affirmer leur particularisme. La situation de la femme tunisienne n’est en effet pas identique à celle de ses consoeurs algériennes et marocaines du fait du modernisme volontariste impulsé par Habib Bourguiba. Ni les souverains marocains, ni les présidents algériens n’ont eu l’audace du Raïs tunisien pour mettre fin à la polygamie et à la répudiation bien que la réforme de la Moudawana au Maroc (2003) et le projet de révision du Code de la famille algérien (2004) aient introduit quelques changements mineurs (âge du mariage, tutelle, restriction de la polygamie et de la répudiation, garde des enfants, etc.). Les « réformettes » à la mode  algérienne ou marocaine traduisent la difficulté à concilier tradition et modernité dans les sociétés arabo-islamiques.

 

La thèse est structurée en trois parties qui portent respectivement sur l’héritage historique islamique et colonial (p. 1-330), sur la mise en place des législations nationales après les indépendances maghrébines (p. 331-634), et sur la confrontation de ces législations nationales au droit international des droits de l’Homme (p. 635-836).

 

L’auteur fait une excellente synthèse historique des fondements religieux du droit de la famille sans oublier d’examiner les traditions matrimoniales berbères. Le mariage tout comme l’héritage et plus généralement le droit familial,  est au coeur de la shari’a, la loi musulmane dont l’application relève du Cadi et non du Prince. Le mariage au Maghreb et à travers lui le statut personnel est étroitement lié à la religion musulmane. C’est au nom de l’Islam que des discriminations en raison du sexe ou de la religion sont maintenues dans le droit du mariage, la Tunisie ne faisant semble-t-il pas exception, en dépit d’avancées notable par rapport à ses voisins.

 

Les deuxième et troisième parties plus juridiques sont consacrées au droit positif des pays maghrébins accordant une place importante à la doctrine au détriment parfois de l’analyse et du débat sur les textes et la jurisprudence. L’analyse des fondements sociaux et politiques, juridiques et historiques du droit du mariage, n’oublie pas de faire une place à l’idéal contemporain des droits de l’Homme abordé plus spécifiquement en troisième partie. Mlle Ltaeif se demande « si l’ouverture aux conventions internationales n’est pas une brèche dans les systèmes juridiques internes pour tempérer un excès de conservatisme ? ». La réponse à cette question doit être nuancée, tant les résistances sont fortes au sein des Etats dont les pouvoirs sont soucieux d’acheter la paix sociale (opposition des mouvements islamistes et des confréries religieuses) au détriment des réformes.  En définitive, l’égalité juridique dans le mariage n’a de sens au Maghreb que si elle s‘inscrit dans un processus plus large de démocratisation et d’enracinement de l’Etat de droit.

 

Abdelwahab Biad

 

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MALIK (Shahdeen), “Recent Case Law on Custody and Second Marriage in Bangladesh : A Trend Towards Secularisation of the Legal System ?”, Verfassung und Recht in Übersee (Law and Politics in Africa, Asia and Latin America), vol.18, n°1, 1995, pp. 103-125.

 

L’article 8 de la constitution bengladeshi de 1972 posait la laïcité comme l’un des quatre principes fondamentaux de l’État du Bangladesh. Après le renversement du gouvernement de cheikh Mujibur Rahman en 1975, cette disposition fut remplacée par “ les principes de confiance et foi absolue dans le Tout-Puissant ”. En 1988, le huitième amendement introduit dans la constitution un nouvel article 2A déclarant l’Islam religion d’État. Cependant, non seulement, cette réforme n’a pas été immédiatement suivie par l’incorporation de lois islamiques dans le droit bangladaishi, mais, de surcroît, la jurisprudence tend à s’écarter des solutions dictées par la religion. L’auteur cite la décision Mlvi. Rehanuddin v. Azizun Nahar par laquelle la High Court confirma le jugement du tribunal de district qui avait déclaré que “ bien que le plaignant (grand-père paternel) ait la garde de l’enfant d’après le droit musulman, les circonstances de l’espèce (mauvais traitement de la mère par feu son mari) font que la mère doit se voir confier la garde de l’enfant ”. De même, la décision de l’Appelate Division, dans une espèce A. Baker Siddique v. S.M.A Baker, refusa d’appliquer automatiquement la règle de la Hizanat (garde et éducation du garçon mineur de plus de 7 ans confiée au père divorcé en cas de remariage de son ex-épouse), arguant de l’absence de fondement coranique ou traditionnel et d’un manque d’accord de la doctrine sur la solution à apporter. La juridiction prit en revanche en compte l’intérêt (welfare) du mineur, reconnu par l’article 17 du Guardian and Wards Act..

