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DAMAD (S.
Mustafa Mohaghegh),
“The Law of War in Islam”, Law and Judicial Review of the Judiciary of
the Islamic Republic of Iran, vol.I, n°2, 1992, pp. 7-23 & vol.I, n°3,
1992, pp. 45-60.
Dans cet article l’auteur,
juge et membre de l’Académie iranienne des sciences, rappelle que l’Islam ne
tolère la guerre que pour repousser une agression ennemie, puisque, selon le
Coran, Dieu n’aime pas les agresseurs (Sourate IX, verset 5). M. Damad opère
ensuite une distinction entre les termes utilisés dans le Coran pour
désigner la guerre en tant qu’hostilités (‘harb), combat (qital)
et “ guerre sainte dans la voie de Dieu ” (Jihad fi sabil Allah). Le
Jihad ou Djihad peut être un combat mené contre un ennemi, contre le
diable mais aussi contre soi-même, ou plus précisément contre nos propres
ennemis que sont les mauvaises passions et les désirs sensuels (Jihad
akbar).
Ainsi, M. Damad s’attache à
démontrer que le but du Jihad n’est pas l’éradication des infidèles,
mais une quête spirituelle. Au regard du Coran - dont 260 versets seulement
(soit 4% du livre) se réfèrent à la guerre sainte - le Jihad ne peut
être décrété que pour repousser une agression ou une menace d’agression
contre les musulmans, leur territoire et leurs biens (XXII, 40 à 43), pour
contrer les obstacles à la propagation de l’Islam (XVIII, 29) et pour porter
secours aux opprimés (IV, 75). En revanche, le Coran interdit de combattre
pour soutenir une rébellion ou un pouvoir despotique (V, 79), ou pour
satisfaire la vanité et la cupidité (VIII, 49 & 67). Le jus ad bellum
islamique ne nécessite pas de déclaration de guerre lorsque l’ennemi attaque
ou lorsqu’il rompt un pacte, mais dans les autres cas une déclaration de
guerre et un ultimatum (nabdh) sont indispensables.
Quant au jus in bello,
le droit islamique interdit de tuer les femmes, les enfants, les vieillards,
les aveugles, les invalides, les malades mentaux, les ermites, les paysans,
les artisans, les commerçants et les boutiquiers. L’emploi de poison contre
l’ennemi est prohibé. On ne doit pas brûler le corps des ennemis, même après
leur mort. Il ne faut ni couper les arbres, ni enflammer les récoltes, ni
assécher les ressources d’eau potable. Les civils ressortissants d’un État
ennemi ne se livrant pas à des activités subversives ou d’espionnage doivent
être expulsés du territoire islamique vers un lieu sûr.
Passant ensuite en revue la
conduite de la guerre par les quatre premiers califes et par l’Iman
Ali et l’oeuvre des jurisconsultes (faqihs), l’auteur s’attache à
montrer les aspects humanitaires de l’Islam et souligne l’importance
qu’attache le Coran au respect de la parole donnée (V, 1), au pardon (III,
128; VII, 196; XVII, 37) et au respect des droits légitimes de l’ennemi.
Ph. G.
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KARMI (Ghada),
COTRAN (Eugene) (Eds),
The Palestinian Exodus 1948-1998, Reading : Ithaca Press, 1998, 272
p.
C’est un ouvrage sur un
problème peu traité en matière de respect du Droit international
humanitaire, celui des réfugiés obligés de quitter leurs terres sous l’effet
des conflits israélo-arabes. Le problème des réfugiés palestiniens n’est
toujours pas résolu cinquante ans après. Pour les auteurs, le problème
s’est même aggravé avec la poursuite de l’expulsion de Palestiniens de
Jérusalem. L’ouvrage établit clairement le rapport entre l’exode des
réfugiés palestiniens et la création de l’État d’Israël. La question des
réparations et du droit au retour est évoquée comme élément central de la
résolution du conflit israélo-palestinien et de l’établissement d’une paix
juste et durable au Moyen-Orient. Cet ouvrage qui porte sur un des problèmes
humanitaires le plus délicat depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale
rassemble les contributions d’universitaires historiens et juristes
spécialistes de la région et de la question des réfugiés. Il peut être
conseillé non seulement aux spécialistes du droit des réfugiés, des droits
de l’Homme ou du droit international humanitaire, mais aussi à toute
personne désireuse de connaître les racines du conflit du Moyen-Orient.
