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ALDEEB ABU-SAHLIEH
(Sami Awad),
“Les mouvements islamistes et les droits de l’Homme”, Revue
trimestrielle des droits de l’Homme, n°34, 1er avril 1998, pp.
251-290.
L’auteur, collaborateur
scientifique pour le droit arabe et musulman à l’Institut suisse de droit
comparé s’interroge ici sur la condition des droits de l’Homme dans un
régime dirigé par des mouvements islamistes. La première partie - de loin
la plus intéressante - consacrée aux conséquences sur les droits de
l’Homme de l’application de la Chariaâ (loi islamique) est fondée
sur l’analyse et la restitution du discours islamiste. L’affirmation par
les islamistes de la suprématie de la loi islamique (Coran et Sunna
ou tradition prophétique) en tant que source principale et d’essence
divine du droit va avoir des conséquences directes sur les droits de
l’Homme. Partant de ce postulat, les islamistes considèrent que les normes
d’origine positives y compris les constitutions dont se sont dotés de
nombreux pays musulmans doivent être abrogées car il n’existe qu’un seul
système de normes en Islam celui de la Chariaâ. Ils s’opposent
ainsi aux courants positivistes et laïcisant pour qui la loi islamique est
insuffisante, voire contradictoire avec un système de protection des
droits notamment de la femme dans les sociétés modernes.
En confrontant la loi
islamique au système universel des droits de l’Homme, l’auteur constate
que la mise en oeuvre de la Chariaâ a pour conséquences de remettre
en causes des principes fondamentaux consacrés dans les instruments
internationaux pertinents tels que la non-discrimination basée sur le sexe
et la religion. C’est ainsi que la plupart des pays ont formulé des
réserves à l’égard de la Convention sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmes à propos, en particulier, de
l’égalité devant le mariage et le divorce au nom de la Chariaâ. En
défendant l’idée de supériorité de l’homme sur la femme, les islamistes
veulent contester à cette dernière le droit d’occuper des fonctions
publiques. Quant à la liberté religieuse elle n’est conçue qu’à sens
unique : liberté d’adhérer à l’Islam mais non de le quitter, l’apostasie
étant punie de mort. Les islamistes appellent d’autre part à l’application
intégrale du code pénal musulman qui implique des châtiments aussi divers
que la décapitation, la lapidation, la flagellation ou l’amputation des
mains et des pieds pratiqués encore en Afghanistan et en Arabie Saoudite.
Dans la deuxième partie
l’auteur s’interroge sur l’existence d’islamistes “modérés” qui
réconcilieraient la loi islamique avec les droits de l’Homme. Outre le
caractère vain d’un tel exercice - que signifie l’expression “islamistes
modérés”? - ce type de mouvement si jamais il existe ou a existé est voué
à l’échec car se révéleraient rapidement ses contradictions. On ne peut
“modérer” l’application de la Chariaâ qui est un tout
indissociable. L’échec patent des réformistes musulmans (ex : Mahmoud
Muhammad Taha) qui ont cherché à remettre en question la suprématie de la
loi islamique dans la codification des sociétés musulmanes contemporaines
est là pour l’illustrer. La laïcisation de ces sociétés semble être la
seule voie, semée d’embûches et de dangers pour ceux des juristes qui
osent en défendre le bien fondé en vue de réconcilier les Musulmans avec
les droits de l’Homme. C’est une preuve évidente que la liberté
d’expression et donc de contestation de la suprématie de la Chariaâ
reste un vœux pieux. Décidément quoiqu’en a pensé l’auteur en engageant
cette réflexion, les chemins de la loi islamique et du système des droits
de l’Homme ont du mal à converger.
A. B.
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ATTIA (Abderrazek),
“Réflexion sur la mondialisation économique et la problématique des droits
de l’Homme”, Études internationales (Tunis), n°62, 1/1997, pp.
61-64.
Cette réflexion de
l’Ambassadeur de Tunisie à Madrid insiste sur la nécessité de promouvoir
les conditions économiques et sociales permettant la jouissance des droits
de l’Homme. Du point de vue de l’auteur “la question fondamentale du
respect des droits de l’Homme reste indissociable du contexte
socio-économique dans lequel l’Homme évolue dans quelque endroit de la
planète”. Il précise que “la réponse à cette question passe en effet par
un effort pour la remise en ordre de l’économie mondiale, laquelle pour
être réussie, devrait prendre en compte l’insertion des économies des pays
en voie de développement dans le système économique mondial”. Les
conditions posées ici ne risquent-elles pas de renvoyer aux calendes
grecques toute politique de promotion des droits de l’Homme dans les
pays ou elle fait le plus défaut, les États en voie de développement?
Cependant, l’auteur reconnaît fort justement que dans ces pays
l’instauration du pluralisme politique, l’émergence de la société civile
et un système éducatif fondé sur la Déclaration universelle des droits de
l’Homme devrait être l’objectif de ces pays. En dépit de ce constat, cette
réflexion reste très inspirée par le discours developpementaliste
ambiant qui considère les droits de l’Homme comme tributaire du
développement économique et social.
A. B.
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BIAD (Abdelwahab),
“Les droits de l’Homme: un nouvel enjeu pour le monde arabe”,
Mediterranean Journal of Human Rights, vol.I, n°1, 1997, pp. 9-17.
Dans cet article de
synthèse sur la réception des normes internationales des droits de la
personne dans le monde arabe, Abdelwahab Biad va à l’encontre de quelques
idées reçues. En effet, il considère que les droits de l’Homme et la
Chariaâ sont compatibles puisque le Coran et la Sunna “ prônent
les valeurs d’égalité, de justice, de tolérance et solidarité, qui sont
autant de valeurs qui fondent les droits de l’Homme ”. Toutefois, il
concède qu’en pratique, certains principes (liberté de religion, égalité
des sexes) semblent en contradiction avec la loi islamique.(p. 10)
Passant en revue les thèses de la spécificité religieuse (respect de la
tradition et de la doctrine musulmanes) ou nationale (nécessité d’assurer
le développement économique), il souligne que la Conférence de Vienne en
1993, tout en reconnaissant l’importance des particularismes, a souligné
que les États avaient le devoir de promouvoir et protéger les droits de
l’Homme et les libertés fondamentales.(p. 11) Il n’en demeure pas moins
qu’en recourant à des réserves ou à des déclarations interprétatives, les
États arabes s’aménagent une marge de manœuvre dans l’application des
textes sur les droits de la personne qui leur permet de maintenir des
dispositions de la Chariaâ (mariage, divorce, partage du
patrimoine) allant à l’encontre de la conception occidentale.
N’estimant pas le monde
arabe monolithique, l’auteur divise les États arabes en plusieurs
catégories : ceux ayant adhéré aux sept accords internationaux relatifs
aux droits de la personne les plus significatifs ; ceux ayant souscrit au
moins à la moitié de ces accords et ceux n’ayant adhéré qu’à un nombre
limité de ces instruments, voire à aucun d’entre eux.
Par-delà les États,
Abdelwahab Biad s’intéresse à la réception du discours humaniste par les
sociétés arabes. Notant que “ [d]ans les pays arabes qui ont opté pour des
formules de multipartisme, la revendication en faveur des droits de
l’Homme devient un des thèmes majeurs du débat qui agite la société
politique (Parlement, partis, presse) ” (p. 14), l’auteur constate que la
plupart des États arabes proclament dans leur constitution la nécessité de
respecter les droits et libertés de leurs citoyens, et que certains ont
même mis en place des structures officielles de protection de ces droits
(Algérie, Maroc, Tunisie) qui “ complètent le travail des associations
indépendantes de défense des droits de l’Homme lorsque celles-ci sont
autorisées ” (Algérie, Égypte, Maroc et Tunisie) (p. 16). Néanmoins, il
conclut à l’absence actuelle d’une véritable culture arabe des droits de
l’Homme, tout en s’affirmant, somme toute, confiant dans le rôle que
peuvent avoir presse et associations par “ l’éducation des citoyens aux
valeurs démocratiques ” (p. 17).
Ph. G.
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BOULDING
(Elise) (Ed.),
Building Peace in the Middle East : Challenges for States and Civil
Society, Boulder : Lynne Rienner, 1994, 347 p.