 

En ce qui concerne l’autorisation de la polygamie fondée sur le troisième verset de la quatrième Sourate,  l’interprétation jurisprudentielle de l’ordonnance pakistanaise de 1961 sur les lois musulmanes régissant la famille vient restreindre les possibilités de mariages successifs en se montrant très stricte sur l’obligation incombant à celui désirant convoler en nouvelles noces de recueillir préalablement l’autorisation expresse du conseil d’arbitrage, lequel doit tenir compte du consentement de la (ou des) première(s) épouse(s). Ainsi, la polygamie n’est pas un droit, mais une tolérance dans des cas “ justes et appropriés ” strictement définis (stérilité, infirmité physique ou mentale de la première épouse).

 

L’auteur cite encore quelques cas dans lesquels les juges ont fait prévaloir l’article 28 §2 de la Constitution garantissant l’égalité des sexes sur des coutumes ou des lois musulmanes, sans pour autant remettre en question le statut personnel de droit musulman comme le fit la Cour suprême indienne dans son arrêt Mohammed Ahmed Khan v. Shah Bano Begum. Néanmoins, il ressort de la jurisprudence bangladeshi une acceptation croissante des concepts rationalistes et laïcs au détriment des préceptes musulmans orthodoxes. Selon l’auteur, cette évolution jurisprudentielle accompagne une laïcisation progressive de la politique au Bangladesh.

 

Ph. G.

 

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MOGHADAM (Valentine M.), Women, Work, and Economic Reform in the Middle East and North Africa, Boulder : Lynne Rienner, 1997, 300 p.

 

La question de la femme et du travail et plus particulièrement de la contribution des femmes aux économies des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient est examinée ici. Madame Moghadam qui est responsable du Programme d’Études sur les femmes de l’Université de l’Illinois inscrit sa réflexion dans le cadre des enjeux de la globalisation et des réformes économiques qui n’épargnent pas aujourd’hui les pays en voie de développement et en particulier les pays musulmans. Elle s’intéresse à l’impact de ces processus sur la femme, ses conditions de travail, ses acquis sur le plan éducatif et ses revenus. Les changements induits par la globalisation représentent-il un gain économique pour la femme? Dans quelle mesure ces changements ont affecté le système patriarcal qui caractérise les rapports homme-femme dans la région? L’intérêt de ce travail réside non seulement dans les questions pertinentes qui sont posées mais plus généralement dans le lien qui est fait entre les rapports homme-femme et les réformes économiques qu’impliquent la globalisation et la mondialisation.

 

L’auteur s’est particulièrement intéressé au travail et à l’éducation des femmes en s’appuyant sur des études de cas. De ce point de vue est examiné la situation des femmes en Algérie, en Égypte, en Iran, en Jordanie, au Maroc, en Syrie, en Tunisie et en Turquie. L’ouvrage comporte des données en vue de nous éclairer sur les enjeux futurs des rapports homme-femme en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. On saura gré à Valentine Moghadam de nous avoir éclairé sur un enjeu majeur pour l’affirmation de la citoyenneté de la femme qui va au-delà des traditionnelles prises de position féministes. Si cette étude n’est pas spécifiquement centrée sur les droits de la femme, elle n’en reste pas moins pertinente du point de vue de la question des droits de l’Homme. Comme s’est efforcé de le démontrer l’auteur, c’est sur le terrain de l’économie, par son travail et l’accès à un niveau d’éducation de plus en plus élevé qu’en fin de compte la femme conquiert ses droits et s’impose comme l’égale de l’homme. Cette perspective explique pourquoi les intégristes afghans et algériens dénient aux femmes le droit au travail et à l’éducation.