A. B.
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MAZZAWI (Musa),
Palestine and the Law : Guidelines for the Revolution of the Arab-Israel
Conflict, Reading : Ithaca Press, 1997, 444 p.
Voilà un ouvrage qui examine
la question palestinienne et le conflit israélo-arabe essentiellement du
point de vue du droit. Il analyse les aspects juridiques de ce conflit en
remontant à la Première guerre mondiale (Accord Sykes-Picot) et jusqu’aux
Accords d’Oslo. L’auteur adopte une approche résolument critique notamment à
propos de la Déclaration de Principes signée à Washington en septembre 1993
considérant qu’elle est insuffisante en matière de garanties des droits des
Palestiniens. Les défauts qu’il attribue au processus de paix résident dans
l’absence de définition des “droits inaliénables du peuple palestinien”,
dans l’insuffisance des garanties accordées aux réfugiés quant à l’exercice
de leurs droits. Il souligne que les divergences qui opposent Arabes et
Israéliens à propos de l’interprétation de la résolution 242 du Conseil de
sécurité (1967) et sur le statut final de Jérusalem et des autres
territoires occupés constituent des questions clefs que les accords conclus
dans le cadre du processus de paix n’ont pas clarifiés (question de
l'application de la IVe Convention de Genève aux territoires arabes occupés
par Israël notamment). On peut saluer l’auteur pour nous avoir fourni ici
une grille de lecture critique fondée sur le droit international. Il est
vrai que dans le conflit israélo-palestinien les règles et les principes
régissant le droit international en général et le droit des peuples en
particulier ont été largement ignorés.
A. B.
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REVUE INTERNATIONALE DE LA CROIX-ROUGE,
Religion et droit international humanitaire,
Vol. 87, n° 858,
juin 2005
Cette livraison de
la Revue internationale de la Croix–Rouge consacrée aux religions
vient à point nommé. La théorie du « choc des civilisations » qui
refait surface sous fond de lutte contre le terrorisme d’Al
Quaïda impose de recadrer la réflexion sur la contribution des
religions à la violence et à la guerre, mais aussi au dialogue et à
la paix. Car comme le souligne l’éditorial de Toni Pfanner, les
religions, et les religions monothéistes en particulier, jouent un
rôle ambivalent, à la fois constructif (apaiser les esprits) et
destructif (attiser la violence). Les principes et les règles
régissant les rapports interétatiques, la diplomatie, la guerre et
la paix ont été définis non seulement par le droit international
séculier, mais aussi par les différentes traditions religieuses.
Toutefois, dans les traditions religieuses aucune distinction n’est
faite entre jus ad bellum et jus in bello.
Des articles sont
consacrés à l’islam, à l’hindouisme, au judaïsme et à leurs rapports
au droit international, et en particulier au DIH. Il s’avère à
l’analyse que les principales traditions religieuses reconnaissent
certaines des règles consacrées aujourd’hui par le DIH, notamment la
distinction entre civils et combattants, la notion de
proportionnalité et l’obligation d’assister les victimes. Hans Küng
(pp. 253-268), croit que l’accusation selon laquelle les trois
religions monothéistes seraient plus portées au recours à la force
que les autres religions est justifiée par la glorification de la
guerre sainte au nom de Yahvé, de la Croix ou d’Allah,
mais que cette glorification doit être contextualisée. Une relecture
et une réinterprétation de ces traditions religieuses s’imposeraient
donc à la lumière des exigences contemporaines.
Sheikh Wahbeh al-Zuhili
de l’Université de Damas (pp. 269-283) nous rappelle les règles
islamiques régissant les rapports interétatiques en temps de paix et
de guerre : règles qui distinguent Musulmans et peuples du Livre
(Juifs et Chrétiens), mais aussi territoires de l’Islam (dar al
islam), territoire de la guerre (dar al harb) et
territoire de la trêve (dar al solh). Il revient sur le débat
relatif à la définition du jihad, mais on est un peu étonné
de l’affirmation selon laquelle, la religion ne peut être le motif
d’une guerre ou celle-ci avoir pour but la conversion forcée (p.
279). Il déduit que la guerre légitime selon la chariâa est
celle qui est nécessaire pour répondre à une agression, assister la
victime d’une injustice ou la légitime défense (en quoi cette
dernière se distinguerait de la première ?). Les règles islamiques
régissant la conduite des hostilités rappellent celles codifiées par
le DIH (respect des biens civils et des non-combattants, principe
d’humanité dans le traitement des captifs).