Il faut rendre hommage à
Elise Boulding, éminente représentante de l’école anglo-saxonne de
recherche sur la paix, d’avoir rassemblé à Kyoto (1992), à l’occasion d’un
congrès de l’Association internationale de recherches sur la paix (IPRA),
plusieurs experts représentant les différentes disciplines des sciences
sociales pour réfléchir sur les défis et les perspectives de la paix au
Moyen-Orient. L’intérêt de cet ouvrage qui constitue les actes de ce
Congrès est qu’il contient vingt cinq contributions d’experts notamment
arabes et israéliens couvrant tous les aspects des rapports entre les
États de la région et entre les États et les sociétés civiles. De fait les
questions traitées ici sont très diverses allant de la situation des
femmes au processus de paix, en passant par le conflit sur l’eau et les
problèmes de sécurité des États. Il n’ y a pas à proprement parler une
étude sur les droits de l’Homme, mais on retiendra quelques études sur la
femme et sur les processus de démocratisation en première partie, On
notera en particulier une contribution sur la démocratisation au
Moyen-Orient d’un point de vue islamique (pp. 69-78), sur la femme
Palestinienne (pp.91-98), sur la question kurde (pp. 147-162) et sur les
valeurs de paix en Islam (pp.295-302). Cet ouvrage est enrichi d’un index
des noms propres fort utile pour le lecteur. Un ouvrage indispensable pour
qui veut avoir une vision globale des défis et des dynamiques internes et
externes qui affectent une des régions les plus conflictuelle du monde.
Cet ouvrage reste d’actualité pour comprendre cette région du monde.
A.
B.
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DAVIS
(Uri),
Citizenship and the State: a Comparative Study of Citizenship
Legislation in Israel, Jordan and Palestine, Syria and Lebanon,
Reading : Ithaca Press, 1997, 252 p.
L’auteur qui préside
Al-Beit, l’Association de défense des droits de l’Homme nous livre ici une
étude comparative de la législation consacrant la citoyenneté en Israël,
en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Palestine. Il s’agit ici de nous
éclairer sur les rapports entre les individus et l’État ainsi que sur
l’idée de citoyenneté, de souveraineté et d’autodétermination. L’auteur,
place la notion de citoyenneté au cœur des défis auxquels la région du
Moyen-Orient est confrontée. Ces défis sont la démocratisation, la place
de la religion dans l’État, les droits de l’Homme et les perspectives de
stabilité politique dans la région. Cet ouvrage très engagé constitue une
contribution intéressante au débat sur les droits de l’Homme en Israël, en
Palestine et dans les pays arabes voisins.
A. B.
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DEFFAINS (Nathalie),
“Le principe de laïcité de l’enseignement public à l’épreuve du foulard
islamique”, Revue trimestrielle des droits de l’Homme, 1998, pp.
203-250.
Cet article concerne la
polémique soulevée en France par le port du hijab par des jeunes
filles musulmanes à l’intérieur des établissements de l’éducation
nationale jusqu’ici régis par le principe de laïcité. La notion de laïcité
est analysée ici dans toute sa complexité: “laïcité séparation” et
laïcité-neutralité” en se fondant sur l’avis du Conseil d’État. Comme le
souligne Nathalie Deffains, le port du hijab “peut à la fois être
le signe du respect de la tradition, mais aussi s’apparenter à une prise
de position politique (...) protecteurs pour les uns (au sens d’objet de
pudeur), moyenâgeux pour d’autres (parce que facteur de séparation et de
réclusion des femmes, ou encore objet de prise de position politique (en
tant que symbole de certains mouvements fondamentalistes)”. C’est dire la
difficulté à laquelle se heurtent les efforts des autorités compétentes
(établissements scolaires, éducation nationale, Conseil d’État) visant à
dégager une position claire quant à la question de la compatibilité entre
laïcité et port du hijab.
A ce propos le Conseil
d’État saisi par le Ministre de l’éducation nationale a conclu à la
compatibilité du principe du port de signes d’appartenance religieuse avec
les exigences de la laïcité de l’enseignement public (1989). L’opinion du
Conseil d’État est que le principe de laïcité se traduit par la neutralité
du service public de l’enseignement et la liberté de conscience de ses
usagers. On notera ici que de son point de vue la liberté de conscience
pour les élèves tranche avec le devoir de neutralité pour les enseignants
d’une part et que d’autre part cette liberté de conscience est limitée
principalement par les impératifs de l’ordre public et le bon
fonctionnement du service public de l’enseignement. Dès lors il
appartenait aux autorités scolaires et aux juridictions administratives
d’appliquer aux cas d’espèces les principes généraux énoncés par le
Conseil d’État. La tendance dominante de la jurisprudence administrative
est d’écarter les sanctions fondées sur des interdictions générales et
absolues, ce qui implique que les exclusions doivent se fonder sur un
examen circonstancié du comportement de l’élève et de la situation de
l’établissement. A ce propos la jurisprudence de la Cour et de la
Commission européenne des droits de l’Homme a établi la conformité des
principes dégagés par les juridictions administratives à la Convention
européenne des droits de l’Homme.
Cette étude fondée sur
des sources documentaires variées et pertinentes fait le point sur une
question complexe tout autant que sensible qui concerne à la fois les
droits de la femme et son statut dans la société, la laïcité comme
principe républicain et la liberté de religion et de conscience.
A. B.
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DIAMOND
(Larry), (Ed.),
Political Culture and Democracy in Developing Countries :
Textbook Edition, Boulder : Lynne Rienner, 1994, 263 p.
L’auteur qui est
chercheur à la Hoover Institution et éditeur du Journal of Democracy,
dirige ici un ouvrage collectif sur la culture politique et démocratique
dans certains pays en voie de développement. De quelle manière les
convictions politiques ont affecté les processus démocratiques dans les
cas retenus? Comment les cultures politiques locales ont réagi aux
réformes sociales, politiques et institutionnelles? Parmi les études de
cas, il y a un seul pays musulman, la Turquie (“ Elite d’État et culture
politique démocratique en Turquie ” par E. Özbudun). Le reste concerne des
pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.
A. B.
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ESPOSITO (John L.),
Political Islam : Revolution, Radicalism or Reform ?, Boulder :
Lynne Rienner, 1997, 228 p.
Cet ouvrage collectif
dirigé par un des grands spécialistes américains du monde musulman
(Professeur à l’Université de Georgetown) est enrichissant en ce qu’il
nous restitue la complexité du phénomène de l’islamisme politique
contemporain, sa dynamique propre et les contextes socio-politiques locaux
dans lesquels il évolue. L’ouvrage s’articule autour de trois axes :
l’affrontement entre les gouvernements et l’opposition islamiste, le poids
de l’Islam dans les processus politiques et les rapports internationaux
tissés par les mouvements islamistes. L’ouvrage examine avec objectivité
l’impact de l’Islam politique dans les États inclus dans un espace
géographique s’étendant de l’Afrique du Nord à l’Asie du Sud. Il nous
révèle la grande variété et les spécificités d’un phénomène qui rassemble
modérés et extrémistes, démagogues et populistes capables souvent de
mobiliser un large soutien des couches populaires, les laissés pour compte
du développement ou plutôt de l’absence de développement ou de l’inégal
développement.
Parmi les questions
examinées dans cet ouvrage collectif on citera les études de cas
concernant notamment l’Algérie (“Algeria: Religion, Culture, and
Opposition” par L. Anderson) les États du Golfe (par D. Vandewalle),
l’Iran (“Political participation in Revolutionary Iran” par J.L.
Esposito), le Soudan, l’Égypte, la Palestine, le Pakistan et
l’Afghanistan. Si l’ouvrage ne porte pas spécifiquement sur les droits de
l’Homme, il les concerne indirectement du fait d’approches à dominante
politiste privilégiant les manifestations politiques de l’islamisme et la
question du pouvoir. Cette contribution à l’analyse de l’Islam politique
si elle nous restitue habilement la diversité et les dynamiques locales du
phénomène a quelque peu sacrifié à l’approche expérimentale l’analyse
globale et synthétique d’un phénomène qui plonge ses racines dans un
mouvement profond de retour à la “pureté originelle” face à une
modernité perçue comme menaçante. Mais le Professeur Esposito a réussi son
pari de nous livrer une compilation d’analyses pertinentes et objectives
sur un sujet aussi complexe que polémique.
A. B.
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ESPOSITO
(John L.) and voll (John
O.),
Islam and Democracy, New-York & Oxford : Oxford University Press,
1996, 232 p.
John Esposito et John
Voll sont professeurs de religion et des affaires internationales à
l’Université de Georgetown où il sont respectivement directeur et
directeur adjoint du Center for Muslim-Christian Understanding.
John Esposito est connu pour ses nombreuses publications sur le monde
musulman contemporain, il est notamment l’auteur de la Oxford
Encyclopedia of the Modern Islamic World. Ils nous offrent ici une
étude en profondeur de la dynamique démocratique dans le contexte
islamique, appuyée sur une documentation riche et variée ou domine une
approche historico-politique .
Comment les musulmans
réagissent au défi de la démocratie qui tend à s’imposer progressivement
comme modèle de gouvernement dans le monde moderne? Les auteurs partent du
postulat selon lequel à l’aube de ce siècle on assiste à deux phénomènes,
la résurgence des religions et la démocratisation. Ces deux phénomènes
peuvent converger comme ils sont porteurs d’une dynamique conflictuelle.