 

A. B.

 

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RAHMAN (Saira), “Women in Bangladesh : The Dangerous Ignorance in Muslim Interpretations”, Human Rights Forum, vol.4, n°1, 1994, pp. 99-109.

 

Cet article fait le point sur la façon dont les imams bangladaishi dans les villages maintiennent les femmes dans une position inférieure qui n’est pas conforme aux préceptes coraniques. En effet, ces imams renforcent le caractère patriarcal de la société bangladaishi par une  interprétation erronée du droit islamique. L’auteur cite plusieurs cas d’influence néfaste des imams qui, dans leurs prêches ou dans les fatwas adoptées par les salish soumis à leur influence (le salish est une sorte de cour arbitrale villageoise; ces salish tendent à statuer actuellement en matière pénale, ce qui n’est conforme ni au droit islamique, ni au code pénal bangladaishi), perpétuent des pratiques choquantes (100 coups de fouet pour une adolescente enceinte n’ayant pu fournir quatre témoins mâles pour confirmer qu’elle avait été violée; lapidation d’une divorcée remariée dont le second mariage fut déclaré contraire au droit musulman; bûcher pour une femme adultère; flagellation publique d’une adolescente ayant eu des rapports sexuels avec un jeune hindou). L’influence des imams s’avère également néfaste par rapport aux projets de développement :  interdiction de fréquenter les écoles ou hôpitaux gérés par les organisations non gouvernementales occidentales (donc considérées comme pratiquant un prosélytisme chrétien); interdiction de vacciner les nouveaux-nés car les vaccins étant américains, ils contiendraient de la graisse de porc; ostracisme à l’égard des femmes contractant des prêts auprès de la Grameen Bank pour financer des projets de développement. Pour l’auteur, cette influence néfaste des imams qui ignorent ce qu’est le véritable droit islamique vient du fait que 90% de la population rurale bangladaishi est illettrée et obéit aveuglément à ces hommes qui croient, à tort, que le Coran leur impose l’obligation d’aller à l’encontre de l’émancipation de la femme.

 

Ph. G.

 

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SAYEH (Leila P.), MORSE Jr (Adriaen M.), “Islam and the Treatment of Women : An Incomplete Understanding of Gradualism”, Texas International Law Journal, vol.30, n°2, 1995, pp. 311-334.

 

Cet article, écrit dans un style religieux (“ Lors du Saint mois de Ramadan, Dieu envoya son ange Gabriel révéler son Verbe à Muhammad... ”), vise à corriger la perception majoritaire de l’Islam comme étant la source même de la persécution dont sont l’objet les femmes dans les sociétés musulmanes. Les auteurs pensent en effet que la condition peu enviable des femmes en Orient vient non de l’Islam lui-même, mais de mauvaises interprétations de la Chariaâ par des sociétés patriarcales. Situant l’Islam dans son contexte historique et culturel, l’article s’attache à faire comprendre cette religion qui est aussi un corpus juridique présenté non sans concision par les auteurs dans toute sa diversité. Ils proposent d’appréhender l’Islam en tenant compte de son évolution graduelle (évolution en intensité - par rapport à l’ère de la Jahiliyah- et dans le temps). Examinant les droits de la femme dans l’Islam (droit à l’éducation, au douaire, au consentement marital, à gérer ses biens) les auteurs, tout en reconnaissant que ces droits sont peu appliqués dans les pays musulmans depuis la mort du Prophète, concluent, un peu abruptement, que “ [l]es droits universels reconnus à tous les humains par l’Islam durent attendre quatorze siècles avant d’être formulés en Occident.”

 

Ph. G.

 

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WALTHER (W.), Femmes en Islam, Paris : Sindbad, 1981, 200 p. (trad. de l’allemand par A. Maléfant).