Manoj Kumar Sinha
(pp. 285-294) souligne que les plus anciennes règles régissant la
conduite des hostilités ont été codifiées dans l’ancienne Inde.
Quelques-unes d’entre elles (distinction et proportionnalité dans
l’attaque) sont mentionnées sous la forme de poèmes épiques ou
l’homme puisait des principes de conduite (Mahabharata, épopées de
Kautilya ou d’Ashoka). On reste un peu sur sa faim par rapport au
titre annoncé (« Hindouisme et Droit international humanitaire »).
Pour Norman Solomon
(pp. 295-309), toutes les sources du judaïsme (talmud et
interprétation rabbiniques) révèlent une grande convergence avec les
règles contemporaines du droit international et du DIH. Il nous
rappelle que la tradition juive (deutéronome) distingue la
guerre au nom de Yahvé et les autres guerres. La première ne
souffre d’aucune limitation (guerre d’extermination contre les
Cananéens) et s’apparente à une guerre sainte, tandis que les
autres, les « guerres ordinaires », connaissent des règles assez
sommaires (offre de paix aux cités assiégées, interdiction de couper
les arbres fruitiers, captivité des femmes et des enfants). L’auteur
puise dans les interprétations rabbiniques quelques
enseignements (autodéfense, proportionnalité). On est étonné par le
caractère sommaire de ces règles. Le large développement consacré
aux problèmes de l’Etat d’Israël semble décalé par rapport à la
problématique religieuse initiale.
La problématique de
l’assistance humanitaire et du rôle des ONG religieuses est
notamment examinée par Elisabeth Ferris (pp. 311-325) et Jamal
Krafess (pp. 327-342). Ce dernier nous rappelle que « l’acte
humanitaire » est un des principes fondamentaux de la religion
musulmane sacralisée par le Coran et les hadiths (textes
prophétiques) comme une obligation du croyant et un acte de foi.
Cette prescription s’est concrétisée par l’institutionnalisation de
la zakat (impôt au profit des nécessiteux) comme un des cinq
piliers de l’islam, mais aussi des waqf (fondations
religieuses). Si les œuvres caritatives puisent leur source dans le
message religieux (le devoir de zakat), la pratique des ONG
religieuses en matière d’assistance humanitaire est parfois
discutable. On mentionnera la question du soutien de certaines
d’entre elles à des réseaux terroristes qui n’est pas évoquée ici.
L’autre aspect négatif (brièvement mentionné) est le prosélytisme
actif et la rivalité dans ce domaine que se livrent en Afrique
sub-saharienne des ONG musulmanes et chrétiennes. Ces situations
mettent à mal les principes de non-discrimination et d’impartialité
qui devraient régir l’aide humanitaire. A ce propos, dans
l’interview qu’il accorde à la revue (pp. 243-251), Ahmed Ali
Noorbala, Président du Croissant- Rouge iranien rappelle que le
principe islamique d’impartialité (ikhlas) implique que
l’assistance humanitaire ne doit pas être fondée sur un critère
d’affiliation religieuse, mais uniquement sur les besoins des
victimes, même si celles-ci appartiennent au camp ennemi (p. 245) !
Abdelwahab BIAD
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ZEMMALI (Ameur),
Combattants et prisonniers de guerre en droit islamique et en droit
international humanitaire, Paris : Pédone, 1997, 519 p.
Voici un ouvrage fruit d’une
thèse de Doctorat soutenu par l’auteur à l’Université de Genève sous la
direction du Professeur Luigi Condorelli qui comble une lacune, étant donné
l’insuffisance d’études de fonds en langue française sur la conception
islamique du droit international humanitaire. Le mérite de Ameur Zemmali est
d’avoir appréhendé dans une perspective comparative les systèmes islamique
et conventionnel de protection du combattant et du prisonnier de guerre. Ce
travail fouillé n’est pas sans précédent (voir Sultan H., “La conception
islamique“, in: Les Dimensions internationales du droit international
humanitaire, Paris: Pédone & UNESCO, 1986, pp.47-60), mais il a le
mérite de reposer sur une très vaste littérature aussi bien arabe que
française.