Le monde musulman offre le terrain le plus approprié à une observation des
convergences et des contradictions entre ces deux dynamiques. Le principal
objectif tracé par les auteurs est d’appréhender, de comprendre et
d’expliquer la relation parfois complexe entre la poussée de la résurgence
islamique et l’impératif de démocratisation des systèmes politiques dans
cette région du monde.
Le fait que l’Islam soit
défini à la fois comme religion et système politique (din wa dawla)
pose la question de la compatibilité de l’Islam et de la démocratie
dans son sens classique. Or nous disent les auteurs, les mouvements issus
de la résurgence islamique ont réussi à se positionner comme force
alternative capable de concilier authenticité islamique et participation
démocratique comme l’illustrent la révolution iranienne, le mouvement des
frères musulmans et le FIS algérien. Quelles seraient dès lors les sources
conceptuelles et idéologiques susceptibles de fonder des programmes de
démocratisation dans le cadre de la tradition islamique? C’est ce qui fait
l’objet d’une analyse dans les deux premiers chapitres, analyse destinée à
rechercher dans la tradition islamique les concepts susceptibles de
légitimer la participation démocratique et le droit à l’opposition.
Sur les huit chapitres
de cet ouvrage, six sont consacrés à des études de cas correspondant à des
expériences nationales où la revendication à la participation démocratique
s’est insérée dans une problématique islamique. Il s’agit des exemples de
l’Iran, du Soudan, du Pakistan, de la Malaisie, de l’Algérie et de
l’Égypte. Pour les auteurs ces pays constituent autant de champs d’analyse
pertinents qui révèlent la diversité des réponses apportées au défi de la
démocratisation par les mouvements islamistes d’essence populaires qui se
présentent ou se présentaient comme alternative aux régimes autoritaires
et à des politiques de modernisation qui ont échouées. Mais nous précisent
les auteurs, ces expériences nationales gardent chacune leur spécificité.
Les critères pour mesurer cette spécificité concernent aussi bien la
nature propre de ces mouvements islamiques que la manière dont ils se sont
insérés dans les systèmes politiques existants. Ces mouvements sont-ils
légaux ou illégaux au moment de leur apparition ? Ce statut a-t-il changé
du fait de leur action sur le terrain ? Sont-ils des organisations
activistes et révolutionnaires ou des mouvements qui cherchent à coopérer
avec les dirigeants en place ? Enfin, les régimes de ces pays ont ils
cherché à éradiquer ces mouvements ou plutôt à les “récupérer” et à les
intégrer dans le système politique (parlement ou gouvernement) ?
Au terme de cette
comparaison, les auteurs classent les cas mentionnés ci-dessus en trois
catégories. Dans la première, ils intègrent l’Iran et le Soudan, pays où
des mouvements islamiques sont parvenus au pouvoir soit par le biais d’une
révolution populaire soit au travers du contrôle progressif des principaux
rouages de l’État. Dans les deux cas l’événement déboucha sur
l’établissement d’un nouveau système politique. Dans la seconde catégorie,
ils rangent le Pakistan et la Malaisie, qu’ils considèrent comme des
exemples de participation et d’intégration réussis dans les systèmes
politiques en place. Enfin, les cas de l’Algérie et de l’Égypte sont
symptomatiques de la difficulté que rencontrent les mouvements islamiques
dans leur stratégie de conquête du pouvoir que se soit par la voie
démocratique ou par le recours à la violence. Ce que les auteurs omettent
de préciser c’est que dans ces deux pays les régimes sont parvenu à
diviser ces mouvement en offrant des concessions importantes en termes
d’islamisation de la société (code de statut personnel, système judiciaire
et éducatif) et d’intégration dans le systèmes de la frange dite “modérée”
de l’islamisme politique (sièges au Parlement et postes ministériels). On
ne peut que déplorer que la liste des cas retenus par les auteurs n’inclut
pas la Jordanie où le mouvement islamique est très influent et très
revendicatif en dépit de ses échec aux élections législatives.
Un autre reproche,
d’ordre structurel qu’on pourrait adresser aux auteurs est le peu de place
accordé à la revendication démocratique dont sont porteurs les partis
non-religieux dans les pays musulmans, des partis qui en dépit de leur
position inconfortable entre des régimes autoritaires et l’islamisme
politiques représentent des forces à ne pas négliger dans le débat sur la
démocratisation des pays arabo-musulmans.
A.
B.
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HASSAN (Bahey
El Din) (Ed.),
Challenges facing the Arab Human Rights Movement, Cairo Institute
for Human-Rights Studies, 1998, 206 p., Intellectual Initiatives,
7.
On est en présence ici d’un travail collectif
d’universitaires et militants arabes des droits de l’Homme édité par
Hassan Bahey El Din, directeur de l’Institut du Caire pour l’étude des
droits de l’Homme. Après une introduction de l’éditeur sur les
perspectives d’un mouvement arabe pour les droits de l’Hommes (MADH),
suivent une douzaine de contributions couvrant les aspects suivants :
obstacles au MADH (Mohamed El Sayed Sai’d), les rapports extérieurs du
MADH (Ibrahim Awad), les mouvements islamistes et les droits de l’Homme (Haytham
Manna’a). On notera surtout les études de cas instructives qui passent en
revue l’état du mouvement des droits de l’Homme en Égypte (Mohamed El
Sayed Sai’d, Alaa Qa’Oud & Bahey El Din Hassan), en Tunisie (Moncef El
Marzouqi), au Maroc (Abdel Aziz Banani), en Palestine (Khedr Shukairat) et
au Soudan (Amin Mekki Medani). Au delà des différentes réalités
nationales, les organisations de défense des droits de l’Homme affrontent
les mêmes défis. Ils se trouvent entre l’enclume des régimes en place et
le marteau des activistes islamistes qui les considèrent souvent comme des
ennemis de l’Islam. C’est en quelque sorte aussi le cas du jeune mouvement
palestinien de défense des droits de l’Homme confronté à l’arbitraire de
l’occupant israélien d’une part et aux abus de pouvoir de l’Autorité
palestinienne d’autre part.
C’est une présentation
originale et rare du panorama des organisations de défense des droits de
l’Homme dans le monde arabe, des difficultés et des avancées qu’elles
rencontrent face aux pouvoirs en place. Un travail utile dont il faut
souhaiter la multiplication dans un domaine où rares sont les occasions où
les défenseurs arabes des droits de l’Homme expriment librement leur
craintes et leurs espoirs face à un environnement globalement défavorable
à la promotion des droits de l’Homme pour des raisons politiques et
religieuses. Il faut saluer le fait que cette étude soit publiée en une
langue ou elle est censée viser le plus grand nombre de lecteur,
l’anglais. Un choix d’autant plus judicieux que les auteurs visent par
delà le monde arabe, la communauté internationale qui est peu au fait des
enjeux réels posés à la promotion des droits de l’Homme dans cette partie
du monde. Au delà des constats d’Amnesty international ou de la FIDH, il
est autrement important d’entendre la voix de ceux qui sur le terrain
défendent souvent au péril de leur liberté et de leur vie la cause des
droits de l’Homme. C’est comme le souligne Bahey El Din Hassan, un
“témoignage vivant” sur la réalité du mouvement des droits de l’Homme dans
le monde arabe. Ces témoignages illustrent un certain degré de maturité du
mouvement des droits de l’Homme dans le monde arabe et ce en dépit d’un
contexte local souvent hostile. Reste qu’après la phase où il a imposé son
existence dans un nombre croissant de pays, ce mouvement doit franchir
une nouvelle étape, relever un nouveau défi, celui de l’ancrage dans les
sociétés des valeurs universelles des droits de l’Homme.
A. B.
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HUDSON
(Michael C.),
”Arab Regimes and Democratization : Response to the Challenge of Political
Islam“, The International Spectator, October-December 1994, vol.XXIX,
n°4, pp. 3-26.
L’auteur établit une
classification intéressante selon le degré d’ouverture des régimes arabes
à l’islamisme en identifiant cinq modèles :
- l’exclusion (“radical
surgery”) qui exclut l’existence même d’organisations islamistes
perçues comme une menace à la sécurité et à la stabilité du régime (Irak,
Syrie) ;
- la marginalisation par
le biais de tactiques de pressions, de harcèlements policiers et
d’obstacles bureaucratiques pour décourager les groupes se réclamant de ce
courant (Égypte et Tunisie) ;
- la prévention qui vise
en monopolisant l’espace religieux sous le contrôle du pouvoir à enlever
toute légitimité politique à l’islamisme (Arabie Saoudite et Maroc) ;
- les accommodements
limités qui autorisent la participation des islamistes dans le jeu
politique pour mieux les contrôler et favoriser les “modérés” par rapport
aux “radicaux” (Jordanie, Liban, Koweït et Yémen) ;
- l’intégration des
islamistes dans le système politique à l’instar des autres groupes
d’opposition (Algérie de 1988 à 1991 puis à partir de 1996 avec la
participation de ministres islamistes du parti Hamas au gouvernement).