 

Ouvrage d’un des meilleures spécialistes allemands de la condition des femmes en Islam qui analyse en profondeur les données du statut des femmes, l’évolution historique de celui-ci  en prenant comme toile de fond quelques pays musulmans où la question du rôle de la femme se pose avec le plus d’acuité. Il s’agit ici d’un véritable parcours initiatique sur la condition et le rôle de la femme tels qu’ils apparaissent dans la description du harem, la lecture de la pensée des grands mystiques musulmans, la vie des esclaves au féminin, l’action des femmes politiques en terre d’Islam. Des questions assez peu abordées comme les conceptions érotiques côtoient des sujets galvaudés sur la codification des rapports dans le mariage.

 

Ph. G.

 

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WING (Adrien Katherine), “Custom, Religion, and Rights: The Future Legal Status of Palestinian Women”, Harvard International Law Journal, vol.35, n°1, 1994,  pp. 149-200.

 

Dans cet article prospectif, l’auteur s’interroge sur la manière dont l’Autorité palestinienne pourra accomplir son but d’amélioration du statut de la femme. Présentant le droit coutumier pré-islamique (urf) toujours partiellement en vigueur, et le droit islamique traditionnel, il détaille certaines dispositions de la loi jordanienne de 1976 sur le statut personnel qu’utilisent les tribunaux de la Chariaâ en Cisjordanie. Soulignant le statut inférieur de la femme (tout en notant que le droit islamique représente un progrès par rapport au droit coutumier), le Professeur Wing plaide pour une modernisation de ce statut, qui s’est déjà modifié en un sens favorable du fait du rôle joué par les femmes dans l’intifada, par un recours à une interprétation (ijtihad) plus adaptée à notre temps. Il cite en exemples plusieurs réformes tunisiennes (interdiction de la polygamie et de la répudiation - talaq). Toutefois, le poids des fondamentalistes du Hamas pourrait jouer en défaveur d’une telle évolution, comme le démontrent les contre-exemples de la loi égyptienne sur la famille de 1985 ou le Code algérien du statut personnel de 1984. Il ne devrait pourtant pas y avoir d’incompatibilité avec les instruments internationaux en matière de droits de l’Homme, dont de nombreuses normes qu’ils contiennent font désormais partie de la coutume internationale et devraient donc s’imposer au futur législateur palestinien. Le Professeur Wing conseille toutefois à ce dernier de consulter la version anglaise de la déclaration islamique universelle des droits de l’Homme qui diffère considérablement de la version arabe (certaines notions occidentales des droits de l’Homme ne figurant pas dans cette dernière version).

 

Ph. G.

 

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YAMANI (Mai) (Ed.), Feminism and Islam: Legal and Literary Perspectives, Reading : Ithaca Press, 1996, 392 p.

 

Cet ouvrage collectif rassemble plusieurs contributions intéressantes du point de vue des féministes sur les droits de la femme dans les pays musulmans. Plusieurs études de cas nous sont proposées concernant l’Arabie Saoudite, l’Égypte et l’Iran en particulier. On citera notamment: “les femmes, l’Islam et le patriarcat (par Ghada Karmi), “les femmes dans le droit islamique” (par Raga’ El-Nimr), “Islam et féminisme” (par Haleh Afshar), “femmes du Golfe et droit islamique” (par Munira Fakhro), “une lecture féministe de la Chariaâ  dans l’Iran post-Khomeini” (par Ziba Mir-Hosseini) et la Convention sur les femmes dans le monde musulman (par Jane Connors). Le fait que les droits de la femme sont perçus ici du point de vue féministe par des universitaires et militantes originaires du Moyen-Orient n’en fait pas moins un ouvrage utile. Ce travail collectif illustre surtout la vivacité de la revendication pour l’égalité en faveur des femmes qui grâce à l’accès à l’éducation et à l’économie s’imposent progressivement comme acteur du processus de réforme et de modernisation dans des sociétés musulmanes encore fortement marquées du sceau du conservatisme religieux.

 

A. B.

 

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