Cet ouvrage est articulé en
deux parties traitant successivement du statut du combattant et du
prisonnier de guerre en droit islamique et en droit international
humanitaire. L’approche comparative choisie par l’auteur l’amène à effectuer
un va et vient incessant entre les deux systèmes de normes (islamique et
conventionnel) pour dégager dans un premier temps la distinction combattant
et non-combattant établit par les deux systèmes. Interrogeant aussi bien le
Coran que la Sunna (tradition du Prophète) et le fiqh
(doctrine), l’auteur dégage les règles définissant le mujahid
(combattant) tant au plan de sa condition que de son éthique, en constatant
qu’à l’instar de la pratique issue du droit international humanitaire, la
distinction combattant et non-combattants n’est pas toujours effective du
fait de la théorie de la nécessité militaire. A propos de la condition des
combattants des conflits armés non-internationaux, le système islamique
distingue trois situations: l’apostasie, la rébellion et le brigandage. Il
est spécifié que si l’apostat est puni de mort, le rebelle et le brigand
encourent une peine proportionnelle à la gravité de l’acte commis. Ces
considérations sont loin de correspondre aux spécifications du droit
international (au sens de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de
1948 et du Protocole additionnel II de 1977).
En ce qui concerne les
prisonniers de guerre - les captifs en Islam - leur sort est lié au
contexte particulier de la lutte armée. Ainsi, aussi bien le Coran que la
Sunna n’énumèrent pas de “catégories particulières de personnes susceptibles
d’avoir le statut de prisonnier de guerre”. Toutefois l’auteur constate fort
justement que “l’identification des prisonniers de guerre pose moins de
problème que le traitement qui leur est réservé dans la conception
islamique, alors qu’en droit international c’est à propos de l’octroi du
statut protecteur que les difficultés sont les plus nombreuses”. Si le droit
musulman est nettement en retrait par rapport au droit international
humanitaire sur le plan du traitement des prisonniers de guerre (la mise à
mort et la réduction en esclavage des captifs sont admises), les
prescriptions faites en ce sens par le fiqh ne nous semblent pas
avoir apporté une contribution significative du fait des désaccords entre
les écoles de pensée. A cela s’ajoute une autre difficulté liée au rejet par
la doctrine islamique contemporaine (illustrée notamment par la Déclaration
islamique des droits de l’Homme de l’OCI, 1990) de certaines règles de la
doctrine classique concernant notamment l’exécution, la réduction en
esclavage ou la libération contre rançon des captifs. Ceci s’expliquerait
par la tendance dominante au sein de la doctrine classique qui consiste à
intégrer les principes du droit international humanitaire en les légitimant
à travers une interprétation “progressiste” du Coran et de la
Sunna..
A propos de l’espion et du
mercenaire, les différences entre le droit islamique et le droit
international sont patentes. En effet comme le souligne le juriste égyptien
H. Sultan “l’Islam ne reconnaît pas la notion de combattant mercenaire” (op.
cit., p.14) alors que le droit conventionnel sans lui accorder un statut
protecteur lui reconnaît toutefois le bénéfice des garanties fondamentales
(l’articles 75 du Protocole additionnel I aux Convention de Genève). Le
traitement réservé à l’espion par le droit islamique varie selon que
l’auteur de l’acte d’espionnage est un musulman, un dhimmi (chrétien
ou juif bénéficiant d’une sauvegarde) ou un ennemi n’appartenant à aucune de
ces catégories. Mais là aussi on constate une divergence entre les écoles
doctrinales musulmanes à propos du sort à réserver à l’espion qui peut aller
de l’exécution, à l’expulsion en passant par la détention.
On constate que les règles
d’essence islamiques relatives au combattant et au prisonnier constituent un
conglomérat de normes trouvant leurs sources dans le Coran, la Sunna
et le fiqh. La difficulté se situe ici dans le fait que
l’authenticité de certaines règles découlant de la Sunna est
discutable tandis que les normes dégagées au sein du fiqh sont loin
d’être consensuelles. Tout en constatant ce phénomène l’auteur n’en a pas
tiré toutes les conclusions qui s’imposent et en particulier ne s’est pas
inscrit dans une perspective critique soulignant les insuffisances du
système de norme islamiques, insuffisances auxquelles la doctrine islamique
contemporaine s’est peu intéressée comparé à l’effort récent - mais il est
vrai limité - d’ouverture vers le système universel de protection des droits
de l’Homme.
Tout en dégageant des
différences entre système islamique et conventionnel, l’auteur constate
qu’il n’y a pas d’opposition irréductible entre ces deux systèmes de normes.
C’est en ce sens que la recherche entreprise par Ameur Zemmali constitue une
contribution au débat « universalisme versus culturalisme ».
A.
B.
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