Cette catégorisation
élaborée par Hudson si elle est assez convaincante, ne rend pas assez
compte de la situation de pays comme le Soudan que l’auteur a classé sans
nous convaincre dans le modèle préventif. En effet, le régime soudanais
correspondrait plutôt à un sixième modèle où le régime militaire partage
le pouvoir avec les islamistes provoquant ainsi une islamisation de
l’État. Nous voyons à travers ces modèles la diversité des réactions des
régimes arabes face à l’islamisme. Ces régimes ont de notre point de vue
fait souvent preuve d’un grand machiavélisme en exploitant l’islamisme
pour contrer les mouvements de gauche (notamment à l’université),
neutraliser les revendications démocratiques et les droits de l’Homme au
nom de l’alibi de la sécurité de l’État. Ils ont parfois même récupéré une
partie de la rhétorique religieuse afin d’asseoir leur légitimité et cédé
par accord tacite un pan entier de la vie sociale et institutionnelle
(système éducatif et judiciaire) aux islamistes. L’Algérie et l’Égypte
correspondent particulièrement à ce scénario.
A.
B.
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KEDOURIE
(Sylvia) (Ed.),
Turkey, Identity, Democracy, Politics, London : Frank Cass
Publishers, 1996, 272 p.
La Turquie laïque
n’échappe pas à la montée en puissance d’un mouvement islamiste symbolisé
par le Refah de Erbakan qui était le principal parti siégeant au Parlement
turc. La question fondamentale qui se pose aujourd’hui en Turquie concerne
les intentions de ce parti. Se contentera-t-il de revendiquer une place
dans l’échiquier politique au côté d’autres formations ou cherchera-t-il à
terme à transformer radicalement le régime du pays ? Cet ouvrage collectif
couvre un large éventail de questions relatives aux droits de l’Homme et à
la démocratie en Turquie. Ainsi, des aspects aussi variés que la liberté
de la presse, les comportements électoraux, le contrôle gouvernemental sur
la production musicale sont analysés. Il faut noter que les facteurs
internes mais aussi internationaux sont pris en compte dans cette approche
analytique des problèmes d’identité, de démocratisation et de pouvoir qui
animent en profondeur l’État et la société turque d’aujourd’hui.
L’objectif recherché est de nous donner une vision, la plus large possible
d’une Turquie qui tente désespérément de rejoindre l’Union Européenne.
A. B.
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KEDOURIE
(Elie),
Democracy and Arab Political Culture, London : Frank Cass, 1994,
112 p.
En dépit de son titre
l’ouvrage se limite aux pays arabes du Moyen-Orient. Le Moyen-Orient à
l’exception d’Israël reste imperméable à la révolution démocratique qui a
largement touché les ex-pays socialistes d’Europe centrale et orientale y
compris l’URSS. En effet le despotisme et le fondamentalisme religieux
exercent encore leur emprise sur la plupart des États de la région. Ce
phénomène est analysé d’un point de vue “politiste” par un
spécialiste du Moyen-Orient contemporain. Mais on reste souvent sur sa
faim en raison de l’absence d’une étude prospective et en particulier
d’une analyse du potentiel de démocratisation qui existe dans certains
pays arabes (Égypte, Liban, Jordanie) mais qui jusqu’ici n’a put encore
s’affirmer.
A. B.
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KILANI (Mondher)
(dir.),
Islam et changement social, Lausanne : Editions Payot Lausanne, 1998,
348 p., coll. Sciences humaines.
Cet ouvrage collectif
fait la part belle à la place accordée à l’Islam dans l’explication des
dynamiques sociales dans les sociétés musulmanes. Il est dominé par une
approche politiste et plus précisément de sociologie politique. On ne peut
que déplorer l’absence d’une analyse juridique des questions des droits de
l’Homme et de démocratie. Toutefois, cet ouvrage s’inscrit dans le cadre
de la problématique de la modernité dans le monde musulman. Les auteurs se
situent dans une perspective de conflictualité entre Islam et dynamique de
changement social en fondant leurs analyses sur le questionnement suivant
: est-il encore possible de défendre l’idée longtemps partagée par les
études orientalistes, selon laquelle la religion serait le moteur de la
dynamique sociale dans les pays musulmans, ou encore peut-on admettre
l’idée, largement répandue, selon laquelle l’Islam serait un frein au
processus de laïcisation qui constitue l’un des paramètres de la modernité
occidentale.
Les nombreuses études de
cas contenues dans cet ouvrage témoignent notamment de la diversité des
modèles de sécularisation dans le monde musulman (Turquie, Tunisie et
Iran), du rôle croissant de l’Islam diasporique (en Europe), du
dynamismes des nouveaux acteurs sociaux principalement les jeunes et les
femmes (au Maghreb). Cet ouvrage s’inscrit dans une perspective optimiste
considérant que l’ensemble des mouvements et dynamiques qui traversent
aujourd’hui le monde musulman relèvent de la modernité et du changement
social et qu’elles ne constituent pas une récurrence de modèles
archaïques, ce qui de notre point de vue est discutable.
Parmi les 17 études qui
composent cet ouvrage on citera en particulier pour leur intérêt et leur
originalité:
- L’Islam actuel
devant sa tradition et la mondialisation par Mohammed Arkoun:
excellente définition de la mondialisation et de la manière dont elle est
perçue dans le monde musulman (29-62),
- Les transformations
de la culture religieuse de masse en République islamique d’Iran par
Fariba Abdelkhah (65-80),
- Islam, laïcité et
démocratie en Turquie par Samir Vaner (103-121),
- L’Islam français
une minorité religieuse en construction par Jocelyne Cesari (125-136),
- État, Islam, et
changement social dans le monde arabe par Moncef Djaziri qui aborde
principalement la question du défi de la transition politique (169-186),
- Femmes, mouvements
féministes et changement social au Maghreb par Zakya Daoud, voir en
particulier le passage sur le discours des femmes islamistes et l’appel
pour un nouveau contrat social (247-259).
Il faut remercier les
auteurs pour le glossaire sommaire de terminologie de l’Islam joint en
annexe et fort utile pour les non-initiés.
A. B.
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KIRISCI
(Kemal) & WINROW (Gareth M.),
The Kurdish Question and Turkey, London : Frank Cass, 1997, 256 p.
Voici une bonne synthèse
sur la question kurde et son évolution depuis l’Empire Ottoman jusqu’à la
période contemporaine. Les auteurs se réfèrent à un ensemble de concepts
pour appréhender la question kurde tels que la “nation”, le “groupe
ethnique”, le “nationalisme ethnique” (“ethnic nationalism” ) et le
“nationalisme civique” (“civic nationalism” ). L’ouvrage s’inscrit
dans le mouvement de soutien aux droits des minorités et au droit à
l’autodétermination pour les Kurdes de Turquie insistant sur le fait que
seule une solution politique - donc non-militaire - contribuera à résoudre
la question kurde. De ce point de vue plusieurs hypothèses sont examinées.
La sécession complète semble irréaliste dans le contexte actuel. Une
solution fédérale impliquant différentes formes de fédéralisme pourrait
être examinée plus avant. On suggère également différentes formes
d’autonomie allant de l’autonomie culturelle à l’autonomie administrative
et institutionnelle. Ces solutions impliquent la mise en oeuvre de
dispositions visant à garantir les droits de l’Homme et à promouvoir un
processus de démocratisation. On voit ici que la question kurde est à la
croisée des chemins entre les droits de l’Homme et les droits des peuples
et des minorités. Les Kurdes de Turquie semblent jouir partiellement des
premiers mais sont totalement privés des seconds.
A. B.
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KORANY (Bahgat),
Brynen (Rex) and NOBLE
(Paul) (Eds),
Political Liberalization and Democratization in the Arab World:
Comparative Experiences (vol.2), Boulder : Lynne Rienner, 1998, 302
p.
Cet ouvrage collectif
complète le premier volume paru en 1995 portant le même titre mais centré
sur les perspectives théoriques. Il contient une analyse des enjeux et des
obstacles à la démocratisation dans le monde arabe et constitue une
contribution aux théories sur la transition démocratique. La question des
droits de l’Homme apparaît en filigrane dans les différentes études de cas
qui forment l’armature de cet ouvrage élaboré par des politistes et non
des juristes. Les auteurs s’efforcent de restituer la complexité des
processus et des perspectives de démocratisation dans dix pays arabes :
Algérie, Égypte, Jordanie, Koweït, Liban, Maroc, Palestine, Soudan, Syrie
et Yémen. Une sélection qui nous semble pertinente. On nous explique que
la sélection de ces cas répondait au souci de couvrir un échantillon
représentatif des contextes et des dynamiques politiques qui traversent le
monde arabe aujourd’hui. Mais ces études de cas n’ont pas eu pour
conséquence un cloisonnement des analyses et s’inscrivent dans une
perspective comparative. Cette perspective comparative repose sur au moins
trois questions. Comment le gouvernement et les différentes composantes de
la société civile conçoivent la démocratie? Quel est le potentiel de
convergence et de divergence entre ces deux pôles? Quelles ont été les
causes qui sont à l’origine des processus de démocratisation dans les pays
arabes ? Ces processus sont-ils réversibles? Cette collection d’études
constitue un travail assez cohérent mais qui est dominé par une approche
théorique car elle s’intéresse plus à la dynamique des processus de
transition et à l’interaction entre les acteurs qu’aux acteurs eux-mêmes.
A. B.
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LOTFIAN
(Saideh),
“Human Rights and the Challenge of Ethnic Separatist Movements in the
Middle East”, Iranian Journal of International Affairs, vol.VI, n°1
& 2, 1994, pp. 91-118.
Dans cet article de
science politique, l’auteur affirme qu’à la différence des conflits
ethniques en Europe ou en ex-Union soviétique, ceux affectant le
Moyen-Orient sont causés par des ingérences extérieures déstabilisant la
région. Deux tableaux sont annexés à cette étude. Le premier concerne la
protection constitutionnelle des pays de la région (Afghanistan, Arabie
saoudite, Bahreïn, Égypte, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Liban,
Oman, Pakistan, Qatar, Syrie, Turquie, Yémen), le second décrit la
composition de la population de ces différents pays (groupe ethnique
dominant/ autres groupes ethniques importants/ répartition des
confessions). Du premier tableau, l’auteur note qu’à l’exception de
l’Arabie saoudite, d’Israël et d’Oman qui n’ont pas de constitution
écrite, tous les États garantissent les droits de l’Homme sans
discrimination ethnique ou religieuse, cependant, il reconnaît que ces
droits sont fréquemment violés, notamment par l’Irak et par Israël. Du
second tableau, il note que plusieurs groupes ethniques résident dans plus
d’un État et peuvent ainsi être utilisés comme une “ cinquième colonne ”
par un État désirant déstabiliser de l’intérieur un de ses voisins. Après
avoir cité des extraits de la Résolution 181(II) de l’Assemblée générale
des Nations unies et 242(1967) du Conseil de sécurité, l’auteur décrit
ensuite la situation des Palestiniens dans les territoires occupés et les
violations des droits de l’Homme et du droit humanitaire dont Israël se
rend coupable. Puis, le Professeur Lotfian se penche sur les mouvements
nationalistes kurdes et la façon dont des Puissances étrangères les ont
assistés pour servir leurs propres ambitions politiques. Enfin, il plaide
pour que libéralisation économique et libéralisation politique s’épaulent
mutuellement afin que les peuples de la région puissent trouver des
accommodements conformes à leur propre système de valeur. La sécession
n’étant pas une solution (un Kurdistan indépendant, dépourvu de littoral
et sans grande richesse serait économiquement non viable), on ne pourra
mettre fin aux conflits ethniques moyen-orientaux que si, les Puissances
extérieures se désengageant, les États de la région acceptent de réduire
leurs budgets militaires, démocratisent leur régime et accordent aux
minorités une autonomie administrative dans des régions démilitarisées et
garanties, au besoin, par les Nations Unies.
Ph. G.
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MADDY-WEITZMAN
(Bruce) & INBAR (Efraïm) (Eds),
Religious Radicalism in the Greater Middle East, London : Frank
Cass, 1997, 272 p.
L’ouvrage édité par deux
universitaires israéliens, professeurs aux Universités de Tel Aviv et de
Bar Ilan concerne un des défis majeurs qui affectent l’Afrique du Nord et
le Moyen-Orient, le radicalisme religieux.
Les auteurs situent le
début de ce phénomène au milieu des années soixante-dix. On nous explique
qu’au Moyen-Orient le phénomène a été animé par de petits groupes
déterminés qui ont pris un ascendant dans leurs sociétés respectives à
travers un discours et une rhétorique à destination populaire. L’objectif
de ces groupes est de discréditer et d’affaiblir y compris par le recours
au terrorisme les régimes en place. Les analyses couvrent un large
éventail de disciplines allant de la science politique aux relations
internationales en passant par la sociologie. On peut regretter que le
champ géographique d’analyse soit un peu vaste pour refléter les
spécificités locales. En effet, par Greater Middle East, on entend
ici le Moyen-Orient au sens extensif - et américain - du terme,
c’est-à-dire un vaste ensemble couvrant l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient
stricto-senso et l’Asie Centrale, en d’autres termes ce que l’on pourrait
qualifier de domaine de l’Islam. On peut regretter aussi que cet ouvrage
néglige l’importance du radicalisme religieux - il est vrai moins
spectaculaire - dans la chrétienté et le judaïsme. Mais, c’est
certainement un choix délibéré des auteurs.
A. B.
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MAHIOU (Ahmed),”La
réforme de la protection des droits de l'Homme dans le monde arabe“, in
La réforme des institutions internationales de protection des droits de
l'Homme, Bruxelles : Bruylant, 1993, pp. 321-340.
Il s’agit en fait d’une
communication de l’auteur au colloque qui s’est tenu du 1 au 4 novembre
1992) à La Laguna (Ténériffe). L’auteur examine les aspects théoriques
et idéologiques du problème en soulignant certaines ambivalences du débat
sur les droits de l’Homme dans les pays arabes. Cette ambivalence réside
essentiellement dans la relation entre l’Islam et les droits de l’Homme.
De son point de vue, il n’y aurait pas de conception islamique ou arabe
des droits de l’Homme. Ce qui nous parait tout à fait discutable dans la
mesure où le discours - ou plus exactement le contre-discours - des pays
arabes et musulmans est fondé sur des constantes communes (référence
récurrente à la Chariaâ, rôle du fiqh ).
L’auteur examine ensuite
les solutions apportées du fait de l’évolution constitutionnelle dans
certains de ces pays qui a été marquée par le passage d’une phase de
sacralisation de l’État au dépend des droits de l’Homme à une phase
d’irruption des droits de l’Homme. C’est le cas en particulier de
l’Algérie, de l’Égypte, de la Mauritanie et de la Tunisie. L’auteur
examine enfin les réformes intervenues dans certains pays arabes (Algérie,
Maroc et Tunisie) en vue de promouvoir des mécanismes et des procédures de
garanties des droits fondamentaux. Au -delà d’un certain mimétisme,
l’efficacité de tels mécanismes et procédures nous semble tout à fait
discutable.
A. B.
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MAILA (Joseph),
“Les droits de l’Homme sont-ils impensables dans le monde arabe ?”,
Cahiers de l’Orient, 1991, pp. 176-197.
Joseph Maïla, Libanais
d’origine, doyen de la Faculté de droit catholique de Paris, nous livre
ici sa réflexion résumée dans une question aussi provocante que pertinente
“les droits de l’Homme sont-ils impensables dans le monde arabe ?”
En effet voici une question cruciale lorsqu’on on est amené à s’interroger
sur le retard accumulé dans le monde arabo-musulman dans le domaine de la
protection des droits humains. Et le doyen Maïla d’entamer sa réflexion
sur un constat: “Qu’ils soient Républiques ou monarchies, que le parti
unique les gouverne ou qu’une autocratie traditionnelle les régente, les
États du monde arabe vibrent à l’unisson d’une même violation des droits
de l’Homme”. Il constate que cette négation est immuable car ni le
réformisme de la Nahda, à la fin du XIXème siècle, ni le
progressisme post indépendance ne semblent avoir modifié la donne. Il
constate qu’il faut en rechercher les causes dans les fondements tribaux,
religieux et nationalistes des systèmes politiques arabes qui à travers
des valeurs de solidarité ont marginalisé les droits de l’individu. Il
nous restitue l’analyse de certains orientalistes comme Gellner pour qui
la “cité islamique serait dès l’origine anarchique” et que par conséquent
“la culture de violence et de force qui prévaudrait dans l’aire
arabo-musulmane ne militerait pas en faveur de l’émergence d’un espace de
droit”. Mais, il considère que cette approche culturaliste qui a dominé
la recherche sur les droits de l’Homme dans le monde arabo-musulman
s’avère insuffisante pour appréhender toute la complexité du problème. On
est tout à fait convaincu lorqu’il nous affirme que l’islamisme loin de
constituer une rénovation critique d’un système de pensée codifié comme le
laisserait croire les salafistes, n’a finalement eu aucune “portée
modernisante spécifique” sur l’idée des droits de l’Homme. Bien au
contraire pourrait-on ajouter !
Il nous invite alors à
rechercher d’autres “pistes” dans les structures de pouvoir des États
arabes. Cela nous amène à décrypter les fondements de la légitimité de ces
États. Cette légitimité est fondée sur une “logique de restitution”
(restituer et reconstruire l’État post-colonial) et une “logique de
personnalisation” du pouvoir (système d’appellations politiques du
dirigeant: qaîd , al raïs zaïm., amir al-mu’minin... ) qui
ont pour effet de décourager toute contestation et de “reporter sine die
la question de la démocratie”. Cette légitimité autoritaire porte par
essence la négation de toute autonomie de l’individu au profit du corps
social, al-açabiyya. Et l’auteur de souligner que “la crise
politique qui s’ouvre dans l’ordre politique arabe est révélatrice du
hiatus béant, maintenu par l’absence du pacte social entre un individu
sans droits et une communauté en mal d’historicité”.
Abordant la relation
Islam et droits de l’Homme illustrée par la Déclaration islamique
universelle des droits de l’Homme (1981), le doyen Maïla y voit non
l’expression d’une volonté de présenter sous une forme moderne les
principes islamiques mais plutôt comme une contribution de la culture
islamique à l’universel. Il estime que l’intérêt pour une problématique
islamique des droits de l’Homme est la conséquence d’un double phénomène:
la crise de légitimité des régimes politiques arabes et “l’évanescence des
repères symboliques et de l’identité”; ce que personne ne peut contester.
Dans le cas de l’Islam, les droits de l’Homme n’existent que par rapport à
la Chariaâ, ils ne seraient en quelque sorte “pensables” que dans le
sillage de celle-çi qui leur donnerait “une indéniable positivité et une
incontestable légitimité”. L’autre particularité serait qu’en Islam le
système de droits et devoirs des croyants immuniserait la communauté
contre un “individualisme débridé”. Ce n’est pas le fondement religieux
des droits qui fait problème mais le “caractère juridiquement fermé de la
formulation des droits”. Ainsi se trouverait compromise toute perspective
d’approfondissement des droits de l’Homme en Islam. La référence
systématique à la Chariaâ contribuerait en quelque sorte à
relativiser les droits reconnus aux musulmans. Le caractère immuable,
achevé et sacré de la Loi islamique découragerait de surcroît toute
entreprise d’interprétation par une espèce d’autocensure que s’imposerait
les théologiens musulmans. Les déclarations islamiques des droits de
l’Homme ne viseraient-elles pas en définitive à islamiser des droits qui
prétendent à l’universalité plutôt qu’à universaliser les droits de
l’Homme en Islam ?
A.
B.
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MEHRPOOR
(Hossein),
“Human Rights and their place in Islam and the system of the Islamic
Republic of Iran”, Law and Judicial Review of the Judiciary of the
Islamic Republic of Iran , vol.I, n°2, 1992, pp. 24-37.
Dans cet article,
l’auteur, professeur de droit et membre du Conseil des gardiens de la
Révolution, s’efforce de démontrer la compatibilité du droit islamique et
de la constitution iranienne avec la Déclaration universelle des droits de
l’Homme. Rappelant qu’au regard du Coran tous les êtres humains (quel que
soit leur sexe) sont égaux en valeur et dignité, le professeur Mehrpoor
cite le précepte de l’Imam Ali : “Ne soyez pas esclaves des autres,
puisque Dieu vous a créés libres”. Considérant que pour être une personne
digne de ce nom, l’homme ou la femme doit vivre moralement et s’élever
intellectuellement et spirituellement, l’auteur justifie l’intolérance à
l’égard des incroyants et des mécréants par le fait que l’article 16 et
l’article 29 §2 de la Déclaration universelle font référence à
l’éducation, à la moralité et à l’ordre public. Par ailleurs, il rappelle
le caractère tolérant de l’Islam (“pas de contrainte en religion”, Sourate
de la Vache, verset 258) et souligne que les massacres récurrents au Moyen
Age européen et causés par des fanatismes religieux aveugles ne se sont
jamais produits en terre d’Islam. Les discriminations sexistes sont
justifiées par la différence de fonctions entre homme et femme.
L’auteur décrit ensuite
les dispositions constitutionnelles qui correspondent, selon lui, aux
articles 1, 2, 3, 4, 13, 18, 19, 20 et 23 de la Déclaration universelle.
L’article 9 de la Constitution dispose qu’aucune autorité ne peut usurper
les droits et libertés légalement reconnus sous prétexte de sauvegarde de
l’indépendance nationale ou de l’intégrité territoriale du pays. L’article
56 de la Constitution se lit comme suit : “Dieu Tout Puissant a l’absolue
souveraineté sur le monde et sur l'Homme, et Il a fait de l'Homme le
maître de son propre destin. Nul ne peut retirer à l'Homme ce droit divin
ou le soumettre au service des intérêts d’un individu ou d’un groupe
particulier...”. Les articles 23, 24, 26 et 27 de la Constitution
garantissent respectivement la liberté de conscience, la liberté de la
presse (“pour autant qu’elle ne viole les principes fondamentaux de
l’Islam ou des libertés publiques”), la liberté d’association et la
liberté de rassemblement. Les articles 28 et 43 §4 de la Constitution
traitent de la liberté d’exercer le métier de son choix. L’article 19 de
la Constitution pose le principe de la non-discrimination de couleur, de
race ou de langue. L’article 29 de la Constitution affirme l’égalité des
sexes telle que compatible avec les principes de l’Islam. L’article 10 de
la Constitution vise la protection de la famille (“unité fondamentale de
la société islamique”) et l’article 21 de la Constitution garantit les
droits des femmes “d’après les principes de l’Islam”, en accordant une
attention particulière aux mères et, dans une moindre mesures, aux veuves.
Les articles 32 à 35 de la Constitution instituent une sorte d’habeas
corpus. L’article 37 de la Constitution pose le principe de la
présomption d’innocence. L’article 38 de la Constitution interdit la
torture. Le droit à l’éducation est garanti par les articles 3 §3 et 30 de
la Constitution D’autres dispositions constitutionnelles concernent le
droit du peuple à participer à la direction des affaires publiques par
l’intermédiaire de représentants élus (article 3 §8, article 6, article 7,
article 8 §3, article 43, articles 100 à 106).
Ph. G.
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MONSHIPOURI (Mahmood),
Islamism, Secularism, and Human Rights in the Middle East, Boulder :
Lynne Rienner, 1998, 220 p.
L’auteur examine les
implications de la sécularisation (secularization) et de l’islamisation
sur les droits de l’Homme dans les États du Moyen-Orient. Prenant comme
champ d’analyse les réformes politiques en Iran, au Pakistan et en
Turquie, l’auteur nous rend compte des tensions découlant d’une part de la
revendication d’un système des droits de l’Homme dans le cadre de l’Islam
et d’autre part, les appels en faveur de l’adhésion aux normes
“occidentales” des droits de l’Homme. Monshipouri introduit son
ouvrage par une réflexion générale sur les concepts d’islamisme, de
sécularisme, de politique de réforme et des droits de l’Homme. L’auteur
conclut par une réflexion sur les défis à la stabilité politique posée par
le débat sur les droits de l’Homme. On retiendra les trois études de cas
suivants :
- le combat pour la
réforme politique et les droits de l’Homme au Pakistan ;
- la théocratie, réforme
et droits de l’Homme dans l’Iran post-révolutionnaire ;
- islam et sécularisme:
perspectives pour les droits de l’Homme en Turquie.
L’ouvrage de Monshipouri
est conseillé pour toute personne désireuse de faire le point sur la
question des réformes politiques et des droits de l’Homme dans des pays
musulmans qui ont adopté des modèles constitutionnels différents. On peut
déplorer que l’auteur ait limité son analyse à trois États non-arabes du
Moyen-Orient alors que son titre laisserait supposer que son champ d’étude
concerne toute la région.
A. B.
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MONSHIPOURI (Mahmood),
Democratization, Liberalization, and Human Rights in the Third World,
Boulder : Lynne Rienner, 1995, 193 p.
Ce professeur associé de
sciences politiques à Alma College nous propose ici une réflexion sur le
lien entre démocratisation, libéralisation et droits de l’Homme. A travers
l’interaction entre ces trois concepts, il nous explique la raison de
l’échec des processus de démocratisation dans la plupart des pays du Tiers
Monde. Il appuie son analyse par une évaluation comparative des processus
d’ouverture politiques en Algérie, au Pakistan, au Salvador et au Pérou.
A.
B.
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NONNEMAN
(Gerd), NIBLOCK (Tim)
and
SZAJKOWSKI (Bogdan) (Eds), Muslim Communities in the New Europe,
Reading : Ithaca Press, 1997, 356 p.
Cet ouvrage collectif
sur les communautés musulmanes dans la nouvelle Europe est co-édité par
trois enseignants aux universités de Leicester (Gerd Nonneman), de Durham
(Tim Niblock) et d’Exeter (Bogdan Szajkowski). Cet ouvrage collectif
s’interroge aussi sur la situation des Musulmans dans les nouveaux pays
d’accueil des migrants (Espagne, Italie, Danemark et Suède). L’ouvrage se
compose de trois parties:
- Thèmes et questions :
les communautés musulmanes dans la nouvelle Europe
- Islam et ethnicité en
Europe de l’Est
- Les Musulmans en
Europe occidentale.
La situation des
communautés musulmanes en Europe est analysée par des études de cas sur la
base de chapitres consacrés aux principaux pays européens aussi bien de
l’Ouest (Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni, Pays-Bas) que de l’Est
(Bosnie, Bulgarie, Grèce, Macédoine). Il est clair que le statut des
Musulmans est différent selon qu’ils se trouvent à l’Est ou à l’Ouest du
continent : essentiellement des migrants en Europe occidentale et des
minorités en Europe orientale. A noter une étude (assez superficielle) sur
les droits de l’Homme et les relations avec le monde musulman. On
s’intéresse aussi à l’évaluation des politiques gouvernementales en
matière de législation sur la citoyenneté. Quel est l’impact des facteurs
économiques dans ces politiques ? Dans quelle mesure l’opinion publique
est affectée par ces facteurs et d’autres? Ouvrage descriptif à la portée
et au contenu très limité sans intérêt pour une recherche juridique.
A. B.
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OUDERNI (Ahmed Iadh),
“Problèmes de mise en oeuvre du droit humanitaire et des droits de
l’Homme”, Études internationales (Tunis), n°62, 1/1997, pp. 68-71.
Il s’agit ici d’un
discours introductif au colloque organisé par l’Association tunisienne de
science politique (Tunis, 9 décembre 1996) dont l’auteur n’est autre que
le “conseiller principal auprès du Président de la République tunisienne”.
Si l’auteur rappelle l’adhésion de la Tunisie au principe de
l’universalité des droits de l’Homme, il n’en souligne pas moins la
nécessité de rejeter “deux extrémismes”, celui de la spécificité qui
procède “d’idéologies extrémistes religieuses” et celui qui consiste à
vouloir “imposer un modèle unique pour tous”. Ce représentant de
l’establishment officiel appelle à une lecture non-idéologique des droits
de l’Homme. Il s’agit ici de renvoyer dos à dos le discours islamiste et
celui de l’Occident. Cette conception très manichéenne est symptomatique
d’une approche sommaire de la question des droits de l’Homme perçue comme
un élément d’affaiblissement de l’État, pas seulement en Tunisie mais
aussi dans de nombreux États arabes. Il faut regretter que cette
conception tende à mettre au même plan extrémisme religieux et son
discours d’intolérance et la soi-disant conception occidentale qui n’est
autre que le discours universaliste des droits de l’Homme en qui de
nombreux analystes dans le monde arabo-musulman et pas seulement M.
Ouderni voient un facteur d’ingérence et de sape du pouvoir. N’est-ce pas
ici les caractéristiques d’un certain “extrémisme” qui s’érige en
troisième voie face aux deux précédents contre lesquels l’auteur s’est
élevé ?
A.
B.
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SAID ZAHLAN (Rosemarie),
The Making of the Modern Gulf States: Kuwait, Bahrain, Qatar, the
United Arab Emirates and Oman, Reading: Ithaca Press, 1998, 300 p.
On peut trouver dans cet
ouvrage une mine d’informations sur les pays du Golfe, leur histoire
contemporaine, leurs systèmes politiques gérés par quelques familles, les
défis posés par la transformation induite par les richesses pétrolières,
les rapports entre Etats et les implications de la Guerre du Golfe pour la
région. Elle cherche à restituer l’identité politique et culturelle de
cette région du monde arabe. Cette nouvelle édition d’un ouvrage désormais
classique s’appuie sur des sources documentaires incluant des documents
d’archives jusqu’ici inaccessibles. Pour une vision globale de l’état
politique, économique, social et culturel du Golfe, cet ouvrage semble
avoir atteint son objectif. Mais le juriste restera sur sa faim s’il
recherche une analyse critiques des système politiques et des mécanismes
institutionnels ou une évaluation du respect des droits de l’Homme par les
monarchies de la région. Il semble que ce ne soit pas la préoccupation de
l’auteur par ailleurs spécialiste reconnue de la région.
A. B.
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SALAMÉ (Ghassan)
(dir.),
Démocratie sans démocrates. Politiques d’ouverture dans le monde arabe et
islamique, Paris : Fayard, 1994, 452 p.
L’ouvrage dirigé par
Ghassan Salamé est une compilation de contributions des meilleurs
spécialistes en Sciences politiques des pays arabes. Il ne concerne pas
spécifiquement la question des droits de l’Homme mais l’évoque
implicitement dans l’analyse de la problématique générale de la démocratie
et/ou de la démocratisation. Le titre volontairement provocateur -
“Démocratie sans démocrates” - rend compte d’une réalité incontournable,
le retard pris par les pays arabes en matière de démocratisation serait
lié à l’absence d’une culture et d’une élite démocratique. Y a -t-il en
matière de démocratie un “exceptionnalisme arabe”, pour reprendre
l’expression de Jean Leca (p. 57) ? Il faudrait en rechercher les causes
dans les dynamiques de pouvoirs et le comportement des élites dirigeantes
hostiles à l’alternance politique aussi bien en Algérie qu’en Égypte, en
Turquie ou en Tunisie. Outre les analyses théoriques de Leca (pp. 35-94),
Waterbury (pp. 95128) et de Salamé (pp. 129-162), on citera notamment les
études sur les expériences égyptienne (par Roger Owen, pp. 255-276),
syrienne (par Volker Perth, pp. 335-372), iranienne et turque (par
Jean-François Bayart, pp. 373-396). On notera les analyses de Aziz
Al-Azmeh (“Populisme contre démocratie: discours démocratisant dans le
monde arabe”, pp. 233-254) et de Gudrun Krämer (“L’intégration des
intégristes: une étude de cas comparative de l’Égypte, de la Jordanie et
de la Tunisie”, pp. 277-312) et en particulier le passage -
malheureusement bref - que cette dernière consacre aux approches
islamiques de la démocratie (pp. 287-290).
On peut saluer la
publication de cet ouvrage qui aborde de manière relativement complète la
problématique démocratique dans le monde arabo-musulman en s’appuyant sur
des études de cas représentatifs. Mais on peut regretter que l’explication
du retard démocratique par le facteur religieux ait été quelque peu
marginalisée. De même on doit déplorer le choix exclusif d’une approche
dominée par la théorie et la sociologie politique, ne laissant guère de
place à l’analyse juridique.
A. B.
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SALVATORE (Armando), Islam and Political Discourse of Modernity,
Reading : Ithaca Press, 1997, 312 p.
Il ne s’agit pas, là
aussi, d’un ouvrage sur les droits de l’Homme en Islam, mais sur l’étude
d’un phénomène apparenté, souvent galvaudé, rarement défini, “l’Islam
politique”. Armando Salvadore nous propose ici une analyse du discours
des mouvements qui relèvent de l’islam politique. Cette analyse lui permet
d’identifier les moyens et de rechercher la direction en vue de promouvoir
un dialogue transculturel entre l’Occident et le monde de l’Islam. Cette
réflexion d’un chercheur occidental sur les vertus du dialogue des
civilisations tranche par son optimisme avec la littérature du “clash” des
cultures où domine la défense des spécificités et le repli sur soi.
A. B.
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SAMUELSON (Peter A.),
“Pluralism Betrayed : The Battle Between Secularism and Islam in Algeria’s
Quest for Democracy”, Yale Journal of International Law, vol.20,
n°2, 1995, pp. 309-358.
L’auteur distingue le
pluralisme comme fait (existence au sein d’une communauté de sous-groupes
aux croyances différentes) et comme idéal (à la fois espoir et sentiment
qu’en dépit de ces différences peuvent et doivent vivre en paix). C’est en
ce dernier sens qu’il faut comprendre le titre de l’article (“ le
pluralisme trahi ”). En effet, l’Algérie aurait dû relever le défi de
combiner le pluralisme démocratique avec l’Islam fondamentaliste
(expression utilisée par l’auteur - fundamentalist Islam), le coup
d’État opéré par la junte militaire ne l’a pas permis. Face à la
justification du putsch fondée sur le caractère non-démocratique du Front
islamique du salut (FIS), il conteste que le pouvoir militaire puisse
représenter un moindre mal. Il s’agirait plutôt d’un remède pire que le
mal. Après avoir rappelé le contexte dans lequel se déroulèrent les
élections municipales et le premier tour des élections législatives,
l’auteur critique les violations systématiques des droits de l’Homme
perpétrées par la junte et déplore que les États démocratiques n’aient pas
été plus critiques envers le régime militaire. Il se lance ensuite dans
une discussion sur la place de la religion dans la société musulmane et
déclare inadaptée la vision laïque rejetant la religion dans la sphère
privée, ce qui ne serait à l’en croire qu’instaurer l’athéisme en religion
d’État.
Selon l’auteur, les pays
occidentaux en tentant de promouvoir le pluralisme et la démocratie ont
tort d’insister sur le sécularisme qui n’est qu’un reflet idiosyncratique
de la civilisation occidentale et porte préjudice à la propagation de la
démocratie dans les pays non-occidentaux. Le pluralisme et la démocratie
ne peuvent s’instaurer dans ces pays qu’en s’enracinant dans la culture
autochtone. Il y aurait dans l’Islam de riches traditions parfaitement
compatibles avec la démocratie qui permettrait une adaptation de celle-ci
aux sociétés musulmanes. Et de citer les travaux d’Ali Abdel Raziq sur
l’Islam et les fondements du gouvernement (al-Islam wa naul al-hukm).
Selon M. Samuelson, le concept de dar al-sulh (sic), qu’il
traduit par “ territoire de la paix ”, peut fournir la base d’une
participation musulmane dans une société pluraliste. Regrettant que la
Chariaâ condamne à mort l’apostat, l’auteur s’avère toutefois confiant
dans les capacités d’évolution telle que le non-lieu prononcé par un
tribunal malaisien dans le cas de la conversion d’un musulman au
christianisme (Minister of Home Affairs v. Jamaluddin bin Othman,
Malayan Law Journal, vol. I, 1989, pp.368-370 & 418-420).
Reconnaissant que la duplicité du discours du FIS (selon qu’il s’adresse
aux journalistes occidentaux ou aux fidèles des mosquées) est difficile à
décrypter, l’auteur décerne néanmoins dans certaines attitudes de ses
leaders un “ potentiel démocratique ”. Il passe ensuite en revue
différentes questions (prohibition de l’alcool, port du voile, suffrage
des femmes, code de la famille) dont le règlement par les fondamentalistes
serait moins incompatible avec la démocratie qu’on ne l’affirme
généralement. En tout cas, à l’épreuve du pouvoir, le FIS eût été amené à
composer dans un sens démocratique du fait de l’équilibre des pouvoirs
constitutionnels et du jeu politique. L’action de la junte depuis le coup
d’État ne peut quant à lui que déboucher sur une situation de conflit.
Ph. G.
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SIHBUDI
(Riza),
“Islamic ‘Fundamentalism and Democratization in the Middle East”,
Iranian Journal of International Affairs, vol.VI, n°1&2, 1994, pp.
119-128.
Dans cette courte
synthèse l’auteur, chercheur à l’Institut indonésien des sciences
(Jakarta), présente l’appréhension occidentale de l’Islam et la thèse du
conflit de civilisations formulée par le Professeur S.P. Huntington. Il
s’interroge ensuite sur la compatibilité de l’Islam avec la démocratie. Se
désolidarisant des ‘fondamentalistes’ qui rejettent la démocratie au nom
de l’émancipation du colonialisme culturel occidental (l’Iranien Fadlallah
Nuri au début du siècle, l’Égyptien Sayib Qutb dans les années 1960,
l’Algérien Ali Belhaj aujourd’hui), mais aussi auteurs modernistes tels
que Muhammad Assad, l’auteur prend exemple sur la synthèse que réaliserait
la constitution iranienne entre la souveraineté divine et la souveraineté
populaire pour affirmer que l’Islam peut représenter une forme de
démocratie. Il cite deux des figures de proue du parti tunisien de la
renaissance (Hizb al-Nahda), dont la “ nouvelle pensée islamique ”
admet la démocratie, la souveraineté populaire, les élections pluralistes
et le droit constitutionnel, qui déplorent que l’Occident parle de
démocratie et de droits de l’Homme alors qu’il soutient les régimes non
démocratiques qui persécutent les militants “fondamentalistes”.
Ph. G.
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STOOKE
(Hugo et al),
Human Rights in Developing Countries, Yearbook 1997, The Hague/Oslo
: Kluwer Law International/Nordic Human Rights Publications, 1997, 440 p.
La livraison 1997 de cet
Annuaire comporte un thème central sur la relation développement et droits
de l’Homme complété comme à l’accoutumé par des études de cas centrés sur
des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Pour ce qui concerne
l’objet de notre recherche on retiendra particulièrement une analyse sur
l’aide au développement destinée à l’Autorité palestinienne ainsi qu’un
chapitre sur la Libye.
A.
B.
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VAN DER
VYVER (Johan D.)
(Ed.),
Religious Human Rights in Global Perspective : Legal Perspectives,
The Hague : Martinus Nijhoff Publishers, 1996, 1356 p.
Cet ouvrage part du
postulat que si le XXème siècle est marqué par un développement
spectaculaire de la protection des droits de l’Homme, il est aussi marqué
par des violations massives des libertés religieuses. Il s’agit du
résultat d’un projet de recherche sur la religion, les droits de l’Homme
et la démocratie élaboré dans le cadre du Programme Droit et Religion de
l’Université Emory (États-Unis). Des personnalités comme Jimmy Carter et
des juristes éminents examinent à travers une approche comparative les
législations en matière de libertés religieuses et la pratique dans un
certain nombre d’États. Il faut notamment citer les études sur les
perspectives en matière de libertés religieuses (J. van der Vyver ), les
droits de l’Homme en matière de religion et le principe du pluralisme au
Moyen-Orient (T.J. Gunn) et, l’Afrique à la recherche des droits de
l’Homme en matière de religion (A.Maoz).
A. B.
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WILLIS
(Michael),
The Islamist Challenge in Algeria: a Political History, Reading:
Ithaca Press, 1996, 440 p.
La crise qui secoue ce
pays depuis 1992 et même pour certains depuis 1988 (émeutes d’octobre) est
analysée par l’un des spécialistes américains de l’Algérie (avec William
Quandt et Robert Mortimer). Il s’agit d’une analyse des événements
intervenus dans ce pays entre 1992 et 1994 avec la montée en puissance du
mouvement islamiste représenté par le FIS. Celui-ci a su profiter mieux
que toutes autres forces politiques des premières élections libres qu’a
connu l’Algérie en 1991. C’est une étude qui reste prisonnière d’une
approche essentiellement événementielle de la crise algérienne au dépend
d’une analyse des données et des tendances profondes (causes historiques,
sociales et culturelles) qui expliquent l’apparition et le développement
de l’islamisme algérien. L’auteur ne semble pas cacher une certaine
sympathie pour le FIS comme l’explique notamment son développement sur
les accords de San Egidio (1995). L’auteur ne s’est pas interrogé sur les
conséquences pour les droits de l’Homme de l’avènement d’un régime
islamiste en Algérie, ce qui dénote une certaine naïveté très répandue
avant le 11 septembre 2001 dans les pays anglo-saxons à propos de la
nature démocratique de ce mouvement.
A. B.
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WITTE
(John) & VAN DER VYVER (Johan D) (Eds),
Religious Human Rights in Global Perspective: Religious Perspectives,
The Hague : Martinus Nijhoff Publishers, 1996, 636 p.
Cet ouvrage comme le
précédent est le résultat d’un projet de recherche sur la religion, les
droits de l’Homme et la démocratie élaboré dans le cadre du Programme
Droit et Religion de l’Université Emory (États-Unis). Il s’inscrit à la
différence du premier dans une perspective religieuse en comparant les
textes et la tradition chrétienne, juive et musulmane. il part du postulat
que ces trois religions monothéistes ont servi de légitimation aux
atteintes aux libertés religieuses à travers le monde, en particulier à
l’égard des femmes, des enfants et des minorités. A lire en particulier
les contributions de J. Witte (dimension religieuse des droits de
l’Homme), M.J. Broyde (les fondements islamiques des droits de l’Homme
dans le domaine de la religion), A.A. An Na’im (les droits de la femme
dans la Communauté musulmane), R. Hassan (le traitement des dissidents
religieux en Droit musulman).
A. B.